L’enjeu principal : la mise en place de la technologie qui permettrait de créer un canal qui fera le lien entre les représentants en épargne collective et la Bourse de Toronto (TSX).

L’ACFNB propose d’utiliser un courtier membre de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), qui serait aussi membre d’une Bourse et qui procéderait à l’achat ou à la vente du fonds pour le compte du représentant en épargne collective.

Ce représentant passerait une commande de FNB au courtier comme il le fait pour les fonds communs, mais au lieu d’être envoyée à la firme de fonds par l’intermédiaire de FundSERV, cette commande serait envoyée au courtier via FundSERV qui lui achèterait le FNB.

L’ACFNB pense qu’elle pourra mettre ce processus en place d’ici un an.

«Il faut prendre le temps de bien comprendre ce qui doit être fait à chaque étape, de savoir de quelles données on a besoin et quel système doit être utilisé. Il faut aussi s’assurer que les fichiers sont traduits dans un format que le TSX peut recevoir», mentionne Pat Dunwoody, directrice exécutive de l’ACFNB.

Solution déjà disponible ?

À la fin d’avril, le courtier de fonds communs Mandeville Wealth Services a annoncé la mise en place d’une technologie similaire qui permet à ses représentants en épargne collective d’incorporer les FNB à leurs portefeuilles.

Dans un communiqué, Mandeville explique que ses représentants pourront négocier directement sur sa plateforme Dataphile de Broadbridge. Les transactions seront exécutées par l’intermédiaire de sa filiale Mandeville Private Client, membre de l’OCRCVM grâce à un partenariat avec le courtier Fidelity Clearing, qui lui se chargera du règlement des opérations et de la garde de valeurs.

Frank Laferriere, chef des opérations pour Mandeville, travaillait à ce projet depuis environ trois mois.

«Lorsque nous avons mis sur pied notre filiale de fonds communs, il y a un an, nous avions déjà cette possibilité en tête. Nous avions donc installé le système Dataphile, conforme aux exigences de l’OCRCVM. Il ne nous restait plus qu’à conclure l’entente de transaction et de garde de valeurs», raconte-t-il.

Frank Laferriere savait qu’un autre groupe planchait sur un projet visant à donner accès aux FNB aux représentants en épargne collective.

«Plus il y aura d’acteurs du milieu qui iront dans ce sens, mieux cela vaudra. Nous avions cependant une vision différente de la leur en ce qui a trait au procédé technologique», dit-il.

Mandeville est le premier courtier au Canada capable d’offrir cette option à ses représentants en épargne collective.

Mandeville n’a pas de courtier au Québec, mais Frank Laferriere est d’avis que sa nouvelle offre pourrait susciter l’intérêt de conseillers québécois et il souhaiterait percer le marché.

«Dès que nous mettons en place des initiatives, nous en parlons aux régulateurs concernés. Nous ferons la même chose avec l’Autorité des marchés financiers (AMF) et la Chambre de la sécurité financière (CSF) si nous nous implantons au Québec», précise-t-il.

De son côté, l’ACFNB n’était pas au courant de l’initiative de Mandeville avant que le courtier en fasse l’annonce. «Ils ont prouvé que ce que nous voulons faire est possible. Nous devons leur parler bientôt», déclare Pat Dunwoody.

Une question de juridiction

Malgré ces avancées, les régulateurs, eux, n’ont pas encore établi leur position sur le sujet. Quelles instances de réglementation doivent se prononcer ?

«Ça, c’est la question, estime Erin Seed, avocate chez Borden Ladner Gervais. Dans le cas de Mandeville, plusieurs acteurs sont impliqués. Fidelity est réglementée exclusivement par l’OCRCVM, tandis que Mandeville et ses représentants le sont par l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACCFM)et par la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO). La question politique ici est : « Qui acceptera qu’une autre juridiction prenne le dessus sur ces transactions ? »»

Il n’y a aucune restriction dans la Loi sur les valeurs mobilières quant à la vente de FNB par des représentants en épargne collective, d’après Élise Renaud, avocate associée chez Fasken Martineau.

Selon le Règlement 31-102 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites, le courtier en épargne collective peut agir à titre de courtier à l’égard des titres d’organismes de placement collectif (OPC) et des titres de fonds d’investissement de travailleurs.

«Selon la Loi sur les valeurs mobilières, un OPC est un fonds dont les parts sont rachetables, ce qui est le cas pour les FNB», explique Élise Renaud.

Néanmoins, elle estime que tôt ou tard, ces changements entraîneront des questions de réglementation.

«Les courtiers en épargne collective qui ne sont pas membres de l’OCRCVM doivent être régis par un organisme d’autoréglementation. Dans le reste du Canada, ils sont assujettis à l’ACCFM. Au Québec, les représentants sont régis par la CSF, et les firmes, par l’AMF. Ces organismes voudront-ils s’assurer que les représentants d’un courtier qui vend des FNB soient formés de façon plus rigoureuse par exemple ? Les FNB sont un peu plus risqués que les fonds communs, est-ce qu’on veut s’assurer de la compétence des gens qui vont les vendre ?»

discussions préliminaires

Les régulateurs se sont montrés peu enclins à accorder des entrevues sur le sujet.

«Un FNB, dépendamment de la façon dont il est structuré, peut être soit un OPC, soit un fonds d’investissement à capital fixe (FICF). Le courtier en épargne collective pourrait vendre des FNB qui sont considérés comme des OPC, selon la Loi sur les valeurs mobilières. Mais il ne pourrait pas vendre des FNB considérés comme des FICF», explique toutefois Sylvain Théberge, porte-parole de l’AMF, dans un courriel. Plusieurs FNB sont d’ailleurs des OPC. La CSF a indiqué qu’elle adopterait la même position que l’AMF.

L’OCRCVM a quant à elle d’abord répondu par écrit que l’organisme n’était pas responsable des courtiers en épargne collective, qu’il s’agissait d’une compétence de l’ACCFM et de consulter cet organisme. Dans un deuxième courriel, le régulateur a affirmé qu’elle avait eu «des discussions préliminaires» avec l’ACFNB.

L’ACFNB a approché de son côté les régulateurs de l’Ontario, la CVMO, l’OCRCVM et l’ACCFM, afin de connaître leur avis.

«Nous tentons d’anticiper les préoccupations. Pour le moment, nous n’avons pas frappé de mur», remarque Pat Dunwoody.

«Nous tentons de voir par exemple s’il serait possible de mettre en place deux nouveaux cours sur les FNB pour les représentants en épargne collective, que les responsables de la conformité des firmes pourraient exiger. Nous voulons aussi créer un « guide de produits » qui leur expliquerait le fonctionnement des opérations», dit Pat Dunwoody.

Dans son courriel, Sylvain Théberge note qu’au Québec, «l’article 3.4 de l’IG 31-103 vient préciser que les sociétés inscrites doivent veiller à ce que leurs représentants possèdent la compétence requise en tout temps, ce qui comprend la connaissance adéquate des FNB qui seraient offerts. Dans le cas contraire, la société inscrite ne doit pas autoriser le représentant à offrir ce type de produit».

L’ACFNB étudie aussi la réglementation et les différentes exigences des régulateurs et de la Bourse de Toronto pour s’assurer que la chaîne qu’elle veut mettre en place leur est conforme.

«Les exigences de l’OCRCVM et de la Bourse de Toronto se sont en quelque sorte davantage imposées, puisque si le but est de négocier sur la Bourse et que vous vous ne conformez pas aux règles du TSX, les transactions ne se feront simplement pas», affirme Carol E. Derk, associée chez Borden Ladner Gervais, aussi impliquée avec l’ACFNB.

Selon les collaboratrices de l’ACFNB, il est normal que les régulateurs hésitent à se prononcer publiquement sur le sujet. Ceux-ci considèrent peut-être qu’ils devraient d’abord en discuter ensemble avant de le faire officiellement.

Selon Sylvain Théberge, il serait avisé que les courtiers en épargne collective consultent l’AMF avant d’adopter de nouvelles pratiques.

«La discussion que l’ACFNB a eue avec la CVMO est probablement en train d’être abordée à l’échelle nationale, ou elle le sera bientôt dans une réunion des comités des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM)», dit Prema Thiele, associée chez Borden Ladner Gervais.

«Je ne pense pas que la CVMO fasse maintenant quoi que ce soit sans le soutien de l’AMF», ajoute Erin Seed.

«Actuellement, aucun groupe de travail des ACVM ne se penche sur ce dossier. Aucun accord n’aurait donc été donné par les ACVM», précise Sylvain Théberge par courriel.