« Nous éprouvons souvent une émotion avant même d’avoir eu le temps de procéder à une analyse rationnelle de la situation. Pour éviter que la première ne vienne biaiser la seconde, il ne faut pas tenter de la réprimer, au contraire. Lorsqu’on est confronté à une difficulté, la première chose à faire consiste en effet à identifier comment on se sent », indique Alex Vincent, directeur principal et responsable mondial des animateurs chez Knightsbridge, une firme de consultants en ressources humaines.
Cet expert, qui fait beaucoup de coaching auprès des professionnels de la finance, invite ensuite ces derniers à demander à leurs collègues comment ils interprètent la situation. «En observant la réaction de notre environnement, on peut savoir si la nôtre est démesurée ou non», dit-il.
Anik Armand, gestionnaire de portefeuille pour Valeurs mobilières Desjardins (VMD), procède souvent de cette façon. « Je l’avoue, je suis une émotive! Sur le plan relationnel, c’est une belle qualité, parce que ça me rend plus humaine et plus à l’écoute de mes clients. Mais il m’en faut peut-être moins que d’autres pour me rendre fébrile. Quand je m’emporte, je prends généralement le temps d’en discuter avec l’un de mes collègues qui lui, est très placide. Ça m’aide à me calmer. »
La conseillère estime toutefois qu’il s’agit d’une tactique à double tranchant. «J’ai un autre collègue qui s’énerve tout aussi, sinon plus, facilement que moi. Si j’ai déjà de petites inquiétudes à propos d’un sujet et que je lui en parle, il y a de bonnes chances pour que je tombe en mode panique!»
Comme le rappelle Alex Vincent, les épreuves engendrent généralement des émotions négatives, lesquels entraînent des comportements également négatifs. Pour briser ce cycle vicieux, il faut éviter tout discours intérieur négatif. « Se dire des choses comme « C’est une catastrophe, je ne m’en sortirai jamais! » ou « Je suis idiot, j’aurais dû savoir ceci ou cela… » est totalement contre-productif. Il faut être indulgent avec soi-même et à défaut de pouvoir changer la situation, mieux vaut concentrer son énergie à changer la perception qu’on en a», souligne-t-il.
Une crise peut en effet avoir des retombées positives. «Ça nous amène à nous questionner sur nos façons de faire, puis, éventuellement, à les améliorer. Et c’est aussi dans ces moments qu’on trouve les meilleures opportunités d’investissement», affirme Louis Allard, gestionnaire de portefeuille et président de la firme Allard, Allard et associés.
Depuis qu’il est entré dans l’industrie, il y a 18 ans, ce conseiller a lui-même affronté deux tempêtes majeures: l’éclatement de la bulle technologique, au début des années 2000, puis la crise financière de 2008.
« Le premier évènement n’était pas une crise à proprement parler, mais on sentait tout de même une inquiétude chez certains investisseurs. Comme j’avais encore peu d’expérience, j’étais moi-même un peu stressé. Mais j’avais confiance dans les principes de gestion du cabinet et dans l’histoire, qui démontre que l’économie suit des cycles et que les nuages finissent toujours par passer », raconte-t-il.
« Maîtriser ses émotions et ainsi transformer une situation difficile en opportunité, c’est ce qu’on appelle la résilience. Cette qualité n’est pas innée, mais nous avons tous la possibilité de l’acquérir », poursuit Alex Vincent.
Stratégies
Le spécialiste des ressources humaines précise qu’il existe des stratégies permettant de développer sa résilience à court terme et d’autres pour développer sa résilience à long terme.
« Identifier ses émotions, en discuter avec ses collègues et mettre fin au discours intérieur négatif, ce sont des techniques qui aident à surmonter un stress ponctuel. Mais les conseillers doivent aussi se doter de mécanismes qui favorisent la résilience à long terme, puisqu’ils sont soumis à une pression constante. En effet, quand ce n’est pas le cours du pétrole qui dégringole, c’est celui des devises étrangères qui joue au yo-yo», dit-il.
Parmi ces mécanismes, on retrouve bien sûr l’adoption de saines habitudes de vie. Alex Vincent recommande également de se constituer un réseau vers lequel on pourra se tourner lorsque les temps seront difficiles. « On peut bien sûr faire appel à des collègues plus expérimentés. Il faut aussi choisir quelques personnes de confiance avec lesquelles on pourra ventiler ses émotions sans crainte d’être jugé. »
Les conseillers doivent aussi trouver des opportunités leur permettant de développer leur confiance en situation de stress. « Je leur suggère de commencer en dehors du cadre du travail, puisque les enjeux seront alors moins importants », indique Alex Vincent. Ils peuvent par exemple s’impliquer dans l’organisation d’évènements caritatifs.
Enfin, il est important de se fixer des objectifs qui ne sont pas uniquement en lien avec sa vie professionnelle. « Ça aide à remettre les choses en perspective. Ce n’est pas parce que les choses se corsent au boulot que la vie s’arrête! », conclut Alex Vincent.