En fait, 81 % des investisseurs canadiens affirment qu’ils aimeraient que leur fournisseur de services financiers les informe sur les investissements responsables qui correspondent à leurs valeurs, selon le « Sondage d’opinion des investisseurs de l’AIR 2018 », publié par l’Association pour l’investissement responsable (AIR).
Alors que la plupart des répondants (71 %) se disent en accord avec l’idée que les entreprises ayant de bonnes pratiques sur le plan environnemental, social et de gouvernance (ESG) constituent de meilleurs investissements à long terme, 81 % admettent qu’ils en savent très peu, si ce n’est rien, sur l’investissement responsable. Cette proportion illustre bien dans quelle mesure les clients ont besoin d’être informés par leur conseiller.
D’autant que les données montrent que l’IR est plus qu’une mode passagère : au Canada seulement, l’IR compte pour 50,6 % de l’actif sous gestion, une hausse significative par rapport à 37,8 % il y a deux ans à peine, rapporte l’AIR.
L’alignement de ses propres valeurs sur ses investissements n’est pas un concept totalement nouveau. Dans l’économie moderne, les racines de l’IR remontent aux années 1970 et 1980 ; ce fut à l’origine une réaction contre la pratique de l’apartheid en Afrique du Sud. En signe de protestation, des groupes religieux et certains investisseurs ont fait campagne pour que les gens vendent leurs parts des entreprises sud-africaines. Bon nombre de ces entreprises ont alors fait pression sur le gouvernement pour qu’il mette fin à l’apartheid, affirme Dustyn Lanz, chef de la direction de l’Association pour l’investissement responsable.
Alors que l’investissement responsable puise ses racines dans la sélection éthique, « une approche d’exclusion qui écarte des entreprises en se basant sur des considérations morales ou éthiques », dit Dustyn Lanz, d’autres pratiques se sont ajoutées au concept de l’IR, telles que l’engagement des actionnaires et l’intégration des facteurs ESG.
Il est de plus en plus reconnu que l’IR, en plus d’avoir un impact positif, vaut la peine du point de vue économique.
« Dans un sondage réalisé l’an dernier, nous avons demandé aux investisseurs institutionnels ce qui les poussait vers l’IR, et les principales raisons ont été : pour améliorer la gestion du risque et pour améliorer les rendements à long terme. Nous constatons des résultats identiques dans les sondages effectués à travers le monde », dit Dustyn Lanz.
« Les investisseurs reconnaissent qu’une entreprise est bien davantage que des chiffres, et [comprennent que le fait d’]examiner la gouvernance d’une entreprise et sa gestion des problèmes sociaux et environnementaux peut [les] aider à avoir une vision plus claire de la façon dont elle performera à long terme », poursuit-il.
Étant donné l’intérêt croissant pour l’IR, les conseillers gagneraient à introduire l’IR dans leur processus d’analyse visant à déterminer le juste prix d’un actif, particulièrement lorsqu’il est question de tolérance au risque et de l’horizon temporel d’un client. Par exemple, si un client a une tolérance au risque faible à moyenne et pense à un horizon de 20 ans, c’est l’occasion de discuter de la façon dont l’économie peut évoluer pendant cette période et comment les changements climatiques et les questions sociétales peuvent être des facteurs dans tout cela, dit Dustyn Lanz.
En outre, considérant que le processus de connaissance du client (know your client) vise à savoir ce qui est important pour les clients, ceux-ci apprécieront que vous mentionniez l’IR comme option. « Il y a beaucoup d’avantages potentiels à présenter l’IR aux clients du point de vue du service, et cela n’apporte aucun inconvénient dans le cas d’un désintérêt, car ils refuseront simplement [d’en parler] et la conversation se poursuivra », dit-il.
Stephen Whipp, conseiller en services financiers chez Stephen Whipp Financial, à Victoria en Colombie-Britannique, et directeur général de la gestion d’actifs responsables chez Leede Jones Gable, intègre l’IR à son processus d’analyse en demandant aux nouveaux clients de répondre à un sondage sur l’investissement responsable avant de les rencontrer. Il peut ainsi mieux comprendre leur point de vue sur l’IR et connaître les facteurs qui les touchent davantage.
Il dépasse les questions générales en répartissant les réponses du client en « très intéressé », « intéressé », « neutre » ou « pas intéressé » sur des points spécifiques tels que « la conception, la fabrication et la distribution de produits qui réduisent les émissions de carbone » en réaction aux changements climatiques, ou « la pratique d’une politique de diversité et d’égalité des chances, de conciliation travail-vie personnelle, de lutte contre l’intimidation et de réduction du stress » relative aux pratiques d’emploi. Cette information lui permet de concevoir un filtre pour les clients tout en facilitant la discussion.
« La première conversation que nous avons avec des clients potentiels ne porte pas sur les rendements, dit Stephen Whipp. Elle porte plutôt sur les valeurs des clients et sur leur compréhension de concepts reliés à l’IR, par exemple les énergies alternatives. L’IR, comme les autres éléments de l’industrie financière, peut être truffé de jargon. C’est alors l’occasion de décortiquer les concepts afin qu’ils trouvent un écho chez les clients. »
« Quand on examine les chiffres, [on constate que] 81 % des investisseurs s’inquiètent de l’énorme impact qu’auront les changements climatiques sur leurs placements, dit Stephen Whipp, se référant au “Sondage d’opinion des investisseurs de l’AIR 2018”. L’inquiétude monte, nous le voyons chez nos clients. Ils veulent savoir ce qu’ils peuvent faire. » Une manière importante de mieux comprendre les inquiétudes de nombreux clients consiste à intégrer l’IR dans le processus d’analyse.