Pour gérer le risque de longévité, les clients peuvent épargner davantage et trouver les moyens de faire croître leurs épargnes ou leurs sources de revenus garantis jusqu’à la fin de leurs jours, selon des conseillers interrogés par Finance et Investissement.

Le premier obstacle à surmonter est celui de l’éducation des clients. «Mon principal défi est de faire comprendre et accepter par le client le fait qu’il pourrait vivre au-delà de l’espérance de vie», confie Patrick Ducharme, vice-président chez De Champlain Groupe financier.

Rappelons que la probabilité d’un client de dépasser l’espérance de vie est de 50 % ; cette espérance de vie s’établit à 85 ans pour un homme de 65 ans et à 89 ans pour une femme du même âge, selon les Normes d’hypothèses de projection de l’Institut québécois de planification financière.

«Il est rare, ajoute-t-il, que je travaille avec un horizon de moins de 90 ans, et même de 95 ans.»

Cette éducation se fait par la discussion, mais elle passe aussi par deux outils : l’élaboration d’objectifs et l’établissement d’un budget. Des objectifs bien articulés permettent d’imaginer le parcours de la retraite et, surtout, d’envisager que ce parcours pourrait être un peu plus long que prévu.

Report rentable

Christine Benz considère comme une erreur flagrante, face au risque de longévité, de ne pas reporter de 65 ans à 70 ans l’âge où un client en bonne santé commence à recevoir les rentes du Régime des rentes du Québec (RRQ) et de la Pension de la sécurité de la vieillesse (PSV).

On peut également choisir de continuer à travailler jusqu’à 70 ans ; malheureusement, «ce n’est pas le genre de solution qui fait saliver mes clients», observe Frédérick Bouchard, représentant en épargne collective et directeur associé chez Planica Services financiers, à Québec.

Ce dernier préfère proposer, à ceux qui peuvent se le permettre, de reporter le décaissement des rentes gouvernementales, une manoeuvre particulièrement rentable. Pour le RRQ, la rente augmente de 8,4 % par année entre 65 et 70 ans, alors qu’au fédéral, la hausse annuelle est de 7,2 %.

Ainsi, pour une personne admissible à la rente mensuelle maximale de la RRQ de 1 038,33 $ à 65 ans, son report à 70 ans rehausse la rente de 42 %, à 1 474,43$, soit 5 233 $ de plus par année. Pour avoir une telle rente annuelle garantie et indexée, il faudrait avoir généré un capital entre 120 000 $ et 150 000 $, dit Frédérick Bouchard : «Je ne connais pas beaucoup de placements qui garantiront à mes clients un rendement annuel de 8,4 %».

Pour ceux qui approchent de la retraite ou qui y sont rendus, la maison constitue un actif souvent négligé. «La majorité de nos clients ne tiennent pas compte de la valeur de leur résidence, fait ressortir Frédérick Bouchard. Pour les imprévus et les besoins supplémentaires ou si vous épuisez trop vite votre actif, c’est une réserve à laquelle vous pouvez avoir recours.»

La marge de crédit hypothécaire est un instrument privilégié pour tirer parti de cette épargne, de même que l’hypothèque inversée. Mais les frais de cette dernière «sont assez élevés et elle est très peu populaire au Québec», juge Frédérick Bouchard.

Évidemment, l’autre façon de tirer parti de la résidence est tout simplement de la vendre. «Transformer la brique en capital», illustre Patrick Ducharme. Étonnamment, bon nombre de retraités sont réticents à y recourir. Toutefois, note Patrick Ducharme, «les gens sont de plus en plus ouverts à cette idée, surtout quand ils réalisent la charge financière que représente une propriété».

Approche de rente diversifiée

La maison constitue un actif crucial dans la composition de ce que Frédérick Bouchard appelle une approche diversifiée, surtout pour des gens qui ne bénéficient pas d’un régime de retraite d’employeur.

«La diversification ne se fait pas seulement avec des actions canadiennes ou américaines ou par obligations, mais aussi avec des rentes, explique Frédérick Bouchard. On doit y inclure la maison, le portefeuille d’assurances, les diverses rentes, la fiscalité aussi.»

Pour les retraités qui tiennent à laisser un héritage, recourir à une assurance vie peut contribuer, de façon détournée, à mitiger le risque de longévité, explique François Cantin, représentant en épargne collective chez Services en placements Peak. «Pour une fraction du prix, on achète ainsi de l’argent [un capital décès] qui sera déboursé au décès, un argent qui est libre de tout impôt.» Ce faisant, le retraité qui a ainsi assuré la part d’héritage qu’il veut laisser en payant une prime d’assurance déterminée se sentira rassuré de faire des investissements un peu plus risqués, susceptibles de générer de meilleurs rendements et ainsi, d’atténuer son risque de longévité.

Négliger l’impact fiscal de certains investissements peut également exposer davantage le client au risque de longévité, soutient Frédérick Bouchard. Il donne l’exemple d’un retraité dans la jeune soixantaine qui tire d’abord des revenus de la vente de sa maison et des dividendes des placements de sa société de gestion incorporée afin de ne décaisser les sommes de son REER qu’après 71 ans.

Si un client néglige de tenir compte du fait que les retraits de son REER sont pleinement imposables et donc susceptibles d’être imposés à un taux supérieur aux autres sources de revenus, il risque de devoir considérablement réduire son niveau de vie. Cela accroît au passage son risque de longévité.

Transformer «la brique en capital» peut permettre de réserver une part importante de son portefeuille d’investissement pour des placements plus risqués, certes, mais susceptibles de générer de meilleurs rendements.

Par exemple, après avoir vendu sa résidence au montant de 350 000 $, un retraité pourrait injecter 250 000 $ dans une rente viagère ou dans un fonds distinct à garanti de revenu viager, qui lui permettent d’éviter de survivre à son capital, et investir la différence dans des placements risqués. Lire «Rente : des biais bloquent les clients», page 15.

En ajoutant un revenu viager garanti aux rentes de la RRQ et de la PSV, le client retraité pourrait couvrir en grande partie ses dépenses courantes essentielles. Du coup, il pourrait se permettre des investissements plus risqués dans son portefeuille, ce qui serait susceptible de générer plus d’épargne pour couvrir son risque de longévité.