Face aux incertitudes politiques et économiques présents aux États-Unis, un nombre croissant d’Américains fortunés choisissent de déplacer une partie de leurs actifs en Suisse. Des banquiers privés et des gestionnaires de patrimoine signalent une augmentation des demandes pour l’ouverture de comptes bancaires et d’investissement conformes à la réglementation fiscale américaine, rapporte le Financial Times (FT).
Selon des experts, cette tendance rappelle la crise financière de 2008, lorsque la faillite de Lehman Brothers, alors la quatrième plus grande banque des États-Unis, avait incité les investisseurs à rechercher des solutions plus sûres pour abriter leur argent. Aujourd’hui, c’est plutôt la situation géopolitique et électorale aux États-Unis qui suscite l’inquiétude, selon Josh Matthews, cofondateur de Maseco, une société de gestion de patrimoine destinée aux expatriés américains, basée à Zurich et Genève.
Des gestionnaires de patrimoine signalent une augmentation des demandes de transfert de montants importants de la part de familles fortunées, en particulier celles aux sympathies démocrates. Les transferts concernent des montants allant de dizaines à des centaines de millions de dollars et s’effectuent principalement depuis des comptes de courtage américains vers des comptes suisses ou situés dans les îles anglo-normandes de Jersey et Guernesey. Ces fonds sont souvent placés en dépôts liquides ou dans des structures fiduciaires extraterritoriales, rapporte The Telegraph.
Pierre Gabris, associé gérant de la société de conseil financier zurichoise Alpen Partners note que de nombreux clients sont motivés par la peur. La société reçoit des demandes de nouveaux clients américains inquiets de l’avenir de leur patrimoine. Les demandes concernant des transferts de résidence et des changements de lieux de gestion d’actifs ont augmenté au cours des derniers mois, signale-t-il.
La réglementation complique l’accès aux banques suisses
La Suisse a longtemps été considérée comme un paradis fiscal. Cependant, depuis quelques années, la réglementation s’est resserrée. Ouvrir un compte bancaire en Suisse est devenu plus compliqué pour les citoyens américains. Le Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA) oblige désormais les banques étrangères à déclarer les titulaires de comptes américains à l’Internal Revenue Service (IRS).
Les institutions financières suisses se sont adaptées à ces exigences fiscales et partagent désormais les informations sur les titulaires de comptes américains pour éviter les sanctions après avoir payé des milliards de dollars d’amendes pour complicité d’évasion fiscale, précise un gestionnaire de patrimoine américain.
Quoi qu’il en soit, le renforcement de la réglementation rend plus complexe l’ouverture de comptes en Suisse pour les citoyens américains, même si des solutions existent. Certaines banques suisses ont créé des entités enregistrées aux États-Unis afin de permettre aux clients de détenir des actifs en Suisse tout en étant couverts par des gestionnaires de patrimoine basés aux États-Unis.
Pictet, l’un des plus grands groupes financiers suisses enregistré auprès de la Securities Exchange Commission (SEC), rapporte une forte augmentation des demandes à travers sa filiale « Pictet North America Advisors », une division créée à Genève pour s’occuper des clients résidants ou non-résidants soumis au fisc des États-Unis.
Des experts signalent par ailleurs que certains investisseurs cherchent à diversifier leurs portefeuilles en ouvrant des comptes en devises étrangères afin de réduire leur dépendance au dollar américain.
Malgré les débats sur sa neutralité politique depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la Suisse continue à attirer les investisseurs. Le pays reste la principale plaque tournante mondiale de la gestion de fortune transfrontalière, soulignent les intervenants interrogés. Selon une étude de Deloitte, la Suisse gérait environ 2 200 milliards de dollars d’actifs internationaux en 2023, bien que sa part de marché ait diminué de 24 % à 21 % en quatre ans.
Certains experts suggèrent que l’administration Trump pourrait envisager des contrôles de capitaux pour limiter la fuite des fonds américains vers les banques extraterritoriales et réduire le déficit commercial. Ils estiment que de telles mesures pourraient freiner la tendance actuelle des transferts vers la Suisse.