« Quelqu’un qui a travaillé à l’étranger amène beaucoup de diversité dans une organisation, incluant des points de vue et des approches décisionnelles différents », explique Normand Lebeau, président de Mandrake à Montréal. Celui-ci a recensé près de 3000 cadres exécutifs québécois installés à l’étranger, qu’il n’hésite pas à solliciter lorsque des entreprises locales lui confient un mandat.
Au moment où le Québec est confronté à une pénurie de main-d’œuvre, « depuis l’individu devant cueillir des bleuets au Lac St-Jean jusqu’au président de compagnie », l’initiative offre de nombreux avantages, explique Normand Lebeau. « D’abord, en offrant à nos clients des candidats issus de l’extérieur, qui ne figurent pas au nombre des candidats habituellement présentés, ça élargit le ‘‘pool’’ de candidats ».
Puis, il y a l’incontournable fait français. « Au Québec, il faut qu’on engage des gens qui parlent français. Alors oui, on peut trouver un exécutif britannique qui est basé en Afrique du Sud, mais s’il ne parle pas français, ce n’est pas vraiment alléchant ou pertinent pour nos clients. Mais si à l’inverse on dit : cet exécutif est à Londres, mais il est francophone et québécois, alors ça fait ouvrir les yeux », dit-il dans un entretien avec Finance et Investissement.
Normand Lebeau spécifie « Québécois », parce qu’un Français, bien qu’il soit francophone, aura néanmoins à s’intégrer à une nouvelle culture, ce qui représente une couche de difficultés additionnelles. « À l’inverse, lorsqu’on parle d’un Québécois, qu’il soit basé à Singapour, en Australie ou en Allemagne, on n’a pas à lui expliquer très longtemps les trois éléments qui sont habituellement les principales raisons qui expliquent qu’une personne refuse de venir s’installer au Québec : les taxes, la langue et le climat. Le Québécois, il est au courant de tout ça et il n’y a pas ce choc de culture. Alors quelqu’un venant de Suisse, Belgique, France ou Congo, il parle français, mais ça s’arrête là. »
Selon Normand Lebeau, les exemples de gens du domaine des finances qui ont quitté le Québec il y a plusieurs années pour aller vers des endroits où les opportunités étaient plus importantes ne manquent pas. Ils représentent aujourd’hui de beaux candidats.
Il cite en exemple Vincent Duhamel qui a passé 20 ans à Hong Kong avant d’être recruté par Jean-Guy Desjardins, le fondateur de Fiera Capital. Celui-ci l’a nommé président et chef de l’exploitation globale de la firme à l’automne 2017. « Ce n’est pas moi qui ai fait revenir Vincent au Québec, mais ce qu’il m’a dit c’est : câline, il fait froid l’hiver ici ! Mais il en est revenu rapidement parce qu’il vient d’ici et savait très bien à quoi s’attendre », dit-il en riant.
Dans sa banque de 3000 candidats, Normand Lebeau évalue entre 15 à 20 % le nombre de gestionnaire de portefeuille ou de cadre exécutif évoluant dans le milieu financier. Ainsi, bien qu’il soit plutôt actif dans l’industrie manufacturière, il confirme avoir réalisé quelques mandats dans le domaine financier où des candidats québécois possédant le profil recherché ont été identifiés à Londres, à Singapour et en Allemagne, puis présentés au client.
En 2014, Normand Lebeau a été nommé à la présidence de l’International Executive Search Federation (IESF), un réseau international d’entreprises en recrutement de cadres regroupant des firmes de recherche de cadres exécutifs composé de 80 bureaux situés dans 22 pays. Il est en voie de terminer son mandat.
« J’ai parlé de ce phénomène à mes partenaires des autres pays et ça a attiré l’attention. Depuis près de deux ans, plusieurs d’entre eux sont aux aguets de CV de candidats canadiens-français ou même de Québécois anglophones, mais qui parlent français, basés dans leur pays respectif et qui peuvent bonifier notre base de données », explique-t-il.
Montréal prend du lustre
Normand Lebeau identifie trois pôles pour lesquels Montréal est reconnue, qu’elle peut se positionner comme un leader international et qui sont susceptibles d’attirer des gens de l’extérieur, désireux de voir leur carrière se développer ici. Il s’agit des secteurs de l’aéronautique, du jeu vidéo et maintenant, de l’intelligence artificielle et de la technologie.
« Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’autres secteurs qui attirent du très bon talent, par exemple le secteur financier, mais ces trois domaines attirent présentement le meilleur talent de la planète. Les gens de partout sont intéressés à regarder ce que Montréal a à dire sur ces sujets », lance-t-il.
L’activité économique canadienne retient pas mal l’attention aux quatre coins du monde, affirme Normand Lebeau. « Dans ce contexte, lorsqu’on parle aux Québécois installés à l’étranger, s’ils ont le choix, ils vont vouloir venir à Montréal alors qu’auparavant, ils préféraient aller à Toronto. Bien sûr, le nombre d’opportunités demeure encore plus important à Toronto qu’à Montréal, mais aujourd’hui, le bassin des opportunités est en croissance à Montréal et elles intéressent les candidats potentiels », constate-t-il.