Les liens entre les grandes banques et le gouvernement ont toujours été étroits, toutefois la pandémie actuelle a encore renforcé cette relation. Le 13 mars dernier, le ministre des Finances Bill Morneau a d’ailleurs annoncé qu’il avait parlé aux présidents-directeurs généraux des grandes banques et que les prêteurs comprenaient la menace que le virus représentait pour leurs clients, rappelle le Financial Post dans un article récent.
« Ils se sont engagés envers moi, et nous avons eu une discussion il y a quelques heures encore, à soutenir les entreprises et les particuliers en ces temps difficiles d’une manière responsable, équitable et compatissante. Nous allons organiser des appels réguliers, deux fois par semaine, au cours des prochaines semaines pour nous assurer que cela se produise », a-t-il ainsi déclaré.
Depuis cette annonce, les banques ont pris plusieurs engagements pour aider leurs clients à affronter cette période exceptionnelle notamment en autorisant le report des paiements hypothécaires jusqu’à six mois.
Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau a annoncé la semaine dernière la création d’un « compte d’urgence pour les entreprises » pour offrir aux petites entreprises l’accès aux capitaux dont elles ont besoin pour affronter la situation actuelle. Grâce à ce fonds, les institutions financières recevront jusqu’à 25 milliards de dollars (G$), afin de pouvoir accorder des prêts sans intérêt aux petites entreprises jusqu’à concurrence de 40 000 dollars.
Pour traverser la crise actuelle, le gouvernement fédéral et le secteur bancaire doivent travailler main dans la main afin de soutenir les consommateurs et les entreprises.
Une relation de longue haleine
Cette situation permet également de nous rappeler que le secteur bancaire a toujours eu un lien étroit avec la politique, comme le prouvent Charles Calomiris et Stephen Haber dans leur livre, Fragile by Design : The Political Origins of Banking Crises and Scarce Credit.
Dans ce livre, les co-auteurs rappellent que la toute première session du Parlement canadien a vu l’adoption d’une « loi sur les banques ». Le gouvernement a ensuite voulu conclure un accord avec la Banque de Montréal offrant « de créer une position privilégiée pour la banque en échange de son financement » au jeune régime. Même si cet accord n’a finalement pas eu lieu, il montre la relation de codépendance entre le gouvernement canadien et le secteur bancaire.
L’un des principaux thèmes du livre est d’ailleurs « que les banques à charte représentent un partenariat entre les parties qui contrôlent le gouvernement et les fondateurs et actionnaires des banques », selon les mots des auteurs.
Ce partenariat a d’ailleurs permis aux banques canadiennes de mieux surmonter la crise de 2008 que la plupart des banques des autres pays.
Les lignes de communication sont toujours ouvertes, comme en témoigne le tweet du Premier ministre qui remerciait les PDG des cinq grandes banques pour leurs conseils lors des récentes négociations sur le libre-échange nord-américain.
Un intérêt mutuel
Le report des paiements hypothécaires résulte d’une conversation à double sens entre les régulateurs et les banques, qui peuvent fournir des liquidités à l’économie réelle d’une manière que les régulateurs peuvent difficilement faire directement, selon Andrew Moor, le président et directeur général de la Equitable Bank, basée à Toronto.
« La bonne nouvelle, c’est que nous avons une communauté bancaire assez réduite et nous sommes tous très intéressés à faire en sorte que l’économie canadienne s’en sorte », commente-t-il.
« Comme nous l’avons déjà fait, les banques canadiennes travaillent en étroite collaboration avec toutes les parties prenantes pour aider les Canadiens à surmonter cet événement sans précédent », a confirmé l’Association des banquiers canadiens.
Travailler en étroite collaboration est également dans l’intérêt du secteur bancaire. L’agence de notation de la dette DBRS Morningstar a soutenu que « deux éléments cruciaux » détermineront comment la COVID-19 affectera la solvabilité des banques dans le monde entier : les retombées économiques et le niveau de soutien des gouvernements et des banques centrales.
« Les détails et la mise en œuvre de nombre de ces mesures sont encore en cours de finalisation, mais elles atténueront une partie de l’impact de la fermeture économique, réduisant ainsi la pression sur les banques. Beaucoup de ces mesures impliquent directement le secteur bancaire et confirment l’importance du rôle que les banques sont appelées à jouer pour garantir que les particuliers et les entreprises puissent finalement se remettre de cette fermeture et que le crédit continue à circuler dans l’économie », selon les analystes de DBRS Morningstar.
« Il n’est pas du tout inhabituel que les banques coopèrent sur des questions macroéconomiques générales, qu’elles puissent en tirer profit individuellement, mais qu’elles perdent dans l’ensemble. Et c’est symptomatique des relations très étroites entre les banques et la banque centrale. Elles se parlent constamment », ajoute Laurence Booth, professeur de finance à la Rotman School of Management de l’Université de Toronto.