Toutefois, le coût de ces régimes devrait plus que doubler d’ici 2030, surtout celui de la PSV. À un moment donné, toutefois, la facture finira par diminuer. Alors, pourquoi s’en faire ? On accroîtra temporairement la dette nationale, et quand le problème sera réglé, on la remboursera.
«Mais cette « solution » est un leurre. C’est une erreur de croire que les taux d’intérêt resteront toujours bas», soutient Jason Clemens, vice-président directeur de l’Institut Fraser, à Vancouver.
Trois problèmes
Autre solution qui a cours et qui n’en est pas une non plus, juge Jason Clemens : accroître les impôts et les taxes pour payer ces programmes.
«Neuf des dix provinces sont déjà en déficit, le gouvernement fédéral aussi, et nous faisons face à un problème historique de vieillissement de la population.»
Selon Jason Clemens, cela pourrait causer trois problèmes : des hausses d’impôt, un endettement accru et la réduction de ces mêmes programmes qu’on visait par ailleurs à améliorer.
Pour l’instant, le gouvernement fédéral a mis en avant deux mesures au moyen desquelles il compte neutraliser les problèmes à venir.
Tout d’abord, l’âge à partir duquel un client pourra toucher la PSV et le SRG passera à 67 ans, une mesure qui sera implantée progressivement de 2023 à 2029.
Jack Mintz, titulaire de la Palmer Chair in Public Policy de l’Université de Calgary, dont les propositions sont à l’origine de cette mesure, estime que celle-ci permettra d’économiser environ 10 % du coût du programme de la PSV, soit 10,8 G$, sur un programme désormais appelé à coûter 97 G$ en 2030 si on n’y apporte aucun changement.
L’autre disposition, déjà en vigueur, fait en sorte qu’une personne qui retarde le moment à partir duquel elle commence à recevoir la PSV voit sa rente bonifiée annuellement de 7,2 %, jusqu’à un maximum de 36 % pour un report de cinq ans.
Insuffisantes
Un rapport de l’Institut Fraser intitulé «Reforming Old Age Security: A Good Start but Incomplete», dont Jason Clemens est coauteur, salue ces stratégies mais les juge insuffisantes.
Il y aurait moyen d’économiser davantage en réduisant le niveau de revenu à partir duquel les aînés sont admissibles à une pleine PSV.
Les auteurs recommandent que les aînés puissent toucher la prestation maximale seulement si leur revenu annuel est inférieur à 51 100 $. Ils auraient droit à un paiement partiel lorsque leur revenu s’établirait de 51 100 $ à 94 787 $. Une fois ce seuil dépassé, ils devraient rembourser complètement la PSV.
Les personnes âgées dont le revenu se situe dans les tranches de revenu inférieures et intermédiaires ne seraient pas touchées par ces changements.
Actuellement, plus de 950 000 aînés, soit 17,5 % de l’ensemble de la population âgée du Canada, ont un revenu supérieur à 50 000 $ par an, selon l’Institut Fraser.
Par comparaison, le revenu d’emploi moyen d’un particulier au Québec s’établissait à 35 595 $ en 2010.
«Redistribuer les impôts des travailleurs aux aînés dont le revenu est supérieur à la moyenne nationale est une politique malsaine», avance Jason Clemens.
Grâce à de telles mesures, le gouvernement pourrait économiser 730 M$ dès maintenant, un montant qui croîtrait au fur et à mesure qu’un plus grand nombre de retraités deviendraient admissibles aux programmes fédéraux.
Avec les sommes économisées, les auteurs proposent d’améliorer les prestations du SRG destinées aux plus démunis et d’accroître la capacité d’épargne des travailleurs en rehaussant, par exemple, la limite de cotisation annuelle au compte d’épargne libre d’impôt (CELI), qui plafonne actuellement à 5 500 $.
Une autre mesure clé proposée dans l’étude de l’Institut Fraser est la révision du taux d’impôt de remboursement de la PSV, qui s’élève à 15 %.
En 2013, les aînés dont le revenu se situait entre 70 954 $ et 114 670 $ payaient un impôt supplémentaire de 15 % sur l’ensemble de leur revenu au-dessus de 70 954 $ – pour réduire proportionnellement le montant des prestations de PSV auquel ils ont droit.
En fait, cet impôt décourage les aînés de travailler, puisqu’il est imposé en sus de l’impôt ordinaire qu’ils paient sur leur revenu.
Selon la province, cet impôt capte de 47 à 54,4 % de toute la rémunération additionnelle. «Pourquoi les aînés travailleraient-ils si le gouvernement leur prend en gros la moitié, sinon plus, de chaque dollar additionnel de gains ?» demande Jason Clemens.
Rente longévité
S’attaquer à la PSV et à la SRV n’est pas la voie à suivre, juge Martin Dupras, actuaire et président de ConFor financiers, à Montréal.
«Des épargnes de 730 M$ sur un programme qui en coûte actuellement 33 G$, c’est bien peu, et cela n’améliore pas suffisamment la situation des autres, les retraités qui ont des revenus inférieurs à 51 100 $.»
Selon lui, le problème le plus aigu de la retraite est le risque de longévité, c’est-à-dire la possibilité qu’un retraité survive à ses épargnes.
C’est pourquoi il salue l’initiative du gouvernement fédéral de hausser la rente de ceux qui retardent le moment de percevoir la PSV au-delà de 65 ans, car cette mesure peut améliorer sensiblement leur rente à long terme.
La disposition la plus fertile à son sens reste la création de la rente longévité, telle que proposée par le comité d’experts sur l’avenir du système de retraite québécois présidé par Alban D’Amours.
Cette rente proviendrait d’un régime à prestations déterminées et serait versée aux travailleurs à partir de 75 ans. Ce régime serait entièrement capitalisé, c’est-à-dire que la valeur de son actif serait égale aux sommes promises aux prestataires.
«Cela semble la meilleure voie, même si on est bien conscient qu’une telle rente n’entrerait pas en vigueur avant 25 ou 30 ans», dit Martin Dupras.
Par contre, elle aurait l’avantage d’être entièrement capitalisée, d’être payée à même la masse salariale des premiers intéressés, et de ne pas exiger de hausses des taxes et de l’endettement public.