En fait, cette méthode, également appelée indexation intelligente ou fondamentale, existe depuis plusieurs années.

La plupart des indices, notamment le S&P 500 et le S&P/TSX, sont pondérés selon la capitalisation boursière des entreprises qui les composent. Lorsque la Bourse monte, les clients qui répliquent les indices rééquilibreront leur portefeuille en rachetant des titres qui sont plus chers et vendront à bon marché des titres qui ont baissé.

Selon les détracteurs de cette gestion indicielle traditionnelle, on surpondère le portefeuille de titres surévalués, alors qu’on réduit le poids de l’actif sous-évalué. Cela a également pour effet d’augmenter la concentration du portefeuille dans certains secteurs, comme c’est le cas des titres financiers, qui composent environ le tiers de l’indice canadien S&P/TSX. À l’origine, le bêta intelligent devait contrecarrer cet effet.

Il n’existe pas de définition officielle des stratégies qui misent sur le bêta intelligent. « Je dirais simplement qu’elles englobent tous les produits qui ne sont pas pondérés selon la capitalisation boursière », affirme Michael Cooke, responsable de la distribution chez PowerShares Canada.

Cela inclut par exemple des fonds négociés en Bourse (FNB) ou des fonds communs de placement qui privilégient des méthodes alternatives comme les indices équipondérés, qui ont un biais valeur, ou encore des approches qui misent sur les dividendes ou sur la faible volatilité.

Éventail de stratégies

L’indexation intelligente est un bon compromis entre la gestion purement indicielle et celle d’un gestionnaire actif qui génère de l’alpha, selon John Gabriel, stratège spécialisé en FNB chez Morningstar, à Chicago.

« Ces stratégies tentent d’améliorer le rapport risque/rendement afin, ultimement, de battre les indices de référence », explique-t-il.

« Elles sont attrayantes parce qu’elles sont simples à mettre en œuvre, transparentes pour l’investisseur et peu coûteuses », ajoute Michael Cooke.

PowerShares offre depuis une dizaine d’années plusieurs indices tels que les FTSE RAFI fondés sur la méthodologie développée par Research Affiliates, en reconstituant un panier de titres selon des facteurs fondamentaux tels que la valeur comptable, les flux monétaires, les ventes et les dividendes.

Le choix d’un produit plutôt qu’un autre dépendra des prévisions des conseillers quant au marché, sans négliger la tolérance au risque et les objectifs des clients.

« Un FNB à bêta élevé sera un produit plus spéculatif qu’un FNB à faible volatilité et pourrait être approprié si on anticipe un marché haussier par exemple », illustre Michael Cooke.

 

Vérification diligente

John Gabriel souligne l’importance de bien analyser la méthodologie de l’indice afin de déterminer en quoi il diffère de l’indice de référence.

« Il faut comprendre comment le client est exposé à ces différents facteurs. Certaines stratégies comme les indices équipondérés peuvent augmenter le risque du portefeuille en diminuant la capitalisation boursière moyenne, puisqu’on détiendra davantage de moyennes et petites sociétés (small cap effect) », explique-t-il.

Guy Lalonde pratique la gestion indicielle depuis plus de six ans. Le conseiller en placement et gestionnaire de portefeuille à la Financière Banque Nationale a longuement analysé les stratégies d’indexation intelligente.

« Ces produits n’ont rien de bien nouveau puisqu’il est possible d’obtenir les mêmes résultats en achetant des FNB dans différents segments de marché », remarque-t-il.

« Par exemple, on peut obtenir l’exposition factorielle des indices RAFI, qui sont ni plus ni moins que des sociétés à petite et moyenne capitalisation axées sur la valeur, et probablement à moindre coût, en achetant un FNB qui réplique un indice semblable », illustre-t-il.

Les coûts

« Les coûts liés au déploiement de ces stratégies sont bien moindres qu’une gestion active, mais tout de même plus élevés que la gestion indicielle entièrement passive », remarque Michael Cooke.

Par exemple, les frais de gestion du iShares S&P/TSX Capped Composite Index Fund (symbole boursier XIC) sont de 25 points de base, alors que ceux du PowerShares S&P/TSX Composite Low Volatility Index ETF (TLV) sont de 30 points de base, soit cinq points de plus.

De même, le FNB qui réplique un indice équipondéré investira le même montant dans chacun des titres sous-jacents. Dans le cas du S&P 500, cela signifie 1/500e de la valeur du portefeuille placé dans chaque action. On devra rééquilibrer les positions tous les trimestres en vendant les titres qui ont bien performé et en rachetant ceux qui ont perdu de la valeur, ce qui entraîne des frais.

« Ce taux de rotation plus élevé de l’actif engendre des frais de transactions et de possibles conséquences fiscales », rappelle Michael Cooke.

« Certaines stratégies, comme celle qui s’appuie sur la sélection de titres à faible volatilité, occasionnent cependant une rotation moins importante de l’actif et leurs frais sont inférieurs », précise-t-il.

Tests de validité

Toutefois, plusieurs de ces stratégies indicielles alternatives n’ont pas un historique de rendement très long. Puisque les facteurs mis en avant sont souvent simples à répliquer, on a utilisé des tests de validité rétroactifs (backtesting) pour allonger les périodes de rendements à des fins de comparaison avec le marché.

« Les manufacturiers ne lanceront jamais un produit si ces tests ne sont pas concluants. Cependant, il faut être prudent avec ce qu’on nous présente. Il faut se rappeler que ces rendements ne sont pas toujours réels. Ils ne sont pas non plus garants des rendements à venir d’un nouveau produit », soutient John Gabriel.

Michael Cooke indique que certains FNB, comme le PowerShares FTSE RAFI US 1000 (symbole boursier PRF) lancé en 2005, ont un historique de plus de huit ans. « Le rendement de ce fonds a été en moyenne supérieur de 1,85 point de pourcentage par an par rapport à celui du S&P 500 », souligne-t-il.

La question se pose : ces stratégies indicielles sont-elles vraiment plus brillantes que d’autres ? « L’idée d’accoler le terme intelligent à une stratégie d’investissement ne nous plaît guère », affirme John Gabriel.

« Nous souhaitons changer cette perception selon laquelle de telles stratégies sont meilleures que d’autres, et que par la bande, la gestion indicielle traditionnelle est mauvaise, ce qui est faux. Chez Morningstar, nous préférons parler de « bêta stratégique » puisque de telles tactiques peuvent connaître ou non du succès, selon les conditions du marché », ajoute-t-il.

Les stratégies de bêta intelligent pourraient constituer le tiers du marché institutionnel des actions d’ici 2018, affirmait l’été dernier Jérôme Teiletche au Financial Times de Londres. Ce dernier est le chef du service d’investissement stratégique de la banque privée suisse Lombard Odier.

Aujourd’hui, ce marché représente environ 142 G$, ce qui est très peu par rapport aux 2 000 G$ US investis dans les fonds de couverture, remarquait à la même époque The Economist.

L’anomalie des indices à faible volatilité

Depuis quelques années, les indices à faible volatilité ou variance minimale gagnent en popularité. Les marchés baissiers de 2000-2001 et 2008-2009 expliquent en partie cette vogue, affirment plusieurs analystes.

Ces produits à faible volatilité, qui sont supposément moins risqués qu’un indice pondéré par la capitalisation boursière, ont généralement surpassé ces derniers. Les manufacturiers ont donc exploité le filon en offrant un éventail de plus en plus large de produits à faible volatilité.

Sur une période de 20 ans, l’indice S&P 500 faible volatilité a affiché une volatilité inférieure de 30 % à l’indice S&P 500 tout en affichant des rendements de 2 points de pourcentage supérieurs, apprend-on dans l’étude menée par S&P Dow Jones Indices intitulée « S&P 500 Low Volatility Index: Low and Slow Could Win the Race », en février 2012.

Il s’agit, il faut bien le noter, de rendements hypothétiques, puisque la plupart des fonds négociés en Bourse (FNB) à faible volatilité ont été lancés depuis moins de cinq ans.

Cet effet « faible volatilité » remet donc en question le modèle d’évaluation des actifs financiers (le fameux CAPM), qui démontre que les titres plus risqués (écart-type plus élevé) génèrent de meilleurs rendements. Il va sans dire que plusieurs chercheurs ont documenté le phénomène.

Il s’agit d’une anomalie, selon John Gabriel, stratège en FNB de Morningstar. « Pour résumer les recherches à ce sujet, je dirais que ces rendements supérieurs sont en partie liés aux comportements des investisseurs », explique-t-il.

Ainsi, on aurait tendance à se procurer des actifs plus risqués et plus volatils et au bêta plus élevé en espérant obtenir un rendement supérieur (effet de loterie).

Des acteurs et de petits investisseurs, qui n’ont pas accès à certains produits plus risqués ou qui offrent un effet de levier, se contenteront d’acheter ces titres au bêta plus élevé. Cette opération cause une certaine distorsion dans le marché et avantage à long terme ces titres moins volatils en les sous-évaluant, favorisant par ricochet les stratégies de faible volatilité.

« Maintenant que cette anomalie est bien connue, il y a des chances qu’elle disparaisse. On le constate en ce moment. Les rendements de ces stratégies semblent s’essouffler, alors que de plus en plus d’investisseurs y placent leur argent en espérant en profiter », explique John Gabriel.

En décembre dernier, le magazine spécialisé Barron’s mettait d’ailleurs en garde ses lecteurs contre cet enthousiasme envers les stratégies de faible volatilité. On y soulignait que depuis 2009, le nombre de gestionnaires qui investissent dans ce type de stratégie aurait presque quadruplé (étude de Research Affiliates). Cela aurait eu pour conséquence de renchérir ces FNB.

Guy Lalonde, conseiller en placement à la Financière Banque Nationale remarque que ces produits à faible volatilité créent souvent des portefeuilles qui ont des concentrations élevées dans certains secteurs. «  Ceux qui détiennent des titres de l’indice S&P 500 faible volatilité se retrouvent par exemple très concentrés dans les entreprises de services publics qui sont plus sensibles à des mouvements brusques des taux d’intérêt comme cela a été le cas en juin dernier », note-t-il.

Ces indices se sont peut-être distingués en raison d’un environnement de baisse des taux d’intérêt depuis 30 ans, ce qui a favorisé les titres de sociétés sensibles aux taux d’intérêt. Les choses pourraient changer à l’avenir.

De même, ces titres qui ont une plus faible volatilité ont tendance à verser plus de dividendes. « Quand je souhaite investir dans un secteur en particulier, je n’ai qu’à acheter son indice. Même chose si je veux avoir des titres avec des dividendes élevés. Tous ces indices ont déjà leur propre FNB, je ne vois pas l’intérêt d’en créer de nouveaux », dit-il.

Michael Cooke, de PowerShares Canada, concède que certains FNB à faible volatilité ont été malmenés l’été dernier. Il précise toutefois que l’exposition à des titres ou à des secteurs moins favorables sera plus faible si ces actions sont plus volatiles. Elles seront éventuellement écartées du panier de titres.