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Avant de choisir un fonds négocié en ­Bourse (FNB) spécialisé, les conseillers devraient effectuer une vérification diligente du produit et de son émetteur. Voici des éléments de vérification pour certains types de ­FNB spécialisés qui ont été abordés à l’occasion de la ­Conférence sur les ­FNB organisée par le ­Cercle de la finance du ­Québec, le 31 mai dernier.

Liquidité

Lorsqu’on envisage d’investir dans un ­FNB spécialisé, on doit bien comprendre ce qui peut influencer sa liquidité. Notons d’abord que les ­FNB ont deux niveaux principaux de liquidité. La liquidité primaire du fonds, c’­est-à-dire la facilité avec laquelle on peut négocier ses actifs ­sous-jacents à un prix qui est juste. Il s’agit de la liquidité intrinsèque d’un ­FNB. Le deuxième niveau de liquidité concerne le marché secondaire du ­FNB ­lui-même, qui peut être négocié avec d’autres participants du marché, comme des investisseurs individuels, institutionnels ou des mainteneurs de marché.

« ­Même si un ­FNB n’a pas de marché secondaire actif, a peu de volume de transactions, parfois même n’a pas négocié depuis quelques jours et même si la taille de son actif sous gestion est petite, le ­FNB peut tout de même être très liquide, dépendamment de la liquidité du marché sous-jacent », a précisé ­Pierre-Luc ­Vachon, chef des produits, ­Stratégies de placement, chez ­Desjardins ­Gestion internationale d’actifs. En somme, un ­FNB est au moins aussi liquide que ses titres ­sous-jacents.

Parfois, un ­FNB peut également être considérablement plus liquide que ses titres ­sous-jacents, comme ça a été le cas en mars 2020 alors que certaines obligations de sociétés ont cessé d’être négociées, le marché étant en pénurie d’acheteurs.

Dans le secteur des ­FNB de titres à revenu fixe, on ne devrait pas porter trop d’attention au volume de négociation d’un ­FNB, mais plutôt examiner son écart cours ­acheteur-cours vendeur, dit Erika Toth, directrice BMO ­FNB, ­BMO ­Gestion mondiale d’actifs : « L’écart entre le cours acheteur et le cours vendeur constitue un bon indicateur de la liquidé d’un ­FNB. » ­Selon elle, pour bien des investisseurs, cet écart est souvent plus restreint que lorsqu’on tente d’acheter des obligations individuelles.

Par ailleurs, pour accéder à certains fonds spécialisés dans les dettes de pays émergents, il est parfois plus économique de passer par l’intermédiaire d’un ­FNB afin d’éviter des écarts trop élevés. « ­Si on voulait acheter à la pièce des obligations de marchés émergents, on devrait ouvrir des comptes dans chacun de ces pays, faire face à des fourchettes de prix très larges parce que ce ne sont pas des titres qui se négocient forcément et composer avec les enjeux de taxation et de paperasse », a indiqué Hadiza Djataou, gestionnaire de portefeuille, ­Placements Mackenzie.

Frais

En plus de l’écart cours ­acheteur-cours vendeur, qui entraîne souvent des frais importants à l’achat et à la vente d’un titre, on doit considérer les frais de négociation de FNB en tant que tel. Ces frais varient en fonction de la taille de l’ordre. Bien qu’on puisse se procurer des parts d’un ­FNB avec une somme modeste, ­celle-ci peut entraîner des coûts de négociation importants qu’on devrait aussi considérer, selon ­Pierre-Luc ­Vachon.

Le ratio des frais de gestion et le ratio des frais d’exploitation constituent également une mesure à prendre en compte, estime ­Erika ­Toth. Bien qu’il existe des ­FNB indiciels dont les frais de ce genre sont inférieurs à 10 points de base, c’est rarement le cas pour des ­FNB spécialisés, dont la fourchette de frais peut évoluer entre 30 points de base et 130 points de base.

Évaluer l’ensemble des frais est donc particulièrement important pour un ­FNB spécialisé. Durant la présentation, on a insisté sur l’importance de bien lire les documents des émetteurs de fonds afin de déterminer les forces et les faiblesses de la stratégie. Il importe aussi de tenir compte de l’expérience de l’émetteur du fonds ainsi que de son degré de transparence. Il a aussi été question de certaines vérifications propres aux ­FNB axés sur l’investissement socialement responsable et sur les stratégies d’options d’achats couvertes, soit deux stratégies qui ont été populaires en 2022 et 2023.

Comprendre l’ESG

Une autre tendance forte du marché des ­FNB concerne ceux qui sont axés sur les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Ce segment de marché représente des actifs de 13,2 G$ et des créations nettes de 1,6 G$ de janvier à avril 2023, selon ­Banque ­Nationale Marchés financiers. Ces ­FNB sont populaires, mais occasionnellement remis en question, parfois par manque de connaissance de la stratégie ­ESG.

D’abord, il faut comprendre qu’il y a une panoplie d’approches en investissement responsable. Certains fonds visent principalement à exclure des titres dans certains secteurs d’activité, par exemple le charbon, a expliqué Pierre-Luc ­Vachon. D’autres choisissent les meilleurs acteurs sur le plan ­ESG dans leur catégorie, sans exclure aucun secteur. Certains fonds visent des thématiques comme les énergies vertes.

« C’est important de maintenir cette diversité dans les stratégies et les approches pour répondre aux besoins variés des investisseurs. Je ne crois pas qu’on veuille nécessairement qu’une seule approche soit acceptée et que tous les fonds tendent vers celle-ci », ­a-t-il dit.

Hadiza ­Djataou a vu l’arrivée sur le marché d’une panoplie d’obligations dites vertes. Selon elle, il est donc d’autant plus important d’avoir l’expertise et l’équipe qui permettent de découvrir les failles dans la documentation. Par exemple, certaines entreprises vont émettre des obligations afin d’atteindre des cibles qui le sont déjà. Il est donc important de comprendre ce que l’entreprise fera avec les liquidités dégagées.

Selon ­Erika ­Toth, l’éducation des clients et la divulgation des émetteurs du fonds sont essentielles.

Options d’achat couvertes

Ces ­FNB ont été populaires depuis le début de l’année et en 2022. Par contre, il faut faire une bonne diligence raisonnable avant d’investir dans ces titres et saisir les stratégies mises en place par les émetteurs.

« ­Il faut comprendre la méthodologie du gestionnaire et comment [est généré] le taux de distribution », a souligné Erika ­Toth.

Un ­FNB d’options d’achat couvertes vendra une option d’achat à parité (at the money) de 2 $ sur une action se négociant actuellement à 100 $, et recevra 200 $ sur un contrat de 100 actions. L’acheteur de l’option paie une prime pour avoir le droit d’acheter au prix de levée de 100 $ le bloc d’actions. Le gestionnaire du ­FNB parie que, pour la durée de l’option, habituellement entre un et deux mois, le prix de l’action ­sous-jacente ne montera pas de plus de 2 $.

Si la valeur de l’action ­sous-jacente baisse, l’option ne sera pas exercée. Tant que le prix ne franchit pas le seuil de 98 $, le revenu de la vente d’option couvre la perte encourue. Or, si le titre tombe sous les 98 $, les pertes ne sont pas stoppées et le portefeuille est entièrement exposé à toute baisse supplémentaire.

À l’inverse, si le cours de l’action augmente, les gains sont plafonnés. En effet, ­au-dessus du prix de 100 $, la valeur de l’action augmente mais l’option sera exercée, ce qui nécessitera la vente de la  position à l’acheteur de l’option. Si l’action se négocie entre 100 $ et 102 $, la prime reçue fait plus que compenser l’augmentation du capital à laquelle on renonce. Or, une fois que les actions se
négocient ­au-dessus de 102 $, le ­FNB a renoncé à une partie de l’appréciation du capital.

En résumé, pour la stratégie de vente d’options d’achat couvertes, les gains à la hausse sont  plafonnés, et les pertes n’ont aucun filet de sécurité.

La portion du portefeuille du ­FNB qui fait l’objet de vente d’options d’achat varie selon le manufacturier et le produit. Par exemple, elle est de 50 % à ­BMO, de 33 % à Harvest et de 25 % à CI. Plus cette proportion est élevée, plus la part du portefeuille plafonnée en cas de gain est grande.

Lors de la conférence en ligne, ­Erika ­Toth a mis en lumière certains éléments à examiner : « ­Si le niveau de distribution semble trop beau pour être vrai – on parle de produits qui affichent un taux de distribution de 13 % ou 14 % – c’est probablement le cas. Il est possible que ces rendements ne soient pas durables et aient un impact négatif sur la performance à long terme. »

Un investisseur devrait aussi vérifier si le fournisseur utilise ou non un effet de levier pour augmenter son taux de distribution. « ­Nous recommandons d’éviter des stratégies d’options d’achat couvertes qui ont un levier. Ça peut augmenter le taux de distribution, mais en fait les covered call, c’est une stratégie défensive. Lorsqu’on utilise un effet de levier, les rendements sont amplifiés à la baisse. Et on n’est pas en mesure d’aller profiter pleinement de la hausse des titres à cause de la vente d’options d’achat. On n’utilise jamais un effet de levier dans nos ­FNB », a expliqué ­Erika Toth.

On devrait également savoir si les options sont vendues hors cours. « ­Pour nous, le choix du prix d’exercice de l’option dépendra de la disponibilité des primes et des conditions générales du marché. Nous faisons l’analyse sur chaque titre. Nous allons prendre des options qui sont davantage hors du cours quand la volatilité augmente et nous vendrons davantage des options plus près du cours lorsque la volatilité diminue. »

On devrait enfin tenir compte de l’échéance des options. Plus une option se rapproche de son échéance, plus elle perd de la valeur « et cela, c’est avantageux pour le vendeur de l’option et l’investisseur dans les stratégies de covered call », a fait observé ­Erika ­Toth.