La Banque Nationale et la Banque de Montréal ouvrent le dévoilement des résultats du premier trimestre mardi et les financiers craignent de voir les premières fissures dans leur rentabilité apparaitre, à cause de l’effet décalé de la chute prolongée du pétrole sur l’économie canadienne et sur les consommateurs déjà très endettés.
La nervosité est palpable comme en témoigne le recul de 0,3 à 0,9% des titres des six grandes banques, lundi, malgré la légère hausse du S&P/TSX et le rebond de 5% du pétrole.
L’annonce lundi matin d’une perte de 40 millions de dollars (M$) par la banque HSBC Canada, en raison d’un bond de 340% de ses provisions pour pertes sur prêts, d’un déclin de 4% des marges d’intérêt et d’une chute de 29% des revenus autres que d’intérêts, a notamment attiré l’attention de Barclays et de Canaccord Genuity.
Ces deux courtiers y voient un mauvais présage pour les grandes banques, même si elles sont mieux diversifiées que cette filiale d’une banque britannique.
«Après les mauvais résultats de l’institution ATB Financial du gouvernement de l’Alberta, ceux de HSBC Canada augmentent les risques de mauvaises surprises de la part des autres banques», écrit Gabriel Dechaine, analyste chez Canaccord Genuity.
La Banque Nationale, avec des prêts aux pétrolières de taille moyenne et un niveau de capitaux propres inférieurs à son industrie et Canadian Western Bank, avec 42% de son portefeuille de prêts en Alberta, sont les deux institutions qu’il surveille le plus.
Moody’s a ajouté à la morosité en mettant à jour un scénario de stress bancaire dans lequel une détérioration marquée des emprunteurs obligerait les banques à émettre des actions ou à réduire leur dividende afin de préserver leur niveau de capital règlementaire.
Même si l’agence d’évaluation du crédit accorde peu de probabilité à ce «pire scénario», son scénario plus modéré évoque tout de même la possibilité d’un recul de 10% des bénéfices des activités des marchés des capitaux des banques.
TD prévoit un premier déclin
Méfiant envers la capacité des banques à résister au ralentissement économique, John Aiken, de Barclays avait déjà charcuté de 20% ses cours-cibles pour les banques canadiennes, le 17 février.
John Aiken jugeait déjà peu probable que les banques réussissent à faire croître leurs bénéfices cette année, étant donné le décalage entre la chute du pétrole et son impact sur l’ensemble de l’économie, ainsi que sur le portefeuille des prêts des banques, au cours des prochains trimestres.
Ses cours-cibles laissent entrevoir une baisse de 9 à 19% des cours des banques d’ici 12 mois.
Chez Valeurs mobilières T-D, Mario Mendonca, prévoit plutôt une baisse modeste de 1% des bénéfices des banques au premier trimestre, ce qui serait tout un renversement par rapport à la hausse de 10% du quatrième trimestre.
«Il est possible que les banques présentent encore une fois des résultats ajustés supérieurs à nos estimés, mais la qualité de leurs bénéfices pourrait laisser à désirer, s’ils proviennent encore d’éléments non récurrents», écrit l’analyste.
Une hausse d’encore 3%
À l’autre bout du spectre, Sohrab Movahedi, de BMO Marchés des capitaux, s’attend à ce que le guichet unique des services multiples banques montre encore une fois toute sa résilience.
Cet analyste mise sur une hausse de 3% des bénéfices des banques au premier trimestre grâce à une augmentation de 5% des volumes de prêts canadiens, à des gains de productivité, à des écarts d’intérêt stables, et à la dépréciation de 10% du huard par rapport au dollar américain.
On assistera sans doute à la première augmentation notable des provisions pour pertes sur prêts, mais le ratio de 0,33% de l’ensemble des prêts, n’est pas inquiétant, dit-il.
Et même si les dividendes se butent à la limite des ratios de distribution de 40 à 50% des bénéfices que s’imposent les banques, M. Movahedi prévoit tout de même une hausse de 8% du dividende de la Banque T-D et de 3% de la part des banques Royale, Scotia et CIBC.
«Notre opinion envers les banques n’a pas changé. À long terme, elles bénéficient de modèles diversifiés et procurent des rendements de dividendes et des rendements de l’avoir des actionnaires enviables, mais à court terme une économie au ralenti et des faibles taux pèsent sur leurs revenus », fait valoir l’analyste de BMO.
Une évaluation de crise, mais des attentes à satisfaire
Comme c’est souvent le cas, la réalité se situe sans doute à mi-chemin entre les scénarios les plus pessimistes et les plus optimistes.
Il n’est pas clair non plus à quel point les cours bancaires intègrent déjà la détérioration à venir de leur portefeuille de prêts.
Après des reculs de 6 à 22% depuis un an, l’évaluation des banques est tombée à 1,5 fois leur valeur comptable, une évaluation de temps de crise.
Pourtant, leur dividende de 4,5% est plus de quatre fois supérieur au rendement de 1,12% des obligations repères de dix ans auquel on les compare.
Leur rendement moyen de l’avoir des actionnaires de 15% prévu pour 2016 par BMO, est aussi nettement supérieur à celui de 9,7% de l’indice S&P/TSX.
En revanche, le consensus prévoit toujours une hausse de 3% des bénéfices des banques en 2016 et de 5,5% en 2017, alors que leurs bénéfices reculent habituellement lors de récessions.
À moins d’une remontée durable du pétrole, il sera difficile pour les banques de s’apprécier si les analystes passent les prochains trimestres à réduire leurs attentes envers elles.