Après presque 11 ans à la tête du bas de laine des Québécois, le gestionnaire de 66 ans a annoncé, mardi, qu’il se joindra à l’Université de Toronto, à titre de dirigeant de la Munk School of Global Affairs and Public Policy.
« La Caisse et ses équipes n’ont jamais été aussi solides, en position de force pour saisir les meilleures opportunités », a souligné M. Sabia, par voie de communiqué, ajoutant qu’il était temps de passer à un autre « défi ».
En février 2017, son mandat avait pourtant été une fois de plus renouvelé avec une échéance prévue le 31 mars 2021, ce qui devait permettre au patron de la CDPQ d’être présent lors de la mise en service du Réseau express métropolitain (REM), l’un de ses principaux chantiers.
La Caisse est déjà à la recherche de la personne à qui l’on souhaite confier les rênes. Cela permettra à Québec d’entériner la nomination dès le début de 2020.
Selon le directeur général de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP) et ex-haut dirigeant de la Caisse, Michel Nadeau, des candidats potentiels ont probablement déjà été identifiés.
« Si M. Sabia part en février, c’est parce que l’on a déjà des personnes en tête, a-t-il expliqué au cours d’un entretien téléphonique. On sent que le gouvernement préférerait avoir une autre personne. »
Dans les couloirs de l’Assemblée nationale, le premier ministre François Legault a vanté le travail du président de la Caisse, le qualifiant d’« excellent gestionnaire », de « gros travaillant » et d’« homme brillant ».
Pour sa part, le ministre des Finances, Eric Girard, a rejeté la thèse voulant que le départ de M. Sabia soit associé à la volonté du gouvernement caquiste de placer son candidat dans la chaise de président de la CDPQ.
« Mon approche, c’était de lui dire que j’aurais voulu qu’il reste plus longtemps, a-t-il dit en mêlée de presse. S’il avait voulu rester plus longtemps, il aurait pu rester plus longtemps. »
Eric Girard, qui croit que la Caisse est « mûre » pour être dirigée par une femme, a estimé que la personne choisie devra être en mesure de gérer une période où il y « aura éventuellement des marchés baissiers » et où les portefeuilles devront « être résilients et bien se comporter ».
Arrivée tumultueuse
Nommé en mars 2009 au terme d’un passage à la tête du conglomérat de télécommunications BCE, M. Sabia était arrivé à la CDPQ alors que l’institution était secouée par la crise financière, ce qui s’était notamment traduit par des pertes de 40 milliards de dollars (G$) l’année précédente.
Son arrivée avait fait l’objet de critiques à l’époque, puisque le principal intéressé n’était pas originaire du Québec.
« Il a marqué la Caisse en mettant l’accent sur la réduction de la volatilité dans les rendements, a estimé l’expert en gouvernance et professeur à l’Université Concordia Michel Magnan, en entrevue téléphonique. Il a été embauché pour restaurer la confiance à l’endroit de l’institution. Là-dessus, je pense qu’on ne peut pas dire le contraire. »
Sous la gouverne de M. Sabia, la Caisse a fait valoir qu’elle a livré des « rendements solides et durables » de 9,9 % sur 10 ans, tandis que la taille de son actif a presque triplé, pour atteindre 326,7 G$.
Au cours de la dernière décennie, l’institution s’est diversifiée, en se tournant notamment vers des secteurs comme les infrastructures et les placements privés, tout en poursuivant ses investissements en immobilier et en ajustant sa stratégie.
« Il a confondu les sceptiques, moi le premier », a dit M. Nadeau, qui estime que le mandat du patron de la Caisse s’est déroulé en « deux temps ».
Pour le directeur général de l’IGOPP, M. Sabia a passé les premières années à réduire le risque du portefeuille de la CDPQ, avant de relancer l’expansion à l’international, la Caisse compte maintenant 10 bureaux à l’étranger, en plus de mettre davantage d’accent, un peu tardivement, sur les investissements au Québec.
À la fin de 2018, l’exposition de la Caisse aux marchés mondiaux était de 64 %, par rapport à 36 % en 2009. Au 31 juin, l’institution comptait pour 64 G$ d’investissements en actifs réels.
Un défi
Messieurs Nadeau et Magnan estiment par ailleurs que la présence québécoise au sein de la direction de l’institution figurera parmi les principaux défis de la personne qui succédera au président actuel.
« Plus la Caisse est grosse, plus vous allez avoir d’étrangers dans la direction, a souligné M. Magnan. C’est différent par rapport à il y a 15 ans lorsqu’il n’y avait pratiquement que des Québécois dans les comités de direction. Ce n’est plus le cas. Il y a cette dualité qui entrera en ligne de compte. »
L’an dernier, M. Sabia avait vu sa rémunération globale s’établir à 3,87 M$, en hausse de 11,5 % comparativement à 2017. Comme cela a été le cas au cours des dernières années, son salaire de base était demeuré identique, à 500 000 $.
Michael Sabia ne touchera pas d’indemnité de départ même s’il quitte ses fonctions plus tôt que prévu, a affirmé la CDPQ.