Selon ce même rapport, la production combinée de la Chine (17 %) et de l’Inde (6,6 %) représente environ un tiers de la production des 34 économies qui composent actuellement l’OCDE, qui elle-même compte pour 64,7 % du total mondial.
Les modèles économiques de l’OCDE projettent qu’en 2060, les PIB combinés de la Chine (27,8 %) et de l’Inde (18,2 %) surpasseront ceux des pays de l’OCDE.
À ce moment-là, la production totale combinée de la Chine, de l’Inde et du reste des pays en voie de développement représentera 57,7 % du total mondial.
Une émergence économique d’une telle ampleur est sans précédent.
«La Révolution Industrielle a été l’histoire d’environ 100 millions de personnes, mais cette histoire-ci est celle de milliards d’individus», écrit Khalid Malik, principal auteur du rapport des Nations-Unis L’essor du Sud : le progrès humain dans un monde diversifié, paru en 2013.
Embrasser plus large
Ces données expliquent pourquoi «il ne faut plus focaliser seulement sur les pays qui forment le BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), mais sur tout le secteur émergent», affirme Angelo Katsoras, analyste géopolitique senior à la Banque Nationale.
D’ailleurs, la performance des BRICS n’a guère été enthousiasmante depuis trois ans, ce qui fait que cet acronyme a perdu de la faveur.
Par exemple, «l’Inde et la Chine ont sous-performé pour la troisième année consécutive par rapport aux marchés globaux», note l’article de mars 2013, The New BRICs Façade paru dans le magazine Bloomberg Markets.
«Les titres de Shanghai étaient les plus traînards, poursuit l’article, l’indice ne livrant qu’un gain anémique de 3,2 % par rapport à 13 % pour l’indice mondial MSCI.»
Et le fait que les pays du BRICS brillent moins contribue à mettre en relief la performance d’autres pays émergents.
Par exemple, «on prévoit une croissance de 5,9 % en Thaïlande, de 5,8 % en Indonésie, de 4,5 % en Turquie, des niveaux semblables à ceux qu’on avait vus en 2012», dit David Kunselman, gestionnaire de portefeuille chez Excel Investment Counsel, à Toronto, une firme d’investissement spécialisée dans les marchés émergents.
Parmi les dix premiers pays qui composent le classement des économies émergentes les plus prometteuses de Bloomberg Markets, on ne trouve que deux pays du BRICS, soit la Chine au premier rang et la Russie au neuvième.
Par ailleurs, on trouve la Thaïlande (3e rang), le Pérou (4e rang), la République Tchèque (5e rang), la Malaisie (6e rang), la Turquie (7e rang), le Chili (8e rang) et l’Indonésie (10e rang).
Au 2e rang prend place la Corée du Sud, mais plusieurs diraient qu’elle fait maintenant partie du club des pays développés.
Cependant, on ne distingue pas que les pays émergents, il y a aussi les pays qu’on appelle «frontières».
Parmi ceux-ci, la vedette du classement de Bloomberg Markets est le Vietnam, dont la croissance annuelle moyenne prévue jusqu’en 2017 est de 8,5 %.
Viennent ensuite des pays comme l’Estonie, le Kazakhstan, la Bulgarie et l’Arabie Saoudite.
Avertissement justifié
Les facteurs qui favorisent le secteur émergent abondent.
Notamment, ces pays «ont maintenu leur endettement à des niveaux bas tout en faisant croître leur PIB, soutient David Kunselman. Dans les pays développés, le ratio dette/PIB est de l’ordre de 100 %. Dans les pays émergents, il est de 37 %.»
L’urbanisation croissante est un thème de fond qui propulse ces économies, de même que la lente mise en place d’une classe moyenne de consommateurs.
Et les besoins de base dans ces pays seront les moteurs de développement des prochaines décennies, tout particulièrement dans les secteurs des infrastructures, des soins de santé, de l’agriculture, de la gestion de l’eau et de l’éducation, fait ressortir Angelo Katsoras.
Mais attention, le fait que le secteur émergent gagne en prépondérance et en visibilité ne doit pas masquer le fait qu’il demeure passablement risqué, avertit Jean-Pierre Couture, économiste et stratège des marchés émergents chez Hexavest, à Montréal.
Celui-ci reconnaît que ces risques se sont atténués, mais sont toujours présents : contrôles divers d’inflation, de devises, de capitaux, corruption, pseudo-démocraties, absence de transparence. «Les gens ont la mémoire courte», dit Jean-Pierre Couture, qui rappelle qu’au cours des vingt dernières années, des pays comme le Brésil, la Russie, le Mexique et plusieurs pays asiatiques ont fait défaut de paiement de leurs dettes.
Produits assortis
Plusieurs avenues s’offrent à l’investisseur intéressé par le secteur émergent.
Il peut favoriser certains grands indices du secteur émergent à l’aide de fonds négociés en Bourse (FNB), par exemple le iShares Broad Emerging Markets Index Fund ou, pour les plus audacieux, le Horizons BetaPro MSCI Emerging Markets Bull +.
Il peut aussi privilégier certains pays, notamment la Chine avec le iShares China All-Cap Index Fund, ou encore certains secteurs clés comme l’eau avec le iShares S&P Global Water Index Fund.
Évidemment, la voie des fonds communs offre une approche plus diversifiée et plus axée sur la sélection de titres.
Par exemple, le fonds de marchés émergents d’AGF a connu une performance de 4,2 % dans la dernière année et une moyenne de 19 % au cours des quatre dernières.
L’ensemble du secteur émergent est actuellement surexploité, juge Jean-Pierre Couture, même si certains marchés boursiers, par exemple ceux de la Russie et d’Hong Kong, offrent des ratios cours/bénéfices encore attrayants. «L’enthousiasme des investisseurs frôle l’exubérance irrationnelle», juge-t-il, notant qu’une foule de secteurs donnent des signes de surinvestissement en Chine : produits de base, notamment le cuivre et le fer, l’immobilier et le transport.
Pour Jean-Pierre Couture, il n’y a aucun doute que les pays émergents représentent une cible de choix à long terme, mais pas à court terme.
«Ce n’est pas le meilleur moment pour entrer dans ce marché, dit-il. Il vaut mieux attendre une correction, qui aura probablement lieu cette année ; d’ailleurs, elle aura probablement lieu pour l’ensemble des marchés.»