De nombreux investisseurs considèrent l’évaluation du dollar canadien en termes simples : un huard faible est mauvais, un huard fort passe inaperçu. Cependant, la manière dont notre dollar se comporte par rapport au dollar américain et à d’autres devises n’est pas sans impact. Lorsque notre monnaie fait la une des actualités, comme cela a été le cas ces dernières semaines, il est essentiel d’aborder le risque de change avec vos clients et de leur expliquer comment vous le gérez pour leur compte. C’est l’occasion de démontrer votre expertise.
C’est ce que recommande Andrew Pyle, conseiller principal en placements et gestionnaire de portefeuille chez CIBC Wood Gundy à Peterborough, en Ontario. « C’est vraiment le moment où nous devons commencer à examiner la situation à long terme, l’évolution possible du dollar canadien et l’impact de cette évolution sur la répartition des actifs du client sur le marché des actions américaines [et sur d’autres marchés] », explique-t-il.
Commencez par des « concepts très simples que les clients comprennent », recommande Andrew Pyle.
En fonction de l’exposition du client, vous pouvez également discuter de la position du dollar canadien par rapport aux devises d’autres régions comme l’Europe et le Japon, et de l’impact que cela pourrait avoir sur les portefeuilles des clients à court, moyen et long terme.
Voici un exemple simple : votre client détient des actions de Microsoft Corp. cotées à la Bourse de New York. Il a décidé de liquider sa position, mais n’a pas tenu compte du fait qu’un échange de devises a eu lieu lors de l’achat et que le prix de vente est en dollars américains.
Rappelez tout cela à votre client, puis expliquez-lui d’autres scénarios potentiels dans lesquels l’évaluation des deux monnaies pourrait avoir un impact sur son rendement.
Au cours de ces conversations, Andrew Pyle souligne l’importance d’avoir une exposition au-delà des titres canadiens à des fins de diversification et la façon dont ils peuvent utiliser des stratégies de couverture — telles que l’allocation à des fonds d’investissement couverts contre le risque de change et à des certificats de dépôt canadiens (CDR) — pour minimiser le risque de change. Les certificats de dépôt canadiens permettent aux investisseurs d’acheter et de vendre des actions de sociétés étrangères en dollars canadiens et sur les marchés boursiers canadiens.
« C’est l’occasion idéale d’avoir cette conversation avec le client, parce que vous expliquez maintenant cette recommandation, le raisonnement qui la sous-tend, pourquoi vous pensez qu’elle est meilleure pour le client et vous entrez dans la discussion sur la gestion des risques », affirme-t-il.
L’importance d’un langage clair
Kelly Ho, planificatrice financière agréée et partenaire du DLD Financial Group à Vancouver, recommande également d’aborder le risque de change de manière simple et d’utiliser des exemples concrets de la vie de tous les jours.
« L’utilisation d’un jargon excessif complique le concept », prévient-elle.
Kelly Ho aime utiliser « l’exemple de la chaussure ». Elle explique à ses clients combien il en coûterait à un Canadien pour acheter une paire de chaussures aux États-Unis — en fonction de la valeur des monnaies des deux pays — et fait le lien avec l’investissement.
« Lorsque le dollar canadien est élevé, il nous en coûte zéro dollar canadien [en plus du prix des chaussures] pour acheter quelque chose aux États-Unis. C’est la même chose dans le monde de l’investissement. S’il y a eu d’importantes fluctuations des devises, c’est là que se situe le risque. »
Lorsqu’elle construit un portefeuille pour un client ayant un horizon à court terme, Kelly Ho lui explique qu’étant donné qu’il ne dispose pas d’une longue période pour se remettre des fluctuations de change, il est préférable de gérer le risque de change de manière plus prudente.
En revanche, un client ayant un horizon à long terme peut absorber un niveau plus élevé de risque de change.
Le risque de change est « très difficile » à gérer manuellement, avertit Kelly Ho. Les gestionnaires de portefeuille ont l’habitude de se couvrir contre le risque de change, ce qui « élimine une partie du risque » à long terme, ajoute-t-elle. « Lorsque vous avez un portefeuille […] à long terme et diversifié, le risque de change est généralement compensé », souligne Kelly Ho. L’exposition à des titres négociés dans différentes devises peut être couverte les uns par rapport aux autres.
S’il est nécessaire d’adapter un portefeuille à une répartition plus appropriée, les conseillers doivent en discuter avec leurs clients et trouver ce qui leur convient, suggère Kelly Ho.
Exemples historiques et visuels
Andrew Pyle explique qu’il montre souvent à ses clients un graphique à long terme, remontant à 50 ans, pour les aider à voir les différents cycles qu’a connus le dollar canadien, notamment lorsqu’il est passé de creux à des sommets extrêmes et vice-versa. Il explique ce que ces cycles signifient pour les investisseurs.
« Il ne s’agit pas d’un exercice de prévision pour le client. Nous n’allons pas nous asseoir et dire : “En tant que conseiller, je prédis que nous allons passer de 69 cents à 80, 90 ou un dollar [par rapport au dollar américain] », précise-t-il. Il s’agit en fait d’étudier les cycles au cours desquels le dollar canadien s’est apprécié [ou déprécié] de divers pourcentages, et d’examiner les valorisations au cours de ces périodes. »
Martin Roberge, stratège de portefeuille et analyste quantitatif chez Canaccord Genuity Group à Montréal, est également friand d’images. « Un graphique vaut souvent, comme nous le disons, mille mots », dit-il.
Martin Roberge recommande aux conseillers de partager avec leurs clients un graphique montrant les performances de l’indice composé S&P/TSX et du S&P 500 de 2000 à 2009.
L’environnement a été « manifestement difficile » pour les investisseurs en actions, car le S&P 500 a perdu environ 25 % de sa valeur au cours de cette décennie, alors que le dollar canadien s’est apprécié de 35 %, explique Martin Roberge. « Ainsi, si vous êtes un investisseur canadien qui a placé son argent dans des actions américaines au plus fort de la bulle Internet en 2000, vous avez perdu 60 % de votre investissement. »
Selon Martin Roberge, cette période souligne l’importance de tenir compte à la fois des baisses de prix des actions et des baisses de prix des devises. Elle illustre également les parallèles avec la situation actuelle, où le marché des actions américaines est potentiellement surévalué et où le dollar canadien est faible.
« Nous nous trouvons à peu près dans la même situation qu’au plus fort de la bulle Internet en 2000, analyse Martin Roberge. Je ne dis pas que nous nous dirigeons vers une répétition de cette dernière décennie, mais […] tout dépend de l’importance du risque de change ou de l’ampleur du risque que l’on est prêt à prendre à ce stade. »