Richard Audet balaie du revers de la main l’argument selon lequel ces produits sont complexes, arguant que, pour bien les utiliser, il faut comprendre leur relation avec les produits sous-jacents, dont leur valeur dépend.
«C’est une relation simple et je crois que cela devrait être enseigné et obligatoire dans la formation de tous les courtiers et représentants», estime-t-il.
«Tout d’abord, il y a moyen de contrôler le couple rendement-risque en s’en servant pour diminuer les risques des produits sous-jacents, poursuit-il. Ensuite, il est aussi possible de les utiliser pour obtenir une performance semblable à celle d’une action, sans les effets négatifs possibles», dit-il.
Il cite l’exemple d’un gestionnaire qui préférerait une option d’achat à une action qui connaît des fluctuations.
«Une option d’achat donnerait le même rendement qu’une action si la valeur est à la hausse. Toutefois, si la valeur baisse, le gestionnaire ne perdra que la prime qu’il a préalablement payée», souligne Richard Audet.
Son de cloche similaire de la part de Cynthia Caskey, vice-présidente, Gestion de portefeuilles, chez Conseils de placements privés TD Waterhouse.
«Les produits dérivés sont l’équivalent d’une épice qu’on saupoudre sur un plat. C’est en les utilisant avec d’autres produits qu’ils sont le plus efficace», illustre-t-elle.
Constatant elle aussi que de nombreux gestionnaires de portefeuille se montrent prudents à l’égard des produits dérivés, elle observe du même souffle que plusieurs aspects «les rendent plus difficiles à maîtriser».
Afin d’en tirer le plein potentiel, il faut bien connaître les marchés. Chose certaine, indique-t-elle, «il est risqué de les utiliser comme une fin en soi.»
Héritage de 2008
Selon Richard Audet, il n’y a pas de doute, le principal frein dans l’utilisation de produits dérivés, quelle que soit leur forme, se trouve dans la formation.
«C’est une question de conformité. Actuellement, au Canada, il faut passer des examens pour pouvoir les utiliser», souligne-t-il.
À cela s’ajouterait le fait que les firmes et les institutions «sont frileuses à encourager leur utilisation», et ce, en raison du respect des différents paramètres de conformité.
En théorie, Alexandre F. Roch, professeur de finance spécialisé en produits dérivés à l’ESG-UQAM, est d’accord avec la position de Cynthia Caskey et de Richard Audet. «Si vous détenez une action et que vous voulez vous assurer de ne pas trop perdre, un produit dérivé, par exemple une option de vente, peut vous assurer de vendre l’action à un prix minimum préalablement établi», explique-t-il.
«À la base, lorsque les produits dérivés ont été conçus, ils avaient pour fonction de s’assurer contre les risques financiers», indique-t-il.
Alexandre F. Roch émet aujourd’hui de sérieuses réserves à leur égard, soulignant qu’un fossé sépare la théorie de la pratique.
«Une grande partie des investisseurs les utilisent à des fins de spéculation», constate-t-il. Et c’est là que le bât blesse, selon lui.
D’autant plus qu’on a encore bien en mémoire la crise de 2008. «Un certain type de produits dérivés étaient au centre même de la crise, ce qui augmenté l’impression du risque.»
Contrairement à Richard Audet, Alexandre F. Roch estime que la formation actuelle convient à la réalité des marchés, car «la majorité des gestionnaires de portefeuille et des analystes financiers détiennent déjà un diplôme de CFA (Chartered Financial Analyst)».
Le professeur estime qu’ils possèdent «assez de connaissances pour comprendre le risque et être capables de l’expliquer aux clients».
Il précise que ce n’est pas le cas des planificateurs financiers, qui, d’entrée de jeu, n’ont pas la formation.
«Ce n’est pas mauvais en soi. Je ne mettrais pas nécessairement des produits dérivés entre les mains de planificateurs financiers, parce que ce sont des produits assez sophistiqués, qui ne doivent pas être destinés au grand public, juge-t-il. Seulement des gens qualifiés doivent les utiliser.»
«Une arme n’est pas une mauvaise chose lorsqu’on l’utilise pour se défendre. Mais il faut être conscient de ce qu’on a entre les mains et bien l’utiliser si on ne veut blesser personne», conclut-il.