Hélène Belleau, sociologue et professeure titulaire à l’Institut national de la recherche scientifique, a évoqué lors du congrès annuel de l’Institut québécois de planification financière (IQPF), les cas où certains clients se retrouvent pris au piège après avoir endossé le prêt d’un partenaire, ce qu’elle appelle les « dettes transmises sexuellement ».
« Les dettes transmises sexuellement sont une maladie qui s’attrape quand on batifole dans les prêts sans se protéger, explique la sociologue dans son livre, L’amour et l’argent – guide de survie en 60 questions. Il semble que les cautions (ou endosseurs) aient généralement bien conscience de leurs obligations; les institutions bancaires ont d’ailleurs le devoir de les en informer et de s’assurer qu’elles comprennent les conséquences de leur engagement. Le consentement est éclairé, comme disent les juristes, mais, lorsqu’on est aveuglé par l’amour, tout autour n’est-il pas pénombre? Les amoureux signent. Et s’en mordent parfois les doigts. Au goût des doigts mordus s’ajoute alors l’amer sentiment d’avoir été bien naïfs. »
Des risques nombreux
Dans de tels cas, un individu se voit refuser un prêt par une institution financière et se tourne vers son conjoint(e) pour de l’aide. Cette aide, dans laquelle le partenaire se retrouve en cosignataire du prêt, comporte plusieurs risques.
Le premier, explique Hélène Belleau, est l’éventualité où le détenteur du prêt principal devient incapable d’effectuer ses remboursements, ou ne veut simplement par le faire. Dans ce cas, la responsabilité est transférée au cosignataire, qui sera obligé de s’acquitter d’une dette qu’il a involontairement contractée, et dont il n’a probablement même pas profité.
Le deuxième risque est, bien évidemment, la séparation. « Si en plus vous vous détestez à présent, voilà l’un de vous bien armé pour porter malheur à l’autre, note Hélène Boileau. Si l’emprunteur ne peut plus payer ou ne veut plus payer, l’institution bancaire se tourne vers l’endosseur. Vous aurez beau crier que vous ne l’aimez plus, que c’est un salaud, un escroc, un sans-parole, le regard du banquier vous dira qu’il fallait y penser et mettre un condom à votre stylo. Mal soignée, une DTS peut mener à la faillite personnelle, avec toutes les conséquences que cela implique sur la réputation, l’amour-propre et la capacité future à obtenir du crédit. »
Les victimes majoritairement des femmes
Hélène Belleau avoue que toute personne peut se retrouver dans une situation pareille, mais affirme que ce sont souvent les femmes qui se retrouvent prises au piège avec des « dettes transmises sexuellement ».
« C’est vraiment les femmes qui se retrouvent le plus souvent dans cette situation, note la sociologue en réponse à une question des participants. La raison principale est que les codes de l’amour sont aussi genrés, les femmes y adhèrent beaucoup plus que les hommes, et sont donc plus susceptibles d’accepter un tel arrangement. »
Il est alors du devoir du conseiller de déceler un tel risque pour un client qui désire endosser le prêt de son partenaire. Un devoir d’éducation s’impose afin que le client soit au courant de toutes les situations à laquelle il s’expose, et qu’il puisse prendre une décision éclairée.