« Quand un investisseur est stressé, il ne faut pas que le conseiller embarque dans cette émotion. Notre rôle c’est de guider l’investisseur », affirme la gestionnaire de portefeuille, gestion privé Gagné-Johnston, Valeurs Mobilières PEAK.
Hélène Gagné se souvient encore parfaitement de sa première récession. Alors qu’elle travaillait dans l’industrie depuis presque deux années, la gestionnaire de portefeuille a vécu le 19 octobre 1987, aussi connu sous le nom de « lundi noir ».
« Ça a pris tout le monde par surprise. Et même si le marché a rebondi rapidement, les investisseurs ont été beaucoup marqués par cette situation et tout le monde était sur les dents », raconte-t-elle.
Rappelons que ce 19 octobre, l’indice Dow Jones de la Bourse de New York a perdu 22,6 %, une des plus importantes baisses jamais enregistrées en un jour sur un marché. Pourtant, à la fin de l’année le TSX composé avait quand même donné 6 % de rendement positif. Hélène Gagné se souvient également que beaucoup de fonds communs de placements, avec lesquels elle transigeait, étaient revenus en territoire positif à la fin de 1987.
Après cet événement, les investisseurs étaient cependant moins prêts à déployer du capital pour investir, affirme la gestionnaire de portefeuille. Selon elle, un certain état de morosité s’est installé qui ne s’est évidemment pas amélioré avec la récession qui a eu lieu deux ans plus tard.
Du faste au krach
Pour Hélène Gagné, cette morosité tenait beaucoup au contexte des années 80. À l’époque, au Québec, c’était les années du régime d’épargne-action. Cette invention de Jacques Parizeau, qui était alors ministre des Finances, a été mise sur pied en 1979. Elle devait inciter les Québécois à investir davantage en bourse.
« C’était une façon de stimuler l’économie du Québec et de favoriser les entreprises québécoises tout en encourageant les citoyens à mettre de l’argent dans les entreprises de la province », rappelle la gestionnaire de portefeuille.
Grâce à ce système, les investisseurs pouvaient déduire 100 % de leur revenu imposable, jusqu’à concurrence de 20 % de leur revenu, sur les actions achetées sur le marché primaire d’entreprises ayant leur siège social au Québec.
Cet incitatif fiscal a bien fonctionné et a motivé beaucoup de Québécois à se lancer dans l’investissement. Les gens ont ainsi fait beaucoup d’argent dans ces années-là, puis est arrivé le lundi noir.
« Pendant presque cinq ans, ça a été des années difficiles. Pour nos vœux de bonne année entre collègues on se souhaitait que la nouvelle année soit meilleure que la précédente. On s’accrochait pour pouvoir continuer à travailler dans ce domaine qu’on adorait, mais qui nous faisait passer tout un test », raconte Hélène Gagné.
Plusieurs de ses collègues de l’époque ont d’ailleurs abandonné l’industrie pendant cette période.
Être proche de ses clients
À cette époque, les clients aussi vivaient des moments difficiles et Hélène Gagné a appris que pour être un bon conseiller, il faut posséder deux qualités fondamentales: l’écoute et l’empathie.
Un conseiller ne doit ainsi jamais baisser les bras. Que ce soit en période de récession ou de hausse des marchés, il doit toujours garder les pieds sur terre afin d’accompagner ses clients et les guider dans le droit chemin.
À la fin de la récession en avril 1992, les marchés ont de nouveau connu de belles années, pourtant certaines périodes n’étaient pas évidentes.
Il y a d’abord eu la crise mexicaine en 94-95 avec la dévaluation du peso qui a créé une onde de choc dans les marchés émergents, se souvient Hélène Gagné. Puis en 97, ce fut au tour de l’Asie de connaître des problèmes liés aux devises. En 98, il y a eu une crise financière en Russie et en 99, ce fut au tour de l’Argentine.
« Ces épisodes sont venus créer beaucoup de volatilité et des replis. C’est là que c’est important d’être comme un phare pour les investisseurs et les ramener vers leurs objectifs de base. Il faut les amener à se dégager de cette volatilité à court terme. À un moment donné le marché va reprendre », explique la gestionnaire de portefeuille.
Pour cela, il est important que les clients soient toujours prêts pour une récession ou une baisse de marché comme leur portefeuille. Évidemment l’éducation financière des clients est essentielle, mais il faut également faire attention à ce que leur portefeuille corresponde à leur véritable profil d’investisseur. C’est pour ça qu’il vaut mieux établir celui-ci en dehors des périodes de crise ou quand les marchés vont trop bien, prévient Hélène Gagné.
« Il faut le faire à un moment où le client est capable de raisonner avec un dégagement d’émotivité », martèle la gestionnaire de portefeuille.
Garder les pieds sur terre
Évidemment le portefeuille devrait être toujours bien diversifié. Elle-même évite ainsi toute approche sectorielle. Elle préfère travailler maintenant presque uniquement avec des fonds négociés en Bourse (FNB) qui calquent de grands indices.
« Pour ne pas exposer mes clients aux risques liés aux titres individuels, je travaille toujours sur la base d’une allocation d’actifs. Personne ne peut prédire le marché. Il ne faut pas non plus faire une confiance aveugle aux données historiques », insiste-t-elle.
Elle se souvient qu’en 2000 après l’explosion de la bulle technologique, les marchés avaient été négatifs tout comme en 2001. Et alors que l’histoire des marchés disait qu’il n’y avait jamais trois années de suite négative, 2002 l’avait été, déstabilisant les professionnels du milieu financier.
« Des fois on va se référer à des statistiques historiques, mais c’est comme des règles du pouce, ça peut toujours changer », affirme la gestionnaire.
Pour être capable de faire tout cela, un gestionnaire doit avoir une bonne hygiène de vie, savoir gérer son propre stress et être un peu détaché des événements.
Elle-même fait en sorte de fermer son esprit au souci quand elle quitte son bureau pour être capable de se ressourcer. Il est important de ne pas laisser le stress avoir d’emprise sinon il sera difficile d’amener ses clients à bon port.