L’escalade des menaces et ripostes commerciales entre les États-Unis et ses partenaires commerciaux fait craindre une éventuelle récession.
En même temps, le nouveau président de la Fed semble peu ébranlé par cette tempête et met l’accent sur la solide économie américaine pour rester fidèle au plan de hausse graduelle des taux.
Pas étonnant dans ces circonstances que les stratèges et leurs clients actifs se déplacent d’un marché ou d’un secteur à l’autre au gré des manchettes.
L’Amérique d’abord de Donald Trump devient plus qu’un slogan de campagne et fait revenir les capitaux aux États-Unis qui avaient fui vers l’Europe et les marchés émergents pour profiter du scénario précédent de croissance mondiale synchronisée.
Ce retour s’explique à la fois parce que l’économie américaine se porte à nouveau mieux qu’ailleurs et risque de moins souffrir que les autres des conflits commerciaux.
Le secrétaire du commerce Wilbur Ross l’a d’ailleurs évoqué dans une entrevue à CNBC en disant que «Washington doit créer un environnement par lequel il devient plus douloureux (pour nos partenaires commerciaux) de maintenir leurs barrières tarifaires que de les retirer».
La hausse promise des taux par la Fed, quant à elle, attire des capitaux aux États-Unis où les rendements obligataires sont supérieurs à ceux des autres marchés.
L’écart entre les taux américains et allemands est le plus prononcé depuis la chute du mur de Berlin en 1989, par exemple.
Le dollar américain s’est apprécié de 3,3% depuis le début de l’année.
Le pire avant le meilleur?
Comme l’explique James Barty, stratège londonien, de Bank of America Merrill Lynch, les conflits commerciaux n’ont pas encore l’intensité pour infliger d’énormes dommages à l’économie mondiale, bien qu’ils minent déjà la confiance.
«Peu importe le durcissement du discours du duo Wilbur Ross-Peter Navarro, il est dans l’intérêt de tous d’éviter une guerre commerciale majeure. Et nous avons vu l’administration pivoter rapidement lorsqu’elle obtient ce qu’elle veut», rappelle-t-il en citant le récent sommet Trump-Kim Jong-un.
Malheureusement, craint M. Barty, il faudra peut-être que l’économie ou les Bourses dérapent avant que l’occupant de la Maison-Blanche ne sente la soupe chaude, à quelques mois des élections de la mi-novembre.
« Même si le pire n’arrive pas, l’incertitude pourrait hanter les marchés tout l’été »
Le stratège protège donc les portefeuilles de ses clients à court terme à l’aide d’options sur les indices S&P 500 et FTSE 100, bien qu’il garde espoir d’une résolution à moyen terme.
Son collègue Ethan Harris, l’économiste mondial du courtier abonde: «Les probabilités d’une guerre commerciale majeure sont encore modestes, mais le risque augmente parce que les États-Unis croient qu’ils ont l’avantage sur la Chine qui exporte beaucoup plus chez elle que l’inverse. Or, la Chine a d’autres outils de rétorsion que les tarifs à sa disposition», note-t-il.
Près d’un signal d’achat?
Leur collègue new-yorkais Michael Hartnett, le stratège en chef, reste défensif à court terme jusqu’à ce que son indicateur tactique à court terme Bull & Bear lui envoie un signal d’achat.
Cet indicateur, qui prend le pouls de l’humeur des investisseurs à l’aide de six variables, fonctionne à contresens.
Son signal d’achat survient lorsque les investisseurs deviennent pessimistes et vice-versa.
Avant la récupération des Bourses le 22 juin, cet indicateur était à son plus bas en deux ans, soit 2,9, ce qui n’est pas très loin du signal d’achat de 2.
Le signal pourrait être déclenché si le S&P 500 tombait de 4% sous 2650, par exemple, ou si les pros continuaient à fuir les actions mondiales et les obligations à haut rendement, au cours des prochaines semaines, indique M. Hartnett.
La technologie: une oasis
Dans tout ce tumulte, le secteur américain de la technologie est devenu une sorte d’oasis pour les investisseurs, un terme qui évoque le danger des «mirages».
Au rythme actuel, le secteur de la technologie s’aligne pour des entrées de capitaux record de 37 milliards de dollars américains cette année.
M. Hartnett y voit une «anomalie» au moment où les investisseurs diminuent le risque de leur portefeuille comme le prescrit la remontée des taux à la fin d’un cycle économique.
Par exemple, le fonds négocié en Bourse Industrial Select Sector SDPQ (XLI 72,78$US), a perdu 5% depuis un mois.
Aussi, l’écart entre les rendements des obligations de sociétés et les obligations gouvernementales est le plus élevé en 16 mois.
La croyance populaire veut que les titans de la technologie soient moins touchés que les secteurs traditionnels dans une guerre de tarifs, à moins bien sûr qu’une récession mondiale ne s’amène.
Ces «Blue Chips» modernes sont aussi assis sur d’énormes liquidités qui rassurent pendant que les taux remontent.
À court terme, ces «atouts comparatifs» l’emportent sur des considérations macro-économiques ou même leur valorisation extrême.
Cette attraction aura éventuellement ses limites, croit M. Hartnett, puisqu’un jour les investisseurs devront vendre leurs champions pour éponger des pertes ailleurs.