Ces inquiétudes récurrentes ont d’ailleurs fait fléchir les titres bancaires depuis le début de l’année, malgré la bonne tenue de l’économie.
L’analogie d’un «tapis roulant» – soit beaucoup de pas de course, mais aucune distance parcourue – qu’utilise Robert Sedran, de CIBC Marchés des capitaux, décrit bien la dynamique boursière du moment.
«Le deuxième trimestre s’annonce sans éclat, mais n’offrira rien pour faire dérailler les perspectives non plus», évoque pour sa part John Aiken, de Barclays.
La Banque CIBC (CM, 116,30$) ouvre le bal le 23 mai et Canadian Western Bank (CWB, 34,80$) ferme la marche le 7 juin.
Les banques ont encore une fois de bonnes chances de déjouer les prévisionnistes en dévoilant des bénéfices supérieurs à la croissance prévue de 8 à 9%. Cela se compare à la progression robuste de 11%, au premier trimestre.
Les six grandes banques ont raté les attentes à seulement deux occasions depuis 29 trimestres, ce qui remonte à 2011.
Les bénéfices bancaires ont aussi surpassé les estimations par 3% en moyenne au cours des 12 derniers trimestres, précise Scott Chan, de Canaccord Genuity.
Cela témoigne de la résilience que procure leur oligopole et leurs multiples sources de revenus.
« Il est difficile d’imaginer que les principales institutions au pays réservent de mauvaises surprises lorsque le taux de chômage est à un plancher en 40 ans. »
La conjoncture est un puissant amortisseur pour la rentabilité des banques puisqu’elle limite les provisions pour mauvaises créances.
Au revoir hypothèques, bienvenu prêts aux entreprises
La santé du marché hypothécaire retient encore une fois le plus d’attention.
Il faut dire que les prêts résidentiels représentent presque les trois quarts du portefeuille de prêts personnels et commerciaux ainsi que la moitié du portefeuille total des prêts des six grandes banques.
Voilà quatre mois que les nouvelles restrictions hypothécaires sont entrées en vigueur et leur influence sur les résultats divise encore les analystes.
La plupart d’entre eux prévoient que la croissance du volume des prêts résidentiels se modérera, au deuxième trimestre.
Les banques ont une nouvelle locomotive: les prêts aux entreprises s’accélèrent, gracieuseté d’une économie qui vogue autour de 2%.
Le gendarme des banques rapporte en effet un bond de 11% des prêts commerciaux en mars, note M. Chan.
Or, les prêts aux sociétés sont nettement plus rentables pour les banques que les prêts personnels.
Le nouvel encadrement hypothécaire de la Loi B20 pourrait même avoir fourni un coup de pouce aux résultats, en incitant les acheteurs à devancer l’achat de résidences, estime Gabriel Dechaine, de la Financière Banque Nationale.
Les trois hausses de taux décrétées par la Banque du Canada seront un petit baume pour les marges d’intérêts, en attendant que l’augmentation des taux hypothécaires de cinq ans les et compense pour le moins grand volume de prêts plus tard cette année, explique M. Aiken, de Barclays.
Les activités des marchés de capitaux – le financement de sociétés et la négociation de titres – seront moins généreuses qu’au premier trimestre, mais la très rentable gestion du patrimoine profitera de l’appréciation des actifs financiers.
Un nouveau souffle boursier exige un ralentissement en douceur
La suite des choses est imprévisible puisque le ralentissement immobilier – déjà visible dans les mises en chantier et la revente de maisons – pourrait se propager aux prêts commerciaux, craint M. Dechaine.
La renégociation ardue de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et le conflit politique entourant le controversé oléoduc Trans-Mountain nuisent aux décisions d’affaires, ajoute l’analyste qui préfère les assureurs aux banques.
Ces perspectives embrouillées expliquent en bonne partie l’incapacité des banques à s’apprécier, jusqu’ici en 2018.
Leurs titres s’échangent à un multiple de 11 fois les bénéfices prévus, une évaluation conforme à leur moyenne à long terme.
Les investisseurs devraient tout de même récompenser les banques qui battront les prévisions, si l’on se fie à la performance inférieure des banques par rapport au S&P/TSX depuis la fin de février, prévoit M. Dechaine.
«Le rendement de dividende de 4% fournit aussi un certain coussin boursier à ces titres, en particulier si l’engouement pour les titres cycliques s’étiolait en cours d’année», espère M. Aiken.
Il faudrait toutefois que le marché résidentiel atterrisse en douceur pour que les banques connaissent un nouveau souffle en Bourse, plus tard cette année, croit Sumit Malhotra, de Banque Scotia.
Si le volume des prêts hypothécaires cessait de croître, le bénéfice de 2019 des banques baisserait d’un pour cent, calcule M. Sedran.
Les Banque BMO (BMO, 101,07$) et Banque Nationale (NA, 63,24$) majoreront leur dividende de 3%, la Banque Laurentienne (LB, 48,87$) de 2%, selon l’analyste de CIBC.