Budget : il reste d'autres avantages aux fonds corporatifs
Le Moal Olivier_123RF

Les principaux avantages des fonds constitués en société demeureront cependant : celui de ne distribuer que des dividendes (déterminés ou de gain en capital) et celui de permettre la réalisation d’un gain en capital au moment où l’investisseur le choisit, c’est-à-dire à la vente des fonds. On peut dormir tranquille avec ça.

À titre d’exemple, si une société de gestion réalise des intérêts ou du gain en capital imposable à la suite d’une détention directe ou par l’intermédiaire d’un fonds constitué en fiducie, l’imposition immédiate sera de 50,57 %, dont 30,67 % seront remboursables (IMRTD) lorsqu’un dividende imposable sera versé à l’actionnaire.

Le taux final pour la société est ainsi de 19,9 %. Le taux combiné, société plus actionnaire, est donc de 55,02 %. Si vous vous demandez comment on arrive à ce taux, voici la petite formule :

Taux combiné = Tx soc. + (1-Tx soc.) × Taux perso. = 19,9 % + 0,801 × 43,84 % = 55,02 %

Pour les revenus étrangers, le calcul de l’impôt remboursable rend les choses presque indécentes… En l’absence d’autres revenus que des revenus étrangers, le taux combiné peut grimper jusqu’à 66,15 % si la retenue à la source est de 25 %, et à 61,7 % si la retenue est de 15 %.

Toutefois, si tous les placements sont détenus par l’intermédiaire de fonds constitués en société, les choses sont différentes. L’objectif de ces sociétés est de réduire à néant leur revenu imposable afin d’effectuer le moins de distributions possibles.

Les pertes engrangées dans le passé (quoique presque inexistantes maintenant) et les frais d’exploitation de toute l’entreprise viennent réduire en priorité les revenus d’intérêts et de dividendes étrangers des fonds (catégories d’actions) en ayant généré, ne laissant souvent que peu de revenu imposable, constitué de dividendes déterminés et de gain en capital.

C’est ainsi que nos taux combinés astronomiques d’imposition de revenus étrangers peuvent être convertis en taux régulier de dividende déterminé – 39,84 % au maximum – ou, mieux encore, de gain en capital imposé à 33,95 % au maximum (voir la formule ci-dessus pour arriver à ce résultat). Cela signifie une économie d’impôt qui peut aller jusqu’à 32 points de pourcentage. Bien que ce pourcentage soit théorique, dans la plupart des cas, il s’agit d’une économie de l’ordre de 15 à 20 points de pourcentage, ce qui est très important.

Retour des fonds de travailleurs

C’est le retour des taux marginaux effectifs d’imposition (TEMI) extraordinaires avec le rétablissement du crédit fédéral pour fonds de travailleurs à 15 % dès 2016. Si on considère le crédit du Québec, on obtient ainsi un crédit fiscal de 30 % pour le Fonds de solidarité FTQ et de 40 % pour Fondaction (CSN).

Par exemple, prenons une famille de deux enfants en garderie subventionnée dont le revenu familial est de 100 000 $, gagnés à 50 % par chacun des parents. Une cotisation de 5 000 $ à Fondaction génère un TEMI de plus de 87 % ! Cela signifie que le «sacrifice net» de la cotisation n’est que de 648 $, selon mes calculs avec les paramètres des derniers budgets. Vous trouvez ça élevé ?

Lorsqu’un des parents reste à la maison et que le revenu d’emploi de l’autre parent est de 52 685 $, le TEMI grimpe à 114,55 % pour une cotisation de 5 000 $ ! Cela veut dire que la cotisation a un coût NÉGATIF de 727,74 $.

Autrement dit, c’est comme si l’État déposait 5 000 $ dans un REER en plus de 728 $ dans le compte d’opérations… seulement en remplissant les bons formulaires. Le Fonds de solidarité FTQ, quant à lui, est dans la même situation, mais avec 228 $ dans le compte d’opérations. Pour une cotisation de 1 000 $, il est ainsi possible de générer un TEMI de 135 % !

Anomalies corrigées

De plus, plusieurs investisseurs vendaient leurs billets à capital protégé (ou non) avant leur échéance sur un marché secondaire, dont les sommes retournaient aux émetteurs. Cette disposition entraînait un gain en capital égal à la JVM du placement, moins son produit de base rajusté (PBR).

Le problème était que si un billet avait été conservé jusqu’à maturité, il aurait généré de l’intérêt, imposable à 100 %. À cause de la date de disposition, on pouvait donc transformer de l’intérêt en gain en capital. Dorénavant, on calculera de l’intérêt couru sur ce type de placement, et non un gain en capital. J’espère que les pertes seront, quant à elles, également déductibles à 100 %…

De plus, on a fait un ménage dans la fiscalité des polices d’assurance vie.

Les transferts entre les actionnaires et leur société n’apporteront plus d’avantage indu. En effet, on voyait souvent des actionnaires transférer leur police et être imposés sur l’excédent de la valeur de rachat sur le coût de base rajusté (CBR) de la police, alors qu’un montant égal à la juste valeur marchande (JVM) était sorti de la société.

Dorénavant, c’est la JVM moins le CBR de la police qui sera imposé, et non la valeur de rachat. Ce revenu sera imposé à 100 %, comme dans le cas où les personnes qui négocient entre elles n’ont pas de lien de dépendance.

Ce n’est pas tout… les personnes qui ont déjà profité de cet avantage se verront pénalisées dans le futur. Au décès, l’avantage reçu (JVM moins valeur de rachat) sera soustrait du compte de dividende en capital (CDC). Ceci est plus pénalisant pour la succession que si les personnes n’avaient jamais bénéficié de l’avantage.

En effet, si l’imposition s’était effectuée sur la JVM, le CBR de l’acquéreur aurait graduellement été ramené à zéro à cause de la soustraction du coût net d’assurance pure. Autrement dit, le CDC serait redevenu égal au capital-décès avec le temps, plus tard, mais tout de même… ce ne sera pas possible pour ces personnes.

On voyait aussi souvent des structures où le titulaire de la police n’était pas le bénéficiaire, par exemple une société de gestion étant le titulaire, et une société opérante, le bénéficiaire. Comme le CDC augmente du montant du capital-décès auquel on soustrait le CBR de la police, et que ce dernier appartient au titulaire, le bénéficiaire pouvait ainsi voir son CDC toujours augmenté du plein montant du capital-décès. Cette façon de faire sera désormais inutile, car quel que soit le titulaire de la police, le CBR viendra réduire le CDC.

Baisse prévue annulée

En outre, le budget annule la diminution du «petit taux» prévue jusqu’en 2020. Cela fait en sorte que le taux de 10,5 % totalisera, avec celui du Québec, 18,5 % jusqu’à nouvel ordre.

À ne pas oublier : à compter de 2017, au Québec, la perte de la déduction accordée aux petites entreprises pour les sociétés qui n’enregistrent pas 5 500 heures d’emploi au total. Elles auront un taux de 22,3 % en 2017 qui décroîtra, selon ce qui est prévu, de 0,1 point par année jusqu’en 2020, où il sera de 22 %.

Programmes sociaux bonifiés

Le remplacement de la Prestation fiscale canadienne pour enfants – ainsi que de son supplément (SPNE) – et de la Prestation universelle pour la garde d’enfants par l’Allocation canadienne pour enfants (ACE) est sans doute la modification qui aura le plus grand impact sur les familles. L’ACE, bien que moins généreuse que celle qui avait été promise en campagne électorale, enrichira souvent les familles de quelques milliers de dollars par an.

Pour les aînés, on oubliera le report progressif de l’âge normal de la retraite de 65 à 67 ans pour la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) et du Supplément de revenu garanti (SRG) qui était prévu de 2023 à 2029.

Parlant du SRG, ce dernier sera bonifié jusqu’à un maximum de 947 $ par an pour une personne seule. On se souviendra qu’en 2011, le gouvernement Harper avait introduit une bonification de 2 000 $ pour les personnes seules. Cette nouvelle bonification équivaut ainsi à une augmentation d’environ 10 % de la prestation maximale.

Il existait déjà une règle faisant en sorte que le SRG était calculé sur le revenu individuel de chaque personne dans un couple lorsque les deux conjoints vivent séparément pour des raisons hors de leur contrôle. On étendra cette règle aux couples dont l’un des bénéficiaires a entre 60 et 64 ans.