La banque fait l’objet présentement d’une très mauvaise presse à la suite de son aveu il y a quelques semaines qu’elle acceptait de verser 185 millions de dollars américains (M$ US) en pénalité parce que des employés créaient de toutes pièces depuis des années des milliers de comptes fictifs afin de toucher des primes de performance. Le cours de l’action s’est délesté de près de 12% depuis cette annonce.
Pourtant, Wells Fargo jouissait d’une situation enviable. «Depuis la crise financière, elle était la darling des banques américaines et se négociait à prime comparativement à toutes ses concurrentes», dit Pierre Trottier, gestionnaire de portefeuilles et spécialiste du marché américain pour l’Industrielle Alliance.
«C’est elle qui a le mieux traversé cette période trouble. Elle en avait profité pour réaliser une des meilleures acquisitions de l’histoire bancaire américaine lorsqu’elle a acheté Wachovia en octobre 2008 pour 15 G$, au plus fort de la tourmente, battant de vitesse sa rivale Citigroup», rappelle-t-il.
Au pire de la crise financière, le 9 mars 2009, l’action de Wells Fargo, dont le principal actionnaire est Warren Buffett, valait moins de 10$US. À l’été 2015, le titre se négociait à 56$US. Actuellement, il ne cote que 45$US, et il se retrouve dans une situation très inquiétante, selon Monica Rizk, analyste senior chez Phases & Cycles et experte en analyse technique.
Le cours de l’action se trouvait déjà depuis un an dans une nette tendance à la baisse, selon elle. Qui plus est, c’est la troisième fois depuis le sommet de l’été dernier que le titre glisse jusqu’au niveau de 45$US, où il se retrouve nettement en-deçà de ses moyennes mobiles.
«Le cours de l’action est assis sur une zone de support critique, et celle-ci doit absolument tenir», dit l’analyste. À défaut de quoi, le titre pourrait perdre un autre 10$US assez rapidement, niveau à partir duquel il tentera alors de se stabiliser, estime-t-elle.
Wells Fargo se retrouve aujourd’hui sur le banc des punitions, et il va falloir du temps pour qu’elle regagne ses lettres de noblesse, craint Pierre Trottier.
Une réponse musclée nécessaire, mais…
Pour se remettre sur la bonne voie, il faudrait une approche musclée de la part de la direction, mais celle-ci est absente pour l’instant, indique le gestionnaire. «Tout ce que le président a fait jusqu’à maintenant a été de jeter le blâme sur les employés lors d’un témoignage devant le Sénat», dit-il. Il doit maintenant se présenter devant le Congrès.
Rappelons que Warren Buffett, dont la perte sur papier causée par la récente baisse du cours de l’action se chiffre à quelques milliards de dollars, avait utilisé son poids médiatique pour soutenir JPMorgan Chase et Goldman Sachs lorsque celles-ci ont eu à faire face à des problèmes d’image ces dernières années. Pour l’instant, il s’abstient de commenter la situation de Wells Fargo, tout comme celle de l’élection présidentielle.
La zone de support sur laquelle le cours du titre s’appuie pour l’instant tiendra-t-elle? Pierre Trottier croit que oui. «L’évaluation boursière est maintenant mieux alignée avec celle des autres grandes banques et Wells Fargo continue de profiter d’un positionnement géographique enviable», dit-il. Le risque de baisse additionnelle est maintenant limité, selon lui.
La sanction de 185 M$ imposée à Wells Fargo n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan si on la compare à celle de 6 G$ US qu’a dû débourser JPMorgan pour le désormais célèbre scandale du London Whale, note Jean-Philippe Bouchard, gestionnaire de portefeuilles chez Giverny Capital, qui se dit optimiste pour la suite des événements.
L’évaluation boursière de Wells Fargo est maintenant inférieure à 11 fois les bénéfices prévus et la banque offre un excellent dividende de 3,4%, rappelle M. Bouchard. «Le cours actuel offre une excellente occasion d’achat, car on va vite passer à autre chose.»