Cependant, l’évolution actuelle des conditions d’offre et de demande pourrait se corser à un tel point que «la prochaine fois, le prix pourrait très bien défoncer son plafond technique», croit Bart Melek.
La pénurie s’installe
Écartons immédiatement tout malentendu sur le «statut de métal précieux» du platine et du palladium. Bien sûr, c’est un statut qu’ils partagent avec l’or et l’argent. Toutefois, leur comportement obéit à une dynamique très différente de ces derniers.
L’or et l’argent sont des valeurs fétiches que les investisseurs accumulent au gré de leur anxiété et de leur pessimisme face aux marchés financiers. «Il faut donc comprendre la psychologie de ces investisseurs, un défi inexistant dans le cas du pla-tine et du palladium parce que ces deux métaux sont rapidement consommés dans la fabrication industrielle», fait ressortir Rick Rule, président de Sprott US Holding, à Carlsbad, en Californie. Il est vrai qu’une certaine quantité de platine est en réserve comme pour l’or et l’argent, surtout en Asie, mais cela reste marginal.
Le platine et le palladium servent surtout à trois usages : comme catalytique dans les systèmes d’échappement d’autos pour réduire leurs émissions de dioxyde de carbone, dans les cheminées industrielles pour les mêmes raisons, et en bijouterie. «Leurs usages sont interchangeables dans certains cas, le platine étant préféré pour les moteurs diésel, et le palladium pour les moteurs à essence classique», fait ressortir Bart Melek.
Contraintes d’offre
Les problèmes de l’offre s’intensifient, surtout en Afrique du Sud, «qui four- nit plus de 60 % du platine et 30 % du palladium dans le monde», indique Mark O’Byrne, directeur exécutif chez GoldCore, à Londres.
Depuis plusieurs mois, les affrontements entre les producteurs d’or et les mineurs, dont les conditions de travail sont misérables, ne cessent de s’intensifier. On s’attend à ce qu’ils se propagent chez les producteurs de platine et de palladium. Ces problèmes, juge Rick Rule, ajoutent au fardeau des producteurs dont les procédés d’extraction sont peu mécanisés et exigent énormément de main-d’oeuvre, ce qui fait qu’ils opèrent à perte. «Seule une petite portion des producteurs affiche une rentabilité», dit Rick Rule.
Il en résulte que bon nombre de mines ont fermé ces derniers temps, ce qui a entraîné en 2012 une chute de 16 % de la production d’Afrique du Sud, le plus bas niveau depuis 11 ans. Actuellement, le marché connaît une pénurie de platine de l’ordre de 400 000 onces, sur une production mondiale totale de 7,8 millions d’onces, juge Burt Melek. Pour sa part, Mark O’Byrne évalue cette pénurie à 844 000 onces.
Autre producteur majeur, le Zimbabwe est aux prises avec les mesures du président Robert Mugabe qui, après avoir racheté il y a cinq ans 51 % de la capacité productrice de platine et de palladium de son pays, veut maintenant nationaliser les mines. Enfin, en Russie, principal producteur de palladium, les réserves s’amenuisent et les unités de production sont de plus en plus vêtustes.
Demande explosive
Face à cette offre amenuisée, la demande de platine et de palladium se prépare à bondir. Tout d’abord, en Europe, principal consommateur de ces métaux pour la fabrication automobile, les signes d’embellie économique laissent croire que la demande va reprendre. «L’âge médian des flottes de véhicule atteint un niveau record, note Rick Rule, et le besoin de les renouveler se manifestera plus tôt que tard.»
Selon ce spécialiste, la demande s’intensifiera surtout dans les grands pays émergents comme la Chine et l’Inde. La Chine est désormais le plus grand marché automobile du monde, note-t-il, et le gouvernement a décrété un plan de cinq ans pour améliorer la qualité de l’air. «Le gouvernement a donné à penser qu’il imposerait aux manufacturiers que les véhicules comportent cinq fois plus de platine et de palladium qu’actuellement, note Rick Rule. Ça pourrait entraîner une hausse substantielle de la demande.»
En bref, l’offre de platine et de palladium est en déclin dans les trois pays qui assurent 90 % de la production mondiale, tandis que la demande se prépare à croître dans les économies développées et surtout dans les pays émergents. Ces éléments risquent de se traduire à moyen terme par des prix beaucoup plus élevés pour ces deux métaux précieux.
Bart Melek voit le prix de l’once de platine monter à 1 750 $ au cours de 2014, et l’once de palladium, à 900 $. Selon lui, le palladium offre des perspectives encore plus intéressantes que le platine, ses conditions de marché étant plus serrées. Plus optimiste, Mark O’Byrne voit le prix du platine dépasser les 2 300 $ l’once, celui du palladium, les 1 125 $ l’once, au cours des prochaines années.
La meilleure façon d’entrer dans ce marché, juge Rick Rule, est d’acheter le métal précieux lui-même, chez Kitco par exemple, plutôt que de détenir des actions de compagnies, que les conditions actuelles rendent très risquées.
Au Canada, la stratégie la plus facile est d’acheter des parts dans le Sprott Physical Platinum-Palladium Trust. Ses avantages, souligne Rick Rule, sont sa grande liquidité, puisqu’il est listé à la Bourse de Toronto et à la Bourse de New York, et que sa quantité de métal sous-jacent, sous scellés dans une voûte, ne varie pas.