Nombreux sont ceux qui croient que les militaires ne représentent pas une clientèle de choix pour un représentant, puisqu’ils bénéficient déjà d’un large éventail d’avantages sociaux en matière d’assurance et de retraite que les institutions financières auraient de la difficulté à concurrencer.
Patrick Boucher, un représentant qui compte plusieurs militaires parmi sa clientèle, en dresse un portrait plus nuancé. « Vous avez raison de croire que, d’un côté, il s’agit d’une clientèle intéressante, puisque les militaires ont de bons revenus et qu’il est peu probable qu’ils se retrouvent au chômage. Mais aussi que, de l’autre côté, les avantages sociaux que leur offrent les Forces armées canadiennes couvrent déjà une bonne partie de leurs besoins en assurance ou en produits de retraite. »
Assurer un ou une militaire ?
Est-ce que les assureurs pourraient refuser d’assurer cette clientèle en raison des risques associés au métier de militaire ? Pas nécessairement, selon Patrick Boucher.
« J’ai réussi à vendre avec la Sun Life des polices vie à des militaires, dit-il. Il est évident toutefois qu’il faudra poser des questions additionnelles au client. Ainsi, on lui demandera où il a été en mission au cours des 12 derniers mois et où il ira dans les 6 prochains. »
Les pays sont classés selon le risque qu’ils représentent et il serait possible d’assurer un militaire qui est déployé dans un endroit moins risqué. « Par exemple, le Koweït ne posera probablement pas de problème, alors que ce serait plus difficile pour l’Irak ou la Syrie », précise le conseiller rattaché au bureau d’Anjou de la Sun Life.
Il faut aussi noter que le niveau de risque varie selon les divers corps de métier que l’on trouve dans les Forces canadiennes. « L’hygiéniste dentaire ou l’avocat ne représentent pas le même risque que le fantassin », illustre à titre d’exemple Patrick Boucher.
Étonnamment, l’assurance maladies graves poserait moins problème que l’assurance vie, puisqu’un soldat envoyé en mission est, par définition, en santé. « De plus, les militaires sont soumis à des programmes de conditionnement physique qui les maintiennent en bonne forme », affirme Patrick Boucher.
Bien que certaines protections soient offertes aux militaires par l’intermédiaire d’assurances collectives, un conseiller peut quand même apporter une valeur ajoutée. « Par exemple, le militaire pourrait perdre certaines protections offertes par des assurances collectives une fois retraité. Nous analyserons cela avec lui afin de nous assurer qu’il est toujours bien couvert », explique Patrick Boucher.
Dans d’autres cas, même si le militaire demeure protégé par les polices de l’armée, les primes pourraient varier, d’où l’importance de regarder le tout de près. « De toute façon, lorsqu’on fait l’analyse des besoins, on ne peut pas tenir compte des assurances collectives, souligne Patrick Boucher. On serait probablement tenu responsable si, disons, dans trois ans il arrive un pépin au militaire et qu’il n’est plus assuré par une police collective parce qu’il a quitté son ancien employeur. »
Patrick Boucher donne un exemple précis : « Prenons l’exemple d’un major qui prend sa retraite à 60 ans alors qu’il gagne, disons, 100 000 $ par année. Selon le grade et l’expérience, il pourrait avoir droit à une assurance temporaire qui couvre deux fois son salaire annuel, mais avec une réduction de 10 % par année. Il aura donc une protection de 200 000 $ au début qui diminuera graduellement pour ne représenter que 5 000 $ par année à 70 ans. Si l’on ajoute les 2 500 $ versés par le Régime de rentes du Québec en cas de décès, cela totalise 7 500 $. Pas de quoi se payer des funérailles de grand luxe. »
Deuxième carrière
Beaucoup de militaires poursuivent une deuxième carrière à leur sortie des Forces canadiennes. « Le militaire qui compte un nombre d’années suffisant de service recevra sa pleine retraite. Par exemple, celui qui est entré à 18 ans dans les Forces pourra partir après 25 ans de service avec une pleine retraite, à 43 ans », illustre Patrice Bergeron, directeur de la Caisse Desjardins des militaires, une caisse dont le conseil d’administration est composé de militaires ou d’anciens militaires.
Le militaire retraité a donc souvent deux revenus, soit sa pension des Forces et le revenu découlant de sa nouvelle carrière entamée depuis son retour à la vie civile. « Le ou la militaire a alors besoin d’accompagnement sur le plan fiscal étant donné son double revenu », ajoute Patrice Bergeron.
Patrick Boucher partage ce point de vue : « Parfois, le militaire retraité aura de beaux revenus. Donc, il y a des stratégies de transmission à la génération suivante à mettre sur pied. »
Souvent, le représentant remarque que le retraité est anxieux, car il craint de trop puiser dans ses épargnes. « Parfois, il faut effectuer des retraits afin qu’une bonne partie des épargnes ne partent pas en impôt. Il faut alors établir une stratégie de retrait en utilisant les divers instruments à notre disposition, comme le CELI ou l’assurance vie. On établit donc une planification financière ou successorale », explique Patrick Boucher.
Gaétan Veillette, planificateur financier au Groupe Investors, est également d’avis qu’il faut bien planifier cette transition entre vie militaire et vie civile : « Beaucoup de militaires choisissent d’écourter leur carrière afin de poursuivre d’autres objectifs de travail. Le cas échéant, le militaire a le choix entre commencer à recevoir sa rente viagère escomptée et attendre à la retraite pour commencer à recevoir ses prestations. Par exemple, celui qui choisit de recevoir la rente escomptée de son RPA pourra bénéficier du crédit d’impôt [non remboursable] pour revenu de pension de 2 000 $ par an au fédéral. En sus, il pourra alors transférer annuellement sur sa déclaration de revenus jusqu’à 50 % de son revenu de pension à son conjoint ; le cas échéant, son conjoint pourra aussi bénéficier du crédit d’impôt pour revenu de pension », explique-t-il.
Accompagnement
Patrice Bergeron abonde dans le sens de ses confrères. « Nous axons beaucoup sur l’accompagnement. On doit les guider à travers tous les programmes qui s’offrent à eux. On doit aussi comparer les avantages offerts, par exemple, par un nouvel employeur une fois qu’ils ont quitté les Forces. Comment agencer tout cela afin d’arriver à une situation optimale ? Il faut faire le tri avec eux », renchérit celui qui dirige les quatre caisses militaires Desjardins, soit celles de Saint-Jean-sur-Richelieu et Longue-Pointe, Valcartier, Bagotville et Gatineau (cette dernière dessert aussi l’Ontario), où travaillent d’ailleurs nombre d’anciens militaires et conjoints de militaires ou de réservistes.
L’accompagnement prend tout son sens dans des situations bien précises. « Par exemple, lorsqu’un militaire est muté à l’étranger, il continue de remplir une déclaration de revenus au Canada et au Québec. Il a encore des besoins financiers ici. Il finira par revenir. L’accompagnement est primordial dans ce contexte », note Patrice Bergeron.
Un autre exemple de l’importance de l’accompagnement découle des conditions inhérentes à la vie de militaire. En effet, certains militaires reviennent de l’étranger avec des séquelles physiques ou psychologiques qui forcent à adapter la façon de rendre les services.
« Certains clients qui souffrent de choc post-traumatique ont des problèmes de concentration. On ne peut prendre plus de 20 minutes pour leur présenter une planification ou un produit. Cela demande beaucoup d’accompagnement et peut s’avérer difficile sur le plan émotif. C’est très exigeant parfois, mais tellement valorisant en même temps, explique Patrice Bergeron. C’est une clientèle parfaite pour ceux qui veulent aller plus loin que les chiffres à proprement parler. Ici, c’est vrai que, au-delà de l’argent et des nombres, il y a les gens. »