Il s’agit d’un enjeu clé, parce qu’il influera sur le prix des céréales, dont le maïs. Si son prix augmente, nos producteurs de maïs se frotteront les mains et feront plus d’argent. Par contre, les producteurs de viande pâtiront, car cette céréale est un intrant important dans leurs coûts de production.
Qu’est-ce qui pourrait faire bondir le prix du maïs ? «Le développement de l’industrie de l’éthanol aux États-Unis est l’un des facteurs qui expliquent la raison pour laquelle le prix du maïs est élevé actuellement», indique Jean-Philippe Gervais, économiste en chef à Financement agricole Canada (FAC).
Selon lui, il est fort probable que les prix poursuivent leur ascension. Les producteurs d’éthanol se heurteront à un mur en 2014 s’ils n’arrivent pas à écouler leur production en raison d’un manque de débouchés. Pour éviter ce scénario, Washington pourrait accroître l’utilisation d’éthanol par litre d’essence (cette limite est actuellement fixée à 10 %), pour la porter par exemple à 15 %. «On pourrait même imaginer une commercialisation à plus grande échelle de véhicules pouvant consommer jusqu’à 85 % d’éthanol par litre d’essence», dit Jean-Philippe Gervais.
Une telle politique aurait un impact sur les producteurs de porcs québécois, dit David Boissonneault, président de la Fédération des producteurs de porcs du Québec. «Ça ferait augmenter le prix du maïs et nos coûts de production», explique ce producteur de porcs de Lyster, dans le Centre-du-Québec.
Abolition de subventions
Les producteurs de céréales, eux, bénéficieraient d’une hausse du prix du maïs, mais aussi de l’abolition prévue des subventions de cinq milliards de dollars américains versées chaque année aux producteurs de céréales aux États-Unis. «La concurrence serait plus juste entre les producteurs canadiens et américains», affirme Jean-Philippe Gervais.
Le projet de loi Farm Bill laisse prévoir que ces subventions seront remplacées par un système d’assurance récolte, inspiré de celui qui existe au Canada. Par exemple, au Québec, un producteur de céréales reçoit une prime lorsque le prix des céréales sur le marché est inférieur à ses coûts de production. Ce programme est financé par les gouvernements et les agriculteurs.
Un dernier enjeu pourrait concerner les agriculteurs et les transformateurs du Québec, même s’il n’est pas directement abordé par le prochain Farm Bill : la concurrence accrue de l’industrie américaine sur les marchés étrangers. Le Farm Bill s’inscrit dans une stratégie plus globale de l’administration Obama de doubler les exportations américaines de 2010 à 2015, dont celles de produits agroalimentaires, explique Vincent Cloutier, économiste en chef à la Coop fédérée.
«Les États-Unis multiplient la signature d’accords de libre-échange, tout comme le Canada. Mais nous avons du retard dans certains marchés, comme en Corée du Sud.» Depuis 2004, Ottawa essaie de conclure sans succès une entente avec ce pays asiatique, tandis que les États-Unis en ont déjà une, tout comme l’Union européenne.
«Nos producteurs porcins se font sortir du marché sud-coréen, car ils paient des tarifs douaniers plus élevés», déplore Vincent Cloutier. Un désavantage commercial que confirme David Boissonneault : «Nous ne nous battons pas à armes égales.»
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