Fabien Major est devenu conseiller après une reconversion de carrière. Il a d’ailleurs connu sa première récession en 1991 alors qu’il était animateur radio à Télémédia.
« À ce moment-là, on avait tout le matériel pour occuper les studios qui avaient été fraîchement aménagés, mais Télémédia n’avait plus d’argent. On a dû s’installer dans des locaux temporaires dans le premier plancher à côté du garage de l’ancienne station de radio AM. C’était des installations de fortune et ça a duré près de deux ans », se rappelle le conseiller.
Pourtant, Fabien Major a mis du temps avant d’accepter l’offre de son père Jacques Major qui possédait un petit cabinet privé d’assurance de personne et lui demandait souvent de le rejoindre dans l’industrie financière.
« Il m’a eu à l’usure parce que c’était un bon vendeur, plaisante le conseiller qui est devenu père à 23 ans. Il voulait que je sécurise mon avenir financier parce que j’avais de jeunes enfants et que, vu que j’étais pigiste, mes revenus étaient peu stables. Je l’ai écouté autant par dépit que pour qu’il arrête de m’achaler. »
Une cruelle prise de conscience
En 1997, Fabien Major accepte finalement l’offre de son père et se joint à son cabinet après avoir décroché ses permis en assurance et en épargne collective. De 1997 à 1999, le jeune conseiller a assisté à la montée fulgurante des marchés.
« On avait des portefeuilles d’investissement qui avaient des croissances annuelles de plus de 100 %, se souvient-il. Les gens se désintéressaient des fonds d’investissement en disant que ce n’était pas assez payant parce qu’en achetant les actions individuelles ils pourraient probablement faire du 10-15 % par semaine! »
Lui qui s’intéressait à la gestion indicielle se souvient avoir perdu des clients à cette époque. Ses premiers portefeuilles étaient essentiellement constitués d’indices boursiers. En termes de diversification, il y allait plutôt géographiquement. Il avait ainsi réparti ses investissements environ 25 % dans des indices technologiques, 25 % dans des indices européens, 25 % dans les Américains et 25 % sur les indices canadiens.
« C’était ça ma définition de la diversification. C’était stupide, je l’assume, convient-il. On était hypnotisés par le rendement et évidemment en tant que jeune conseiller je voulais utiliser ce qui était le plus tendance. »
Lorsque la bulle technologique a éclaté en mars 2000, les portefeuilles de ses clients ont été lourdement impactés, certains ont perdu jusqu’à 70 % de leurs actifs. Fabien Major avoue avoir été particulièrement marqué par cette baisse inattendue.
« Pour moi ça n’avait pas de sens, mais j’ai compris que c’était l’enflure qui était un non-sens. C’était la spéculation des marchés qui n’avaient pas de commune mesure. »
Il a compris plus tard que c’était simplement l’histoire qui se répétait et même si à l’époque on affirmait ne plus pouvoir se baser sur le passé, il a fini par comprendre que des profits restent toujours des profits et que le passé est donc essentiel.
Une leçon de diversification
Afin de rattraper les pertes occasionnées par ces baisses et regagner la confiance de ses clients, Fabien Major a décidé de mieux se renseigner sur ce qui déclenchait les récessions globales et celles plus sectorielles comme en 2001. Il voulait comprendre les fondements de l’économie.
Mais alors qu’il retrouvait doucement la confiance de ses clients, les marchés se sont de nouveau effondrés avec les attentats du 11 septembre. Bien que désastreux, cet événement lui a fait comprendre beaucoup d’autres éléments importants sur l’investissement.
« Ça m’a donné une leçon sur la diversification. J’ai compris que je devais être encore plus pointilleux et que celle-ci ne devait pas se limiter à la géographie, mais reposer davantage sur des catégories d’investissement », explique le conseiller.
À partir de cette époque, il a donc opté pour l’introduction d’obligations dans tous ses portefeuilles. Il a également compris que le planificateur financier devait être un guide pour ses clients et le prévenir que des récessions ou des baisses de marché surviennent régulièrement dans une vie et les préparer à les affronter.
Un nouvel obstacle
Évidemment, tout ne s’arrête pas là puisque quelques années plus tard, Fabien Major a dû faire face à la crise des subprimes de 2008. Certains de ses clients ont été touchés, mais ils n’ont toutefois pas perdu leur capital.
Cette crise a essentiellement affecté ses clients qui avaient des actifs de type protégés parce que leurs liquidités étaient dans les subprimes. Ces clients ont perdu tous les gains réalisés depuis le début des années 2000, mais pas tout leur argent. Toutefois, cette crise a été un vrai choc pour Fabien Major.
« J’ai vu des images choquantes, des familles en Californie qui ont été évincées de leur maison. C’était un coup de poing en pleine figure. J’étais K.-O., car je croyais que le système était sécuritaire, que le système financier pouvait gérer les risques, qu’il y avait de l’autorégulation dans le système financier en général », affirme le conseiller.
Il se rappelle qu’à la suite de cela, les gens étaient cyniques et ne croyaient plus aux conseillers. « On était les parias de la société, car il y avait aussi les scandales avec les Bernie Madoff et les Vincent Lacroix. On préférait dire qu’on était éboueur que conseiller! »
L’éducation comme bouée de sauvetage
Fabien Major a beaucoup hésité à quitter le domaine, mais il a finalement décidé de rester. Afin de ne plus être à la merci du système, des marques et des firmes de courtage, il a décidé de créer une image la plus proche possible de ses vraies valeurs.
« J’ai comme eu un cri du cœur. Je me suis dit : je ne suis pas malfaiteur, mais quelqu’un d’honnête et je vais le crier sur les toits », se rappelle-t-il.
En 2009, il a donc créé son blogue où il propageait ce en quoi il croyait en finance. Évidemment, il était candide, il a parfois tourné les coins un peu ronds, mais il a sans cesse cherché à s’améliorer pour avertir les gens des risques financiers. Pour parler au public, il a commencé à vulgariser la finance, espérant ainsi la rendre accessible à tous et trouvant sa nouvelle voie.
À cette époque, il a pris de nombreux risques financiers notamment pour se payer du temps d’antenne afin de faire ses propres émissions de vulgarisation financière.
« Les émissions donnaient de l’information brute, assez simplifiée et vulgarisée. Elles rabattaient les gens sur mon site en leur proposant un deuxième avis sur leur portefeuille », explique Fabien Major.
Cela lui a permis de se remettre très rapidement de la crise financière autant en affaires que psychologiquement. Son idée a également permis à de nombreuses personnes de passer à travers cette période difficile. Plusieurs clients l’ont d’ailleurs remercié quelques années plus tard en affirmant qu’il avait été leur guide.
Maintenant, Fabien Major regarde le futur avec une certaine sérénité. Bien qu’il parle de récession depuis maintenant plus d’un an avec ses clients, il estime que celle-ci pourrait prendre n’importe quelle forme quitte à n’être qu’un simple ralentissement avant que la croissance ne reprenne. Quoi qu’il en soit, il ne s’inquiète pas de ce qui pourra se passer, car il sait qu’il pourra passer au travers.
« Ces trois événements m’ont forgé une petite carapace et m’ont surtout appris à être plus empathique envers les gens. À être plus près de leurs émotions et plus éloignés de la théorie et des mathématiques », conclut-il.