Comme plusieurs, l’AMF constate que les gens décèdent à un âge moyen de plus en plus avancé. Cette diminution des taux de mortalité a été favorable aux assureurs pour les produits d’assurance vie déjà émis, mais par ailleurs défavorable pour les produits déjà émis dont la valeur est sensible à la longévité, tels que les rentes.
« De par son rôle prudentiel, l’Autorité se questionne quant aux taux ultimes qui sont atteints rapidement dans la projection de même que sur leur niveau, qui semble assez faible aux âges avancés comparativement à ce qui est observé présentement. Cette situation pourrait faire en sorte de sous-estimer l’amélioration de la mortalité pour ces âges », lit-on dans le rapport de l’AMF.
En 2017, l’Institut canadien des actuaires (ICA) a publié une nouvelle table de taux d’amélioration de la mortalité. Cette publication amène plus de cohérence par rapport aux données observées dans les dernières années et contribue à solidifier le bilan de certains assureurs, selon le rapport.
« L’AMF continue de surveiller l’amélioration des taux de mortalité comparativement aux hypothèses des assureurs, particulièrement pour les produits offrant une protection liée à la longévité », lit-on dans le rapport, comme les rentes viagères ou les fonds distincts avec garantie de revenu à vie.
Risque de pertes d’envergure
L’AMF se préoccupe aussi du risque lié aux hypothèses erronées de déchéance des polices. Rappelons que la déchéance est le terme utilisé afin d’illustrer le nombre de titulaires qui décident de ne pas conserver leur assurance jusqu’à la maturité de leur contrat.
Toute déviation comparativement aux hypothèses de déchéance engendre des gains ou des pertes pour les assureurs. Un assureur peut subir une perte par exemple s’il a projeté à tort qu’un nombre élevé de titulaires de police abandonneraient celle-ci, alors que dans les faits, peu d’entre eux le font.
En 2015, l’ICA a publié deux études sur l’expérience des produits fondés sur les déchéances, apprend-on dans le rapport de l’AMF : « Les résultats de ces études montraient des taux de déchéance de beaucoup inférieurs à ce que plusieurs assureurs avaient anticipé, ce qui avait mené à des augmentations importantes de leurs passifs actuariels. » Le passif actuariel correspond à la valeur actualisée de l’ensemble des engagements faits par un assureur à l’égard des titulaires de polices.
Depuis 2015, « certains assureurs ont continué de présenter des pertes provenant des déchéances pour ces produits, amenant ainsi des augmentations de passifs actuariels en 2017 », observe l’AMF.
« L’Autorité continue de suivre de près l’évolution des taux de déchéance réels comparativement aux hypothèses des assureurs et tout produit qui pourrait être susceptible de générer des pertes d’envergure liées aux déchéances », lit-on dans le rapport de l’AMF.
Par ailleurs, la cession de contrats d’assurance de gré à gré entre un titulaire et un tiers n’est pas interdite, selon le Code civil du Québec. Et ce genre de pratique pourrait nuire à la rentabilité des assureurs, car elle viendrait fausser les hypothèses de déchéance. L’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes s’est inquiétée, par le passé, que le Québec devienne ainsi une province propice à la prolifération de ce genre de pratique. Plusieurs assureurs ont également mis en garde les conseillers qui seraient tentés de faciliter ce genre de transferts de police, sachant que des entreprises ont fait des offres en ce sens à des clients québécois.
Québec a voulu mieux encadrer la cession de police d’assurance dans le projet de loi 150, ce qui aurait permis à un assureur de racheter le contrat qu’un titulaire aurait cédé à un tiers. Or, les articles de ce projet de loi ont été retirés si bien que le statu quo prévaut, à savoir la non-interdiction de céder une police à un tiers, comme prévue dans le Code civil.
« L’Autorité suit aussi le développement d’un marché secondaire où il est possible de céder sa police à un tiers en échange d’une rétribution monétaire, ce qui pourrait également influencer les taux de déchéance et la rentabilité des assureurs », lit-on dans le rapport de l’AMF.
D’autres craintes de l’AMF
Par ailleurs, la faiblesse persistance des taux d’intérêt à long terme préoccupe l’AMF et les assureurs de personnes, étant donné la nature à long terme de certains de leurs produits.
Les passifs actuariels sont fondés sur des hypothèses relatives à l’évolution des taux d’intérêt à long terme et toute déviation par rapport à celles-ci aurait un impact sur les états financiers des assureurs. En clair, plus les taux d’intérêt à long terme sont bas, plus la valeur des passifs actuariels est élevée. Un passif actuariel élevé force un assureur à accroître ses provisions aux dépens de sa rentabilité.
Puisque les taux d’intérêt à long terme sont historiquement bas depuis plusieurs années, l’ICA a révisé à la baisse ses taux ultimes pour l’évaluation des passifs actuariels. Cette mesure a entraîné une révision à la hausse des passifs actuariels pour l’ensemble des assureurs de personnes, constate l’AMF, dans son rapport.
« Dans le contexte de faiblesse persistante des taux d’intérêt des dernières années, plusieurs assureurs de personnes ont effectué des ajustements dans leurs portefeuilles de placement, orientant leur stratégie vers des placements jugés plus risqués, comme les actions et les infrastructures. De plus, certains assureurs de personnes ont ajusté leur tarification et leur offre de produits en réaction à cet environnement de bas taux d’intérêt », lit-on dans le rapport.
Dans la dernière année, Finance et Investissement a d’ailleurs fait état de plusieurs produits à primes nivelées ou ayant des garanties à long terme qui ont été retirés ou on fait l’objet d’une hausse tarifaire.
Le portefeuille de placement des assureurs se compose, de 71 % d’obligations et de débentures, de 12 % de prêts hypothécaire, de 8 % d’actions ordinaires et privilégiées et de 4 % de biens immobiliers, selon le rapport de l’AMF. La composition du portefeuille de placement des assureurs n’a pas changé par rapport à 2016.
Gare au risque de placements
Dans son rapport, l’AMF a analysé par ailleurs la composition des fonds propres requis par les assureurs de personnes par type de risque en 2017.
« Plus de la moitié de la composition des fonds propres requis est liée aux placements. Ce risque est important de par la nature à long terme des engagements pris par les assureurs », lit-on dans le rapport de l’AMF.
Plus précisément, le risque d’insuffisance de rendement de l’actif représente 38,15 % des fonds propres requis par les assureurs et le risque de changement des taux d’intérêt, 16,78 %. Le risque de mortalité et le risque de déchéance représentent 10,71 % et 15,85 % des fonds propres requis, respectivement.