La crise sanitaire aura contaminé sérieusement les finances publiques du Québec, au point de forcer le gouvernement à écrire ses budgets à l’encre rouge jusqu’en 2028.
À terme, Québec prévoit que la crise sanitaire aura grugé pas moins de 30 milliards de dollars (G$) dans les coffres de l’État.
Dans son budget 2021-2022, son troisième, déposé jeudi, le ministre des Finances, Eric Girard, a donc dû se résoudre à reporter de deux ans le retour espéré à l’équilibre budgétaire, soit en 2027-2028, plutôt qu’en 2025-2026, comme la loi l’exige. Cependant, les contributions obligatoires au Fonds des générations seront maintenues.
Le ministre devra donc déposer un projet de loi à court terme, pour ne pas placer son gouvernement dans l’illégalité.
« C’est un budget de pandémie », a répondu le ministre Girard, en point de presse, alors qu’il était invité à définir la ligne directrice de son plan budgétaire, dont l’orientation et les priorités ne sont pas nécessairement évidentes. « Il faut d’abord vaincre la pandémie », a-t-il dit, avant de passer à autre chose.
Le déficit pour l’année en cours atteint comme prévu 15 G$, un sommet historique, mais il sera plus important qu’anticipé les deux années suivantes, soit 12,3 G$ (au lieu de 8 G$) en 2021-2022, et 8,5 G$ (au lieu de 7 G$) en 2022-2023. En trois ans, de 2020 à 2023, en raison des ravages causés par la pandémie, le gouffre financier du Québec atteindra donc 35,8 G$, au lieu de 30 G$ comme prévu en novembre. Le déficit structurel, celui qui demeurera après la pandémie, est évalué à 6,5 G$.
Sur le plan financier, le Québec mettra donc plusieurs années à se remettre du virus de la COVID-19. « Les conséquences de ce choc sur les finances publiques seront ressenties pendant encore plusieurs années », a admis le ministre des Finances, dans son discours sur le budget, intitulé Un Québec résilient et confiant, prononcé à l’Assemblée nationale jeudi en fin d’après-midi.
Pour le gouvernement Legault, il n’est pas question d’atteindre à tout prix le déficit zéro, tant que le Québec n’aura pas vaincu la pandémie, retrouvé le plein emploi et renoué avec la croissance économique.
Malgré la pandémie, le fardeau fiscal des contribuables n’est pas alourdi et ne devrait pas l’être au cours des cinq prochaines années: pas de nouvelle hausse de taxe ou d’impôts en vue. Pas non plus de réduction des services publics à l’horizon.
La crise sanitaire a fait exploser la colonne des dépenses et le temps est venu de se concentrer sur celle des revenus. Le gouvernement mise plus que jamais sur une augmentation des transferts en santé en provenance du gouvernement fédéral pour espérer un jour retrouver le chemin de l’équilibre budgétaire. Pour financer le réseau de la santé, Québec réaffirme dans son budget qu’il exige que la part d’Ottawa passe de 22 à 35 %, ce qui ajouterait quelque 6 précieux milliards de dollars par année dans les coffres québécois.
Toujours dans le but d’accroître ses revenus, Québec fait preuve d’optimisme et anticipe une forte croissance économique, qui atteindrait 4,2 % en 2021, suivie d’un autre bond de 4 % en 2022. On prévoit retrouver le plein emploi dans deux ans.
Optimistes, ces prévisions sont-elles réalistes? « Le 4,2 % peut paraître élevé, mais le 4,2 % suit un moins 5,3 %. Il y a un effet rebond, c’est évident », a expliqué le ministre, qui qualifie son attitude de « saine prudence ».
D’ici neuf mois, le gouvernement prédit que le Québec aura déjà retrouvé le niveau d’activité qui était le sien avant la pandémie, véritable gouffre financier qui aura englouti en deux ans seulement 8,9 G$ de fonds publics.
Le ministre a présenté un cadre financier s’étalant sur cinq ans, avec un accent sur les deux premières années, en vue stimuler le plus rapidement possible la croissance économique.
Dans les circonstances, le Québec prendra son temps aussi pour réduire le poids de sa dette. La dette brute atteint 219 G$, soit 49,5 % du PIB. On attendra 2025-2026 avant de songer à diminuer ce ratio. La dette nette, à 45 % du PIB, est « stable » et « sous contrôle », assure le ministre.
Malgré sa situation financière précaire, le Québec doit continuer à assumer ses responsabilités. Le budget total de dépenses du gouvernement atteindra 121,8 G$ cette année. Comme toujours, le réseau de la santé aura la part du lion, accaparant 52,3 G$. Québec prévoit devoir ajouter 10,3 G$ au réseau de la santé d’ici cinq ans. Le budget de l’éducation sera de 18,3 G$ et les autres ministères se partageront des miettes.
Le gouvernement maintient l’objectif de sabrer 5000 postes dans la fonction publique, sans toucher aux services à la population.
Pour stimuler la croissance économique, Québec réserve quelque 4 G$, en misant notamment sur l’innovation et la requalification des travailleurs ayant perdu leur emploi durant la pandémie. Des mesures fiscales (dont une réduction du taux d’imposition des PME, une bonification du congé fiscal pour les grands projets d’investissement) viseront à accroître la productivité des entreprises et les inciter à intégrer les nouvelles technologies.
On veut aussi accélérer la construction et la mise à niveau des infrastructures, en ajoutant 4,5 G$ au Plan québécois des infrastructures (PQI) pour la prochaine décennie, dont le budget atteindra au total 135 G$ d’ici 2031.