Le demandeur est un pharmacien propriétaire de pharmacies franchisées. Au moment des faits, il devait verser au franchiseur une redevance de 4 à 5 % sur les ventes brutes. Selon la convention de franchise, cette redevance était payée en contrepartie de services de franchisage, comme des services de publicité, des services administratifs ainsi que de l’assistance technique et financière. Plusieurs autres avantages étaient également associés à la redevance, y compris le droit d’utiliser les marques du franchiseur, ses programmes informatiques, ses logos et son savoir-faire.
Avisé de la situation, l’Ordre des pharmaciens a déposé des plaintes disciplinaires contre le pharmacien, reprochant à son membre d’avoir illégalement partagé ses honoraires ou les bénéfices provenant de la vente des médicaments avec un non-pharmacien. Selon l’Ordre, la redevance contrevenait à l’article 49 du Code de déontologie des pharmaciens, une disposition dont le libellé n’est pas sans rappeler celui de l’article 100 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.
Pour obtenir une réduction de sa sentence et éviter d’être radié, le pharmacien a plaidé coupable aux plaintes et accepté de payer des amendes. Il s’est ensuite adressé à la Cour supérieure du Québec pour lui demander de se pencher sur la légalité de la redevance et, le cas échéant, sur son exigibilité.
Pas un partage illégal
Selon la Cour, l’interdiction du partage de rémunération avec des personnes non autorisées «n’est pas une prohibition absolue et n’a pas pour effet d’empêcher un pharmacien d’utiliser les revenus d’exploitation de sa pharmacie incluant ceux provenant de la vente des médicaments pour acquitter le coût des biens ou des services qu’il reçoit».
Ainsi, le paiement d’une redevance sur les ventes brutes «n’est pas a priori illégal», dans la mesure où «la redevance est versée en contrepartie de biens ou de services».
En l’occurrence, la Cour a conclu que la preuve juricomptable détaillée du franchiseur démontrait que la redevance était raisonnablement justifiée à la lumière de la juste valeur marchande des services et avantages offerts au pharmacien en contrepartie de la redevance. La redevance ne constituait donc pas un partage illégal de rémunération.
Repères précieux
La Cour discute, dans ses motifs, des objectifs qui animent l’interdiction du partage de rémunération avec des personnes non autorisées. Selon elle, l’interdiction viserait à :
protéger l’indépendance des professionnels ;
protéger les professionnels contre l’influence indue des non-professionnels ;
protéger le public en s’assurant que les actes réservés au professionnel, en vertu de la loi, sont bel et bien accomplis par des pharmaciens et non pas par des gens qui échappent à l’autorité du régulateur ; et
éviter les conflits d’intérêts.
Ces commentaires de la Cour sont de précieux repères, tant pour les professionnels que pour les autorités, pour mieux circonscrire l’interdiction de partage de la rémunération avec des tiers non inscrits.
Cela étant dit, des lignes directrices claires de la part des autorités, inspirées peut-être des considérations mentionnées dans Quesnel, seraient assurément bienvenues et offriraient davantage de certitude réglementaire.