La valeur ajoutée, c’est ce « plus » qui justifie la relation, fidélise le client et distingue un professionnel d’un simple outil numérique ou d’un robot-conseiller. Cela va au-delà de l’action de simplement répondre à une demande. Il s’agit de résoudre le bon problème, souvent de manière inattendue, et d’obtenir un résultat supérieur à celui escompté, indiquent Hedi Grant et Shawn McCann dans un article décrivant des types de réflexion essentiels pour diriger, paru dans Harvard Business Review.
Ce type de solution ne découle pas de notre pensée quotidienne, mais de quatre formes de raisonnement bien précises : la pensée experte, critique, stratégique et systémique, signalent les auteurs de l’article, une psychologue sociale et un chercheur chez EY spécialisés en innovation.
Ces compétences figurent sur la liste des incontournables du leadership moderne, affirment les experts. Et pour cause : dans un monde incertain, complexe et rapide, les leaders doivent faire bien plus que réagir efficacement. Ils doivent penser autrement, tout en outillant leurs équipes pour en faire autant.
Le hic ? Ces notions sont souvent mal définies et mal appliquées. Ce que beaucoup appellent « pensée critique », par exemple, relève parfois d’un simple jugement flou sur les capacités d’un collègue. Or, ces quatre types de pensée sont bien distincts. Elles répondent à des défis spécifiques, reposent sur des mécanismes différents, et doivent être activées selon le contexte.
La pensée experte : pour une réponse rapide
La pensée experte s’appuie sur des années de pratique et une maîtrise approfondie d’un domaine. L’expert reconnaît rapidement des schémas familiers et agit avec efficacité, en mobilisant des raccourcis mentaux qui échappent au novice.
Dans les entreprises, c’est ce que l’on valorise au quotidien : la capacité d’un professionnel à livrer des résultats rapides et fiables dans son domaine. Mais attention : être expert en un domaine ne signifie pas l’être dans un autre, et ce type de pensée atteint vite ses limites face à des problèmes nouveaux ou ambigus.
Quand l’utiliser ? Lorsqu’un problème nécessite une réponse rapide, fondée sur des règles bien établies.
La pensée critique : remettre en question les évidences
La pensée critique consiste à mettre sur pause le pilotage automatique de la pensée experte pour remettre en question les hypothèses sous-jacentes. Elle pousse à interroger la qualité et la validité des informations, à adopter d’autres perspectives et à reformuler les problèmes. L’une de ses techniques les plus puissantes : le reframing, ou recadrage, consiste à s’assurer que l’on répond au bon enjeu. Par exemple, plutôt que d’ajouter des routes pour désengorger la circulation, on peut se demander comment réduire le nombre de voitures.
Quand l’utiliser ? Quand les solutions classiques échouent, que les symptômes d’un problème reviennent, ou que les experts sont en désaccord.
La pensée stratégique : pour les décisions importantes
Souvent confondue avec la rigueur analytique, la pensée stratégique est avant tout une pensée imaginative. Elle invite à explorer le « et si… », à envisager les conséquences à long terme, et à se projeter dans l’avenir de son organisation ou de son secteur. C’est la capacité à anticiper les mutations et à façonner l’avenir plutôt qu’à le subir.
Quand l’utiliser ? Lorsqu’il s’agit de prendre des décisions importantes ou de redéfinir son positionnement à long terme.
La pensée systémique : voir les interconnexions
La pensée systémique permet de comprendre comment les éléments d’un système interagissent. Elle est indispensable pour naviguer dans la complexité et éviter les solutions qui génèrent de nouveaux problèmes ailleurs. Elle aide à repérer les effets indirects, les interdépendances, voire les propriétés émergentes.
Quand l’utiliser ? Quand la situation implique de multiples parties prenantes ou que les solutions ont des effets collatéraux.
Pour illustrer le propos, les auteurs suggèrent d’imaginer un immeuble dont les locataires se plaignent d’un ascenseur trop lent. L’expert fera venir un technicien pour diagnostiquer et réparer. Le penseur critique se demandera si le vrai problème n’est pas ailleurs (l’ennui dans le hall, par exemple). Le penseur stratégique envisagera des améliorations qui attireraient une nouvelle clientèle. Le penseur systémique, lui, analysera l’usage de l’ascenseur dans son ensemble : qui l’utilise, quand, pourquoi, et comment cela s’inscrit dans l’écosystème du bâtiment et du quartier.
Ces quatre types de pensée ne s’acquièrent pas naturellement. Ils doivent être pratiqués de manière délibérée, insistent les auteurs. L’intelligence artificielle peut jouer un rôle en aidant à poser les bonnes questions, visualiser des systèmes ou explorer des scénarios. Elle ne remplace pas l’effort humain de réflexion.
Pour créer de la valeur ajoutée, les auteurs recommandent de non seulement adopter ces approches, mais aussi de les enseigner à ses équipes, afin de créer une culture capable de générer des solutions innovantes et durables en toutes circonstances.