Une décélération brutale de la croissance économique au cours des trois derniers mois de 2018 a assombri les perspectives pour l’année en cours. La semaine dernière, la Banque du Canada a prédit une performance économique plus faible au cours du premier semestre de 2019.
Un scénario plus pessimiste que ses prévisions précédentes.
Malgré tout, l’économie a affiché des résultats solides durant une grande partie de l’année dernière et l’emploi est demeuré particulièrement dynamique. Certains experts prédisent que cela a été suffisant pour dégager des milliards de dollars de plus en marge de manoeuvre budgétaire au gouvernement libéral.
Avec de l’argent supplémentaire, des indices de moments plus difficiles à venir et des élections dans quelques mois, on peut s’attendre à ce que le gouvernement utilise toute la marge disponible en plaidant la nécessité de stimuler l’économie par des investissements.
L’économiste en chef de la Banque Scotia, Jean-François Perrault, a déclaré que les revenus gouvernementaux plus importants que prévu engrangés l’année dernière pourraient représenter jusqu’à cinq milliards de dollars de plus que ce qu’Ottawa avait avancé dans sa mise à jour de novembre.
Des sommes qui pourraient se traduire en nouvelles dépenses préélectorales, voire en baisses d’impôt.
« C’est un mélange vraiment fascinant de défis politiques et d’incertitude sur le plan économique », a commenté M. Perrault, ancien sous-ministre adjoint du ministre des Finances Bill Morneau.
« Le gouvernement Trudeau est clairement plus en difficulté en ce moment (sur le plan politique) qu’il ne l’était il y a six mois. Ils vont probablement chercher quelque chose dans le budget qui pourrait augmenter leurs chances d’être réélus », a-t-il ajouté.
L’économiste en chef de la CIBC, Avery Shenfeld, estime également que les libéraux se trouvent dans une position de départ solide sur le plan financier, mais que les prévisions sont défavorables.
« En un sens, il y a de bonnes et de mauvaises nouvelles sur le plan fiscal », affirme M. Shenfeld, soulignant aussi l’importance du facteur électoral sur les décisions budgétaires.
« Je m’attends à ce que des chèques soient envoyés quelque part. N’oubliez pas que lors des dernières élections, le parti qui a gagné est celui qui ne promettait pas d’équilibrer le budget… Le récent affaiblissement de l’économie n’est qu’une raison de plus pour s’attendre à un budget qui distribue quelques bonbons. »
Bill Morneau a déjà déclaré que son quatrième budget viserait à aider les travailleurs à acquérir les compétences dont ils ont besoin et à assurer l’optimisme des aînés face à leur avenir. Le gouvernement chercherait aussi des moyens de rendre l’accès à la propriété plus abordable pour les milléniaux.
Les libéraux ont également l’intention d’utiliser le budget pour démontrer comment ils vont atteindre leurs deux principaux objectifs en matière d’assurance-médicaments: réduire les coûts et assurer une meilleure couverture universelle.
Le budget offrira également une mise à jour de l’état de compte fédéral, ce qui pourrait s’avérer un sujet de préoccupation important pour de nombreux électeurs.
Le bilan financier des libéraux a régulièrement fait l’objet de critiques de la part de l’opposition et de certains économistes. Les conservateurs ont notamment dénoncé les libéraux pour avoir renié leur promesse électorale de 2015 qui prévoyait de se contenter de légers déficits annuels jusqu’à l’équilibre budgétaire en 2019.
Au lieu de cela, les libéraux ont présenté des déficits financiers de plus de 18 milliards de dollars (G$) au cours des deux dernières années, sans prévoir de retour à l’équilibre budgétaire.
Dans la mise à jour de novembre, le gouvernement prévoyait d’autres déficits de 18,1 G$ en 2018-2019, de 19,6 G$ en 2019-2020 et de 18,1 G$ en 2020-2021.
Le ministre Bill Morneau a préféré porter son attention vers la réduction du ratio de la dette nette par rapport au PIB – une façon de démontrer le fardeau de la dette par rapport au poids de l’économie nationale.
Brian DePratto, économiste principal à la TD, rappelle comment, dans les budgets précédents, les libéraux ont profité des « dividendes de la croissance », quand l’économie a dépassé les attentes de performance. La marge de manoeuvre budgétaire supplémentaire leur a permis de dépenser sans affecter le ratio dette-PIB.
Cette fois, cependant, les choses sont différentes parce que la situation économique globale s’est « clairement dégradée », a-t-il mis en garde.
« C’est un peu drôle, car il y a plusieurs courants différents qui poussent en même temps et qui changent le portrait qu’on a vu dans les dernières années », a observé M. DePratto.