Avant d’analyser les impacts d’une telle mesure, regardons les grandes règles touchant le fractionnement de revenu de retraite qui s’appliquent depuis 2007.

Tout d’abord, mentionnons que le fractionnement de revenus est applicable sur les «revenus de pension» admissibles.

Ces revenus sont, au fédéral, les rentes provenant d’un RPA ainsi que les retraits d’un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR). Aux fins fiscales, un fonds de revenu viager (FRV) est un FERR. Au Québec, on peut y ajouter les retraits d’un régime de participation différée aux bénéfices (RPDB) et d’un REER.

Afin d’être admissible au fractionnement, le client rentier doit recevoir le revenu dans une année où il est âgé d’au moins 65 ans au 31 décembre à moins qu’il s’agisse d’une rente issue d’un compte dont le conjoint était titulaire à la suite du décès de ce dernier.

Pour ces paiements ainsi que pour les rentes provenant de RPA (régimes de pension agréés), l’âge n’a pas d’importance au fédéral.

Le montant pouvant être attribué au conjoint doit être égal ou inférieur à 50 % du montant fractionnable. De plus, le choix du montant peut différer au fédéral et au Québec. Les montants ainsi attribués au conjoint ouvrent droit aux crédits pour revenu de pension aux deux paliers de gouvernement.

85 000 ménages touchés

C’est surtout sur ce plan que les règles ont changé au Québec dans le dernier budget. Alors que le Québec permettait le fractionnement de revenus avant 65 ans, ce dernier ne sera désormais plus possible à compter de cette année et cela inclut les rentes provenant de régimes de retraite.

En corrigeant cette «iniquité», Québec augmentera l’impôt de 85 000 ménages québécois qui bénéficient actuellement d’un avantage fiscal évalué à 52 M$ pour l’année financière 2014-2015.

Il y a donc des perdants dans ce budget : les personnes profitant du fractionnement de revenus avant l’âge de 65 ans. Il s’agit donc de personnes qui ont pris une retraite avant 65 ans et qui bénéficient d’une rente de leur régime de retraite de l’employeur. Certains se sont plaints de cette situation… le ventre quand même assez plein… pour la plupart.

Analysons quelques scénarios afin de mesurer l’impact de l’abolition de ce fractionnement. Le tableau «Perte sèche due aux nouvelles règles» indique, pour différents niveaux et répartitions de revenus dans un couple, l’impact de cette mesure pour un couple de clients.

On constate donc qu’un couple ayant un revenu de retraite de 100 000 $ accuse une perte maximale de moins de 2 500 $ par an.

Toutefois, aujourd’hui, il est plutôt rare qu’un seul conjoint gagne la totalité ou presque des revenus d’un couple.

Il semble donc que les deux premières colonnes ne s’appliquent pas souvent. L’impact le plus significatif se fait sentir sur un revenu familial de 25 000 $. En fait, ce n’est pas le montant d’impôt qui varie, mais la cotisation au Fonds des services de santé (FSS). La cotisation FSS est payée sur la déclaration de revenu chaque année mais, en théorie, ce n’est pas de l’impôt. Les revenus de travail sont exclus de cette cotisation, mais pas les revenus de retraite.

Il s’agit donc d’un impact de moins de 1 000 $ pour la très grande majorité des couples. Et si les couples dont le revenu de retraite fractionnable est de 100 000 $ (en plus des autres sources de revenus) ont un budget si serré qu’ils en sont à 1 000 $ près (avant 65 ans, je le rappelle), je me demande pourquoi ils ont décidé de prendre leur retraite…

La prochaine fois que vous entendrez des clients dire qu’ils sont victimes d’une injustice en raison du changement effectué par Québec, rappelez-leur simplement que la situation était injuste avant ce budget, alors que les bénéficiaires de régimes de retraite à prestations déterminées avaient droit au fractionnement de revenu, et les autres non.

Il reste au gouvernement fédéral de le comprendre…