La numérisation a pris une importance énorme dans bien des domaines et commence à s’attaquer aux processus d’embauche, obligeant postulants comme employeurs à revoir leur conception de l’entretien.
Le recrutement ressemble aujourd’hui à un véritable parcours du combattant. Les employeurs doivent faire face à des centaines de profils et l’entretien d’embauche devient lapidaire, éliminant les candidats au moindre faux pas.
Les nouvelles technologies permettent de simplifier certaines étapes, mais il va falloir un temps d’adaptation autant pour les employeurs que pour les candidats.
L’écran, une nouvelle barrière
Un entretien par visioconférence n’est pas toujours aussi idyllique que cela peut paraître. « Le rendez-vous par vidéo est pratique, mais la connexion coupait sans arrêt. Dur de se justifier dans ces conditions », décrit un candidat qui a dû passer son entretien d’embauche via Zoom au journal suisse Bilan.
« Par écrans interposés il est dur de se mettre à l’aise, de se livrer, d’aller dans les détails, c’est très impersonnel. Sans parler de la perte de concentration, de la gestuelle limitée et de la durée qui est nettement raccourcie dans ce type d’échanges digitaux », commente Nathalie Bordard, fondatrice de Brodard Executive Search.
Du côté des employeurs l’exercice n’est pas simple non plus. Pour certains, si ce processus est intéressant, il ne permet pas complètement de pallier au contact humain. « 80% du message passe par le langage non-verbal et à travers l’ordinateur, il est compliqué de ressentir ce fameux feeling envers un candidat », déclare Fanny Comba, responsable communication chez JobUP. « Peut-être est-ce l’occasion de devenir plus objectif ? », se demande-t-elle tout de même.
« La vidéo est utile, mais pour gérer un tel entretien, il faut y être préparé », affirme Alexandre de Gennaro, spécialiste des questions d’embauche et de recrutement. Toutefois, le coronavirus n’a pas laissé de temps à la tergiversation, et nombre de recruteurs ont été obligés d’adopter rapidement cette solution.
Les réseaux sociaux, une source d’informations
En réalité, la numérisation de l’entretien a commencé il y a un moment. Les recruteurs ont effectivement pris l’habitude de googliser leur interlocuteur avant un rendez-vous.
Les réseaux sociaux offrent un bon aperçu du candidat avant même de le rencontrer en personne.
« Cela ne vient pas biaiser le résultat, mais représente une source d’informations complémentaires. Les jeunes entrants sur le marché du travail en sont bien conscients et incluent les références de leurs différents comptes dans leur CV », indique Florence Thellier, porte-parole d’Academic Work.
Toutefois, il est bon de se méfier de ces réseaux, une mise en garde qui vaut autant pour les candidats que les recruteurs. Ainsi, il est important de noter qu’une fois que quelque chose est sur Internet, impossible de l’enlever. Cela peut également donner une fausse impression aux recruteurs. Certaines plateformes mettent en avant certains aspects de la personnalité que l’on ne voit pas forcément en entretien, ce qui pourrait être au désavantage du candidat.
« De plus en plus d’outils permettent de scruter la vie privée des individus et cela peut fausser un jugement. C’est à double tranchant », appuie Alexandre de Gennaro, spécialiste des questions d’embauche et de recrutement.
Utilise un avatar pour plus d’impartialité?
L’intelligence artificielle pourrait balayer tous ces éléments en un tour de main. Actuellement, l’Université de Lausanne, en Suisse, (UNIL) travaille en partenariat avec l’Institut de psychologie du travail et des organisations de l’UNINE sur un nouveau projet qui permettrait de révolutionner les entretiens d’embauche.
« Des algorithmes sont désormais capables d’extraire des informations sur la personnalité d’un candidat à partir de son comportement verbal ou non-verbal. L’idée séduit de plus en plus de professionnels », explique le professeur Adrian Bangerter qui travaille sur ce projet.
La Bâloise propose un projet qui va encore plus loin : un entretien structuré mené par un avatar. Ce programme développé par l’UNIL a déjà pu être testé et sera utilisé dès cet automne.
« L’idée à la base du projet était de repenser notre processus de recrutement pour l’optimiser et à terme, le simplifier. Le postulant est devant un ordinateur et répond à des questions posées par l’avatar. La session, qui est filmée, est ensuite visionnée par un cercle de recruteurs et évaluée selon des critères prédéfinis », explique Fiona Egli, représentante de la Bâloise.
Cette technologie permettrait de standardiser les entretiens tout en évitant les biais cognitifs.