Les libéraux de Justin Trudeau ont survécu à une nouvelle élection lundi avec suffisamment de sièges pour former un gouvernement minoritaire, ce qui pourrait entraîner une hausse des impôts pour les grandes banques et des taxes sur les achats de luxe.
Les libéraux étaient en tête ou élus dans 158 sièges à 2h57 du matin, selon La Presse Canadienne – un seul de plus qu’ils ont gagné en 2019 et une douzaine de moins que les 170 nécessaires pour une majorité. Le Parti conservateur d’Erin O’Toole était en tête ou élu dans 121 sièges, comme en 2019. Le NPD de Jagmeet Singh était en tête ou élu dans 26, soit un gain de deux sièges, tandis que le Bloc québécois d’Yves-François Blanchet était en baisse d’un siège, à 31. Les Verts, qui ont élu trois députés en 2019, sont en baisse à deux.
Il reste également près de 800 000 bulletins de vote par correspondance à dépouiller, à partir d’aujourd’hui, rendant incertains les résultats préliminaires dans de nombreux sièges.
Les libéraux ont déclenché les élections en août dans l’espoir d’obtenir un gouvernement majoritaire grâce à leur réponse à la pandémie. Au lieu de cela, ils se sont retrouvés dans une course serrée, talonnant même parfois les conservateurs d’O’Toole dans les sondages. Les libéraux devront ainsi continuer à compter sur l’appui d’au moins un autre parti pour faire adopter des lois à la Chambre des communes.
La réélection du gouvernement libéral pourrait avoir un impact sur le bénéfices des banques. Le parti s’est engagé à faire passer le taux d’imposition des sociétés pour les banques et les compagnies d’assurance de 15 % à 18 % sur tous les bénéfices supérieurs à 1 milliard de dollars (G$), et ces institutions contribueraient également à un Fonds de dividendes du Canada. Ensemble, ces deux mesures permettraient de recueillir environ 10 G$ sur quatre ans, selon le programme du parti.
Les libéraux ont justifié cette politique en soulignant les programmes d’aide gouvernementaux tels que la subvention salariale d’urgence du Canada et la prestation de redressement du Canada, qui, selon eux, ont permis d’éviter les faillites et les pertes de crédit, et « ont protégé notre secteur financier du pire de la pandémie ».
Les grandes banques ont déclaré d’importants bénéfices cette année, en partie grâce à la baisse des provisions pour pertes sur prêts, les réserves constituées au début de la pandémie pour absorber les pertes de crédit n’ayant pas été nécessaires. Les investisseurs ont anticipé une augmentation des dividendes et des rachats d’actions lorsque les restrictions liées à la pandémie seront levées, et certaines banques ont indiqué qu’elles envisageaient des acquisitions potentielles aux États-Unis. Une hausse de l’impôt sur les sociétés pourrait affecter ces plans.
Du côté des taxes, les libéraux pourraient agir sur une promesse de la campagne électorale de 2019 : la taxe de luxe. Juste avant le déclenchement des élections en août, le ministère des Finances a annoncé des consultations sur la conception de la nouvelle taxe qui s’appliquerait à la vente de voitures et d’avions de luxe neufs dont le prix de vente au détail est supérieur à 100 000 $, et de bateaux neufs qui coûtent plus de 250 000 $.
Ils se sont également engagés à augmenter les ressources de l’Agence du revenu du Canada jusqu’à 1 G$ par an pour lutter contre « la planification fiscale agressive et l’évasion fiscale » et combler l’écart fiscal. Les personnes qui gagnent le plus d’argent seraient assujetties à un impôt minimum de 15 %, ce qui éliminerait leur « capacité à ne pas payer d’impôt de façon artificielle par un recours excessif aux déductions et aux crédits », selon le programme libéral. Cet impôt devrait rapporter 1,7 G$ sur cinq ans.
Pour les clients handicapés, attendez-vous à ce que les libéraux avancent sur la question de la prestation d’invalidité du Canada, un paiement mensuel direct pour les Canadiens handicapés à faible revenu âgés de 18 à 64 ans. Les libéraux ont déposé un projet de loi pour la nouvelle prestation la veille de l’ajournement du Parlement en juin, et il faudrait qu’il soit réintroduit dans un nouveau Parlement.
Les libéraux ont également déclaré qu’ils examineraient le crédit d’impôt pour personnes handicapées et d’autres prestations et programmes fédéraux pour s’assurer qu’ils sont accessibles aux personnes ayant des problèmes de santé mentale.
En ce qui concerne le logement, les acheteurs potentiels pourraient bientôt avoir accès à un nouveau compte d’épargne à l’abri de l’impôt. Le compte d’épargne pour l’achat d’une première maison proposé par les libéraux combinerait les caractéristiques d’un REER et d’un CELI pour aider les Canadiens de moins de 40 ans à constituer plus rapidement une mise de fonds pouvant atteindre 40 000 $.
Le parti a également déclaré qu’il doublerait le crédit d’impôt pour l’achat d’une première maison, qu’il introduirait une « taxe anti-flipping » sur la spéculation des maisons résidentielles, exigeant que la propriété soit détenue pendant au moins 12 mois, qu’il interdirait toute nouvelle propriété étrangère de maisons canadiennes au cours des deux prochaines années et qu’il mettrait en place une taxe annuelle de 1 % sur les logements vacants appartenant à des non-Canadiens non-résidents (le ministère des Finances a lancé des consultations sur cette mesure, proposée dans le budget de 2021, juste avant les élections).
Les investissements immobiliers pourraient également faire l’objet d’un examen plus approfondi. Les libéraux ont fait campagne pour revoir le traitement fiscal des grandes sociétés propriétaires de biens résidentiels comme les FPI (REITs) et mettre en œuvre des politiques visant à « freiner les profits excessifs. »
Un autre gouvernement minoritaire
Les libéraux, n’ayant pas réussi à obtenir la majorité tant convoitée, devront à nouveau compter sur le soutien d’autres partis pour gouverner. En matière de dépenses, les libéraux n’ont eu aucun mal à adopter des mesures pandémiques, et les conservateurs ont fait campagne sur des déficits similaires. Un rapport publié la semaine dernière par Rebekah Young, directrice de l’économie fiscale et provinciale chez Scotiabank Economics, a noté une convergence des politiques au cours de la campagne, avec « un biais vers plus de dépenses » et des ancrages fiscaux « largement inexistants ».
Les libéraux pourraient avoir besoin du soutien du NPD au Parlement, qui a fait campagne sur une augmentation de l’impôt sur les sociétés – y compris un « impôt sur les bénéfices excédentaires » temporaire de 15 % lié aux gains de la pandémie – ainsi que sur un impôt sur la fortune et un taux d’inclusion des gains en capital de 75 %.
Voici d’autres promesses libérales qui pourraient intéresser les clients si elles se concrétisent :
- Un « crédit d’impôt pour l’allongement de la carrière » pour les aînés qui travaillent. Les Canadiens de plus de 65 ans qui gagnent au moins 5 000 $ à leur emploi pourront éliminer l’impôt à payer sur une partie de leur revenu et recevoir un crédit d’impôt pouvant atteindre 1 650 $. (Le Québec dispose d’un tel crédit pour les personnes âgées de plus de 60 ans).
- Une extension de la déduction pour frais de résidence pour ceux qui travaillent à domicile, le montant déductible étant porté à 500 $ sans reçu.
- Une nouvelle agence nationale chargée d’enquêter sur les crimes financiers qui regrouperait la GRC, le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières et l’ARC.
- Un régime modernisé de règles générales anti-évitement pour empêcher les banques et les compagnies d’assurance d’utiliser « des structures étagées comme une forme de planification fiscale des entreprises qui fait passer des bénéfices d’origine canadienne par des entités situées dans des juridictions à faible taux d’imposition afin de réduire les impôts au Canada ».
- L’élimination des actions accréditives pour les projets pétroliers, gaziers et charbonniers afin de promouvoir la transition vers une économie nette zéro émission.
- Une déduction fiscale unique pour les professionnels de la santé au cours de leurs trois premières années d’exercice, jusqu’à concurrence de 15 000 $.
- Un crédit canadien pour aidants naturels élargi qui deviendrait une prestation remboursable et non imposable.
- Augmenter supplément de revenu garanti de 500 $ pour les aînés célibataires et de 750 $ pour les couples à partir de 65 ans.
- Doubler le crédit d’impôt pour l’accessibilité des résidences, pour le porter à 20 000 $.
- Établir un ombudsman unique et indépendant ayant le pouvoir d’imposer un arbitrage exécutoire pour traiter les plaintes des consommateurs concernant les banques.
- Accroître les pouvoirs de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada pour qu’elle puisse examiner les prix pratiqués par les banques et apporter des changements s’ils sont excessifs.