L’entente, annoncée le 19 novembre, met ainsi fin aux poursuites entamées par Washington et les États américains contre JPMorgan.

Ils accusaient la banque d’avoir trompé des investisseurs au cours de la crise financière de 2008, en leur offrant des prêts structurés à base de crédits immobiliers sans les avoir informés des risques encourus.

Toutefois, s’ils le désirent, les investisseurs particuliers pourraient poursuivre à leur tour l’institution.

Attaque au capitalisme

L’accord a suscité une vague de réactions.

Le procureur général des États-Unis, Eric Holder, a déclaré que ce n’était qu’une première étape, rappelant qu’aucune institution n’était au-dessus des lois. «La chasse à la fraude financière est loin d’être terminée. Le temps qui passe n’effacera pas les responsabilités.»

Wall Street a pour sa part réagi de façon épidermique. Le lendemain, le New York Post, quotidien conservateur, se faisait le porte-étendard des financiers américains en titrant qu’oncle Sam venait de «voler 13 G$» à JPMorgan.

Dans son éditorial, le tabloïd expliquait ainsi sa position : «L’idée que Fannie Mae et Freddie Mac sont des victimes innocentes du grand méchant JPMorgan est absurde […]. Soyons clairs : si ces entités quasi gouvernementales étaient aussi inexpérimentées que le Département de la Justice et la Federal Housing Finance Agency le disent, elles devraient déclarer faillite plutôt que de continuer à recevoir de l’argent des contribuables pour être maintenues à flot», écrit le New York Post.

Richard Bove, analyste chez Rafferty Capital Markets, n’a pas hésité à présenter l’amende comme «une attaque fondamentale» faite au capitalisme.

«Cela démontre que le gouvernement peut prendre aux actionnaires de JPMorgan des sommes qui leur appartiennent sans que ceux-ci aient commis de crime, et sans qu’ils aient un mot à dire», soutient-il.

Ceux qui se portent à la défense de JPMorgan ont répété que les transactions incriminées ont été réalisées par Washington Mutual et Bear Stearns, deux filiales que JPMorgan avait rachetées en 2008 à la demande du gouvernement.

En fait, celles-ci représenteraient plus ou moins 80 % des transactions montrées du doigt par les autorités.

C’est pour cette raison que JPMorgan a longtemps refusé de payer quoi que ce soit. Une fois l’entente négociée, Marianne Lake, directrice financière chez JPMorgan, a d’ailleurs déclaré : «La firme n’a admis aucune infraction à la loi.»

Acheter la paix

De nombreux observateurs ont critiqué l’accord, soutenant que JPMorgan achetait sa paix en desserrant les cordons de sa bourse.

Au bureau new-yorkais du quotidien français Les Échos, Lucie Robequain défend cette position dans une analyse. «En négociant un tel accord, JPMorgan a certainement évité le pire. (…) Les juges s’apprêtaient à lancer une procédure pénale contre la banque quand son patron, Jamie Dimon, a pris son téléphone pour les exhorter à conclure un deal financier», écrit-elle.

Ce sacrifice de 13 G$ permet à la banque d’échapper à toute mise en cause directe de ses dirigeants.

Stephan Gandel, éditorialiste au magazine Fortune, décortique le rôle de certains dirigeants dans cette affaire et détaille leur parcours depuis la crise des subprimes. Constat : aucun gestionnaire n’est officiellement réprimandé, et tous restent à la tête des divisions des institutions financières américaines les plus importantes.

Il écrit : «Qu’en est-il des banquiers d’affaires impliqués dans les transactions hypothécaires douteuses qui ont mené aux pertes importantes qui ont été enregistrées au cours de cette période ? Ils semblent se porter à merveille. En effet, jusqu’au mois dernier, trois gestionnaires responsables de ces transactions travaillaient toujours pour JPMorgan. L’un d’entre eux avait même été promu.»

Lucie Robequain rappelle qu’il est difficile de prouver qu’une fraude a été commise de façon intentionnelle. «La condamnation d’un simple trader nécessite qu’on décortique des milliers de mails, d’appels téléphoniques et de courriers, souligne la journaliste. Confrontés aux compressions budgétaires, les régulateurs préfèrent négocier un accord plutôt que d’immobiliser des dizaines d’experts juridiques pendant des années, sans garantie que cela aboutisse à une condamnation en bonne et due forme.»

Dennis Kelleher, président de Better Markets, un organisme de Washington qui lutte pour la transparence financière, affirmait en entrevue à CNN : «Tant les banques que les individus qui sont à la source de l’entente doivent assumer leurs responsabilités. Sans se pencher sur la responsabilité individuelle de chacun, de tels règlements continueront de renforcer et de favoriser ce type de comportements illégaux.»