En outre, les demandes d’enquête relatives au non-respect de la procédure de remplacement de police figurent presque systématiquement en tête des infractions alléguées le plus souvent à la syndique de la Chambre de la sécurité financière (CSF). En 2014, ce type d’allégation était cité dans 112 demandes d’enquête, soit 30 % de toutes les infractions alléguées, d’après le rapport annuel de la CSF.
On ignore combien de ces allégations ont été retenues par la syndique de la CSF, mais ces enquêtes ont mené à la reconnaissance de culpabilité de certains représentants, qui ont été radiés ou condamnés à des amendes, selon le rapport annuel.
Un article paru cette année dans le magazine de la CSF Sécurité financière, rapporte le cas d’un représentant blâmé de n’avoir pas rempli correctement le préavis de remplacement et d’avoir négligé de favoriser le maintien en vigueur des contrats d’assurance vie de sa cliente.
Un autre cas cité est celui d’un représentant auquel on reproche son imprudence au moment de remplir le préavis, se fiant uniquement aux informations fournies par son client sans exiger de consulter les documents auxquels ce dernier se référait.
Batailles à coups de plaintes
Une particularité de ces allégations tient au fait que plusieurs d’entre elles proviennent, non pas de clients mécontents, mais de représentants frustrés d’avoir perdu un client, selon différentes sources. Larry Bathurst, conseiller en sécurité financière et président de Planex solutions financières, à Saint-Jérôme, affirme que «Souvent, c’est l’agence où le conseiller travaille qui introduit la plainte. Certains bureaux déposent systématiquement des plaintes.»
De telles plaintes sont engagées quand un représentant se charge d’un nouveau client dont il revoit la situation financière et qu’il lui conseille de changer sa police d’assurance. Puisqu’il doit envoyer le préavis de remplacement, non seulement à la CSF, mais aussi à l’ancienne compagnie d’assurance et au conseiller précédemment responsable du compte, c’est à ce moment-là qu’il entendra parler de ce dernier, par l’intermédiaire d’une plainte.
Toutefois, le risque que cette allégation soit retenue par la syndique de la CSF en cache un autre, parfois plus grave encore. L’enquête de la syndique peut pousser plus loin que l’allégation initiale et trouver des irrégularités ailleurs dans les dossiers du conseiller, comme l’indiquait Maxime Gauthier, chef de la conformité et conseiller en épargne collective chez Mérici Services Financiers, dans un numéro précédent de Finance et Investissement.
Bien documenter
C’est donc important de remplir avec un grand soin le préavis de remplacement, un formulaire obligatoire depuis octobre 2014, au format renouvelé et sur lequel les avis sont partagés.
Par exemple, «il s’agit d’un outil excellent et nécessaire, mais je ne suis pas certain qu’il aide les clients à bien comprendre les enjeux, opine Jean-François Rémillard, conseiller en sécurité financière chez Mica Services financiers. Il est conçu davantage pour les besoins de l’industrie.»
«C’est un document fastidieux, et même s’il est justifié, il n’est pas drôle à remplir», juge Larry Bathurst.
Un conseiller doit redoubler de prudence, d’autant plus que l’utilisation conforme du préavis de remplacement est une règle que les conseillers ont de la difficulté à appliquer, selon les répondants au dernier pointage des régulateurs de Finance et Investissement.
La façon de se protéger d’une plainte «est de remplir au mieux le préavis, d’avoir un maximum de documentation, d’avoir fait le tour de la situation, d’avoir bien analysé le produit et mis en évidence ses avantages et inconvénients,» soutient Yvan Morin, vice-président, affaires juridiques et chef de la conformité chez Mica.
Incitations au remplacement
Il reste que plusieurs éléments concourent pour accroître les remplacements de police, dont la multiplication des types de police, note Larry Bathurst. «Quand j’ai commencé dans le métier, c’était simple, rappelle-t-il. Il y avait seulement deux types de polices : temporaire et vie entière, alors qu’aujourd’hui, on trouve dans chaque catégorie des polices non-fumeur, non-fumeur élite, non-fumeur super-élite, etc.»
La concurrence accrue, particulièrement celle des institutions financière, augmente aussi les occasions de remplacement. Larry Bathurst cite l’exemple d’un client à qui un représentant bancaire offre une assurance liée à son prêt hypothécaire et qui se laisse convaincre qu’une telle police puisse lui convenir. Or, puisque l’employé d’une succursale bancaire n’est pas un conseiller en sécurité financière, il n’est pas assujetti aux mêmes règles, souligne Larry Bathurst.
De plus, les commissions accélérées des polices d’assurance, concentrées au moment de la vente du contrat, incitent également les représentants à favoriser le remplacement, selon lui.
Pour éviter certaines conséquences fâcheuses des remplacements de police, il importe de bien suivre ses clients. Le conseiller qui est proche de ses clients et qui reste maître du dossier quand le besoin de remplacer une police d’assurance se fait sentir minimise les possibilités de plaintes. Très souvent, le remplacement d’une police survient parce qu’un nouveau conseiller entre en scène, ce qui multiplie le risque d’allégations d’infractions.
«J’appelle mes clients au moins une fois par an, dit Jean-François Rémillard. Ça me permet de garder le contact et de percevoir de nouveaux besoins. Ça peut éviter que le client passe à un nouveau conseiller au moment du remplacement d’une police.»