Selon les chiffres de l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC), les ventes nettes de fonds communs à long terme ont été de 36,2 G$ pour les neuf premiers mois de 2013, une hausse de 26 % par rapport à la même période l’an dernier.

L’actif dans les fonds à long terme, en partie soutenu par la performance des marchés financiers, s’établissait quant à lui à 912 G$ en septembre, soit une progression de 14,5 % par rapport au même mois en 2012.

Renversement de vapeur

Dans les années qui ont suivi la crise financière, les fonds obligataires ont eu la faveur des clients, les fonds d’actions souffrant de rachats considérables.

Or, la vapeur est maintenant renversée. Les fonds d’actions affichent des ventes nettes de 2,95 G$ pour les trois premiers trimestres de 2013, alors que les fonds obligataires affichent des rachats nets de 1,04 G$.

Est-ce le signe que les investisseurs reviennent en force dans le marché des actions ? Oui, mais avec prudence.

Le grand gagnant de la bonne performance de 2013 est le secteur des fonds équilibrés, qui se sont taillé la part du lion sur le plan des ventes nettes, à 31,6 G$.

«La hausse du prix des actions donne aux conseillers un environnement fertile pour marquer un grand retour et faire une brèche dans le coussin de liquidités de plus de 1,2 billion de dollars accumulés par les foyers canadiens», peut-on lire dans la section consacrée au Canada (et rédigée par Investor Economics) du rapport «Global Markets 2013, Growth in a Flat World», réalisé par Cerulli Associates, une firme d’analyse de New York.

C’est dire que les sommes qui dorment, essentiellement dans des comptes bancaires et des certificats de dépôt garanti, note Carlos Cardone, ont atteint des proportions colossales, puisqu’elles n’étaient que de 800 G$ en 2007, avant la crise. Et c’est de l’argent qui ne revient que prudemment dans les marchés.

Comme il a déjà été dit maintes fois, le monde obligataire, refuge de protection par excellence, est devenu la zone à plus haut risque en raison d’une hausse attendue des taux d’intérêt.

Ce refuge dans les titres à revenu fixe présente un deuxième risque – cette fois, pour l’industrie. «On craint que les rendements obligataires connaissent une mauvaise passe, qui pousserait à nouveau les investisseurs vers la sortie», lit-on dans le rapport de Cerulli.

Il semble toutefois que de plus en plus d’investisseurs sont conscients du risque, pense Rudy Luukko, rédacteur, investissement et finances personnelles chez Morningstar Canada, à Toronto.

«On a vu le lancement de plusieurs fonds obligataires à taux flottants, par exemple de la part de Mackenzie, Fidelity, Dynamic, Renaissance, Trimark et d’autres, susceptibles de protéger les investisseurs d’une hausse éventuelle des taux d’intérêt», dit-il.

Compression des bénéfices

Cependant, cette période de ventes très positives masque une réalité plus éprouvante pour l’industrie : l’amenuisement des marges bénéficiaires.

Les revenus de l’industrie des fonds ont crû au rythme annuel de 2,3 % au cours des cinq dernières années, ce qui est bien en deçà du rythme de croissance déjà léthargique de 3,8 % des actifs sous gestion, indique le rapport de Cerulli.

Dans une bonne mesure, cette situation tient à la prépondérance des fonds obligataires dont les frais de gestion sont moins élevés que ceux des fonds d’actions ou des fonds équilibrés. Cependant, plusieurs autres facteurs se conjuguent pour écraser les marges bénéficiaires.

En premier lieu, note Carlos Cardone, il y a le simple fait que l’industrie est arrivée à maturité et qu’une diminution des frais de gestion est un levier pour tenter de gagner des parts de marché.

Cette tendance à la baisse des frais de gestion «écrase les marges, d’autant plus que les coûts d’exploitation ne baissent pas, surtout à cause des frais reliés à la réglementation», note Richard Morin, directeur, région du Québec, de l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (ACCVM).

C’est sans compter la concurrence des fonds négociés en Bourse (FNB), dont la croissance demeure fulgurante, et dont les faibles frais de gestion sont constamment mis en lumière par la presse financière.

Autre facteur appelé à jouer un rôle croissant : la nouvelle réglementation sur la divulgation des frais de gestion et des rendements, qui doit entrer en vigueur graduellement d’ici 2016.

Adaptation

Devant toutes ces pressions, la structure de l’industrie est appelée à se transformer plus que jamais. Plusieurs de ces transformations sont déjà bien enclenchées.

Par exemple, la frontière entre le monde des fonds communs et celui des FNB s’estompe toujours un peu plus. Un exemple récent tient au lancement par Blackrock de fonds communs dont les actifs sont entièrement composés de FNB de sa filiale iShares Canada, le but étant de permettre aux conseillers, qui n’ont pas de permis de courtage de plein exercice, de donner à leurs clients accès aux FNB.

La transformation la plus importante a lieu dans les canaux de distribution, plusieurs entreprises ouvrant de nouvelles avenues d’activité et de revenus, d’après le rapport de Cerulli.

«Plusieurs entreprises, parmi lesquelles AGF, Templeton, Standard Life, Great West et Industrielle Alliance sont des leaders, se servent de leur savoir-faire en gestion d’actifs dans d’autres secteurs, dit Carlos Cardone. Ainsi, dans la gestion de régimes de pension à prestations déterminées, dans la gestion de programmes de gestion discrétionnaire (wrap accounts) et dans le conseil en placements alternatifs.»