Mystérieusement disparu depuis quelques semaines, le fondateur de la banque d’investissement China Renaissance, spécialisée dans les technologies, serait en contact avec les autorités chinoises afin de coopérer à une enquête à son sujet, selon des précisions apportées par l’institution financière le 26 février.
« L’entreprise coopérera et assistera comme il se doit à toute demande légale des autorités compétentes de la République populaire de Chine, le cas échéant », a affirmé le groupe dans un communiqué.
La disparition de l’homme d’affaires de 52 ans a secoué le monde de la finance et de la technologie en Chine. Son absence soudaine a soulevé des questions quant à l’avenir de l’entreprise et à la stabilité du secteur financier au pays.
Le 16 février, la banque avait indiqué qu’elle n’était « pas en mesure de contacter » son président. Selon la presse locale, il ne serait pas apparu publiquement depuis deux mois, et ne répondrait plus au téléphone depuis plusieurs jours.
Impact sur les investisseurs et les clients
China Renaissance a assuré que l’entreprise continuait de fonctionner normalement. Néanmoins, l’affaire a eu un impact sur les investisseurs et les clients. À l’annonce de la disparition du PDG, les cours ont plongé de 30 % à la Bourse de Hong Kong. Une absence prolongée du patron de China Renaissance « pourrait avoir des répercussions à long terme sur le titre, car M. Bao est l’homme clé de l’entreprise », a commenté Willer Chen, analyste pour le courtier Forsyth Barr, cité par l’agence Bloomberg.
Figure célèbre du monde des affaires en Chine, Bao Fan a étudié l’économie à l’université de Pékin avant de poursuivre ses études à Harvard. Il a travaillé chez Morgan Stanley et Credit Suisse avant de fonder China Renaissance en 2004, une banque spécialisée dans les opérations de fusions et acquisitions et dans l’introduction en bourse de sociétés technologiques.
En juin 2022, la banque déclarait gérer des investissements de près de 10 milliards de dollars (G$) et employer plus de 700 personnes dans le monde, avec des bureaux à Singapour et aux États-Unis.
Le groupe a joué un rôle clé dans le financement de plusieurs entreprises chinoises, notamment Alibaba, Xiaomi et Tencent Music. Il a orchestré l’entrée en Bourse de géants du numérique, dont le spécialiste du commerce électronique JD.com. En 2014, il a aidé Alibaba à lever 25G$ lors de son introduction en bourse à New York, qui était alors la plus importante de l’histoire.
En 2015, China Renaissance a acheté l’entreprise de conseil en investissement DBA Partners pour 410 M$, afin de renforcer sa position dans les opérations de fusions et acquisitions, puis Mintegral, une entreprise spécialisée dans la publicité mobile, pour renforcer ses capacités dans les technologies publicitaires mobiles, qui connaissent une croissance rapide en Chine.
Bao Fan a joué un rôle clé dans plusieurs grandes transactions impliquant des entreprises technologiques chinoises, dont celle entre le champion du Uber local, Didi, et son concurrent Kuaidi Dache. China Renaissance a également travaillé sur l’introduction en bourse de Xiaomi à Hong Kong, qui a été considérée comme l’une des plus importantes de l’année 2018.
Une longue liste de disparitions
Selon The Financial Times, le banquier se préparait ces derniers mois à transférer une partie de sa fortune à Singapour pour y établir un family office, suivant l’exemple de plusieurs Chinois fortunés qui ont quitté la Chine depuis le resserrement du régime de Pékin.
Le nom de Bao Fan s’ajoute à une longue liste d’hommes d’affaires qui ont disparu en Chine au cours des dernières années. Selon le magazine Forbes, au moins une demi-douzaine de milliardaires se sont évaporés après avoir eu des démêlés avec le Parti communiste.
Guo Guangchang, fondateur du groupe Fosun, a disparu pendant plusieurs jours en 2015. L’homme d’affaires sino-canadien Xiao Jianhua a été enlevé en 2017 et emprisonné pour corruption l’an dernier. Fin 2020, le fondateur d’Alibaba et d’Ant Group, Jack Ma, était resté introuvable pendant trois mois après avoir émis des critiques à propos des régulateurs du marché.
La disparition de Bao Fan soulève des questions sur la stabilité du secteur financier chinois, alors que le pays tente de réformer son secteur bancaire pour le rendre plus ouvert et compétitif et de relancer son économie après la Covid-19, après avoir engrangé 3 % de croissance en 2022, une des plus faibles depuis des décennies.