Cela demande une très grande disponibilité, c’est-à-dire qu’il faut être prêt à les rencontrer le soir ou en matinée – même avant 8 heures -, et ce, aussi bien au cabinet financier, à domicile qu’à la clinique.
«Souvent, le médecin appelle entre deux consultations ou à l’heure du dîner. Il s’attend donc à ce que vous le rappeliez rapidement et à ce que quelqu’un assure le service à l’heure du lunch…» note Robert Comtois, planificateur financier et représentant en épargne collective chez Fonds FMOQ.
De plus, ces professionnels n’ont tout simplement pas le temps de se tracasser pour déchiffrer des papiers ou le jargon financier. Le représentant doit donc être clair et précis.
Ce dernier doit leur transmettre ses connaissances dans des termes qu’ils peuvent comprendre, ce qui n’est pas toujours facile, puisque le représentant peut proposer des structures financières complexes comme l’incorporation de la pratique du médecin et la détention des actions de cette société dans une fiducie familiale.
Ce manque de temps pousse aussi ces professionnels à privilégier les «guichets uniques», car consulter cinq ou six experts de différents domaines est prenant.
«Le plus simple, c’est de permettre au client de rencontrer ces experts en même temps, dans votre bureau, note Martin Poitras, directeur régional adjoint chez Gestion MD, et de superviser le règlement de toutes ces questions.»
Le conseiller doit être en quelque sorte le quart-arrière de chacun des besoins. «Il ne faut pas vous occuper seulement des placements en disant au médecin de chercher les autres services ailleurs, convient Robert Comtois. Il faut plutôt vous entourer de spécialistes pouvant intervenir sur des éléments particuliers.»
«D’autre part, vous devez être capable de les faire agir, ajoute Martin Poitras. En effet, lorsque le temps manque, les finances personnelles ne sont pas toujours une priorité.»
Dans le cas du médecin qui n’a pas encore souscrit une assurance invalidité, par exemple, cela peut tout changer.
L’expertise
Devenir le quart-arrière du client implique également qu’on comprenne ses besoins dans les différentes sphères de sa pratique et qu’on sache comment bien les combler.
Ainsi, les étudiants en médecine ont souvent des dettes d’études importantes qui se chiffrent dans les dizaines, voire les centaines de milliers de dollars. Or, après leurs études, ils deviendront résidents et gagneront environ 50 000 $ par an pendant une période de deux à cinq ans selon le domaine de spécialisation.
Il est donc important de commencer rapidement la planification budgétaire pour rembourser les emprunts et commencer à épargner.
«En revanche, si le médecin est au commencement de sa carrière, vous devez déterminer la structure de fonctionnement la plus avantageuse financièrement, dit Martin Poitras. Les placements, la retraite et la succession viendront plus tard…»
L’incorporation
Lorsque le médecin lance sa pratique, il gagne généralement 200 000 $ ou plus par an. Son conseiller devra alors déterminer si son client aurait avantage à être travailleur autonome, à incorporer sa pratique ou à mettre sur pied une fiducie familiale.
L’incorporation est souvent la solution retenue, car les premiers 500 000 $ de revenus imposables sont taxés à un taux de 19 % dans une société.
Toutefois, avant d’aller de l’avant, le médecin doit remplir deux conditions : être en mesure de fractionner le revenu avec des membres de sa famille âgés de plus de 18 ans, et avoir une bonne capacité d’épargne.
«En effet, si le médecin sort tout le capital dans l’année, la société est obsolète», explique Robert Comtois.
De plus, pour réaliser l’incorporation, le représentant doit maîtriser les règles qui encadrent cette structure. Celles-ci sont établies à la fois par le Collège des médecins du Québec, par les autorités fiscales du Québec et par celles du Canada.
Par ailleurs, il doit se conformer aux lois et à la jurisprudence fiscale qui portent sur ladite société.
«Par exemple, cette structure offre une bonne marge de manoeuvre quant aux placements qui peuvent être achetés», dit Martin Blais, spécialiste en gestion de patrimoine chez Invisio Patrimoine Conseil.
«Il est même possible d’y détenir un immeuble à revenu, ajoute-t-il. Cependant, si les règles devaient se durcir, vous pourriez être obligé de mettre en place parallèlement une société de gestion. Cela aurait pour effet de complexifier la structure et d’augmenter les frais d’exploitation.»
En fait, vous devez en savoir assez à la fois pour bien tirer les ficelles et être conscient de vos limites. Rares sont les conseillers qui ont les connaissances nécessaires pour réaliser l’incorporation de A à Z.
Il est normal de faire appel à un avocat, à un fiscaliste ou à un comptable pendant le processus.
De même, lorsque vient le moment de décider si le médecin touchera un salaire, des dividendes ou une combinaison des deux, le représentant pourrait avoir à recourir aux services d’un actuaire.
«Des études actuarielles ont démontré que dans la plupart des cas, le versement de dividendes seulement est plus avantageux, dit Martin Blais, car si le médecin touche un salaire, il y aura des déductions à la source.»
Toutefois, il y a des exceptions. «Par exemple, continue-t-il, s’il s’agit d’un jeune médecin en début de carrière qui désire avoir des enfants, il faut s’assurer qu’une partie de la rémunération soit composée d’un salaire. Car pour bénéficier du régime d’assurance parentale, il faut y avoir contribué.»
Le conjoint
La présence d’un conjoint dans l’équation viendra aussi compliquer les choses. «Vous devez l’inclure rapidement dans une stratégie de fractionnement de revenu notamment, ce qui réduira la note fiscale», souligne Charles-Étienne Giguère, planificateur financier et président du Groupe Faire.
Pour fractionner les revenus du médecin, le partenaire de vie pourrait avoir à détenir des actions de la société, dont il tirera des dividendes.
«Il ne pourra toucher un salaire que s’il travaille réellement pour le médecin», précise Martin Blais.
Cependant, en suggérant au médecin de remettre les actions de sa société au conjoint, le représentant ne doit pas perdre de vue le fait que cette relation pourrait prendre fin un jour.
«Il est donc important de rédiger une convention d’actionnaires pour prévoir les conditions de rachat des parts advenant une séparation, dit Martin Blais. Et comme seul le médecin peut posséder cette société, c’est lui qui devra les racheter.»
Par ailleurs, si le médecin et son conjoint touchent uniquement des dividendes, ils n’accumuleront pas de droits de contribution au REER.
«Dans un cas extrême, le médecin pourrait louer une maison et posséder une voiture, explique Martin Blais. Seule la voiture serait partageable en cas de divorce, à moins que le couple ne soit marié en société d’acquêts, un régime matrimonial qui implique le partage du capital accumulé dans la société.»
Naturellement, vous devez soumettre ces questions au couple pour le faire réfléchir. «Vous devez déterminer une méthode de partage qui soit comprise et acceptée par les deux conjoints», remarque Charles-Étienne Giguère.
Il reste que parler de rupture demande un certain doigté, surtout lorsque le couple est nouvellement marié…