C’est ce que montre l’étude «Search-for-Yield in Canadian Fixed-Income Mutual Funds and Monetary Policy», publiée par Sermin Gungor et Jesus Sierra, deux analystes du service des marchés financiers de la Banque du Canada. Pour arriver à cette conclusion, ils se sont appuyés sur les bases de données de la firme Morningstar.

Les fonds de titres à revenu fixe sont des intermédiaires clés dans les marchés du crédit au Canada. Ils détiennent une variété de titres de créances tels que des obligations des gouvernements provinciaux, du papier commercial adossé à des créances et des titres hypothécaires.

Ces fonds sont très sensibles sur le plan des taux d’intérêt. Par exemple, lorsque les taux d’intérêt diminuent, les cours des obligations augmentent. Résultat ? Le rendement des anciennes obligations baisse et s’aligne sur celui des nouvelles émissions dont le taux d’intérêt nominal est plus faible.

Chute des taux

Or, dans la foulée de la crise financière de 2007-2009, les banques centrales ont réduit radicalement leurs taux directeurs afin de stimuler le crédit et la croissance économique. Les taux d’intérêt de courte échéance sont tombés à des planchers historiques, frôlant parfois le zéro.

Ainsi, au Canada, le taux d’escompte officiel de la banque centrale a fondu comme neige au soleil.

En août 2008, un mois avant la faillite de la banque d’investissement Lehman Brothers, le taux d’escompte s’élevait à 3,25 %.

Au cours des mois qui ont suivi la chute de ce poids lourd de Wall Street – qui a provoqué un mouvement de panique dans les marchés financiers -, le taux d’escompte de la Banque du Canada a chuté et s’est établi à 0,50 % d’avril 2009 à mai 2010. Le 22 octobre 2014, le taux s’établissait à 1,25 %.

La faiblesse des taux d’intérêt à la suite de la crise financière a aussi abaissé à des planchers sans précédent le rendement de la dette des principaux pays industrialisés.

Les bas taux d’intérêt ont alors incité les investisseurs à rechercher des occasions de placement offrant de meilleurs rendements, rappellent Sermin Gungor et Jesus Sierra.

Ainsi, les gestionnaires de fonds communs à revenu fixe ont privilégié les placements plus risqués. Ils sont passés d’une gestion passive à une gestion active du portefeuille, multipliant les opérations de vente et d’achat dans l’espoir d’obtenir de bons rendements.

Ce comportement est compréhensible : en outre, les gestionnaires voulaient préserver leur clientèle de retraités. Ces derniers ont besoin que leurs placements rapportent immédiatement un certain revenu pour maintenir leur niveau de vie.

Redoublez de prudence

À la lumière des conclusions de l’étude de la Banque du Canada, les conseillers devraient être plus prudents dans la sélection des fonds qu’ils recommandent à leurs clients, souligne Dan Hallett, vice-président de HighView Financial Group.

«Ils doivent avoir cette attitude en raison de la complexité des risques liés à ces fonds, mais aussi en raison du danger qu’ils courent de ne pas comprendre les risques que ces fonds peuvent entraîner», indique-t-il.

Par exemple, les fonds de revenus à taux flottants offrent de bons rendements. Ces rendements tiennent toutefois à des risques élevés de liquidités et de crédit. «Ces risques ne sont pas bien compris», déplore Dan Hallett.

Pour éviter de s’exposer à des risques indus, les épargnants devraient choisir des fonds en fonction de paramètres d’investissement précis, avec l’aide de leur conseiller, rappelle Dominic Paquette, président et fondateur de Partenaire-Conseils Groupe financier.

«Dans le cas des placements en fonds à revenu fixe, le contenu minimum d’obligations ayant une cote de crédit BBB ou plus élevée est une des variables les plus importantes», souligne le planificateur financier.

Cela dit, Dominic Paquette fait remarquer que certains fonds de revenu fixe ont un mandat de gestion plus large et ouvert qui permet au gestionnaire d’être plus téméraire quand une bonne occasion se présente.

«Depuis la crise de 2008, les gestionnaires qui ont investi davantage en obligations à rendement élevé, des obligations plus risquées, ont offert des rendements considérablement supérieurs», souligne-t-il.

Bref, la relation classique du risque et du rendement se comporte bien dans cet environnement de faible taux d’intérêt, ajoute le planificateur financier.

Il faut cependant rester prudent. «Nous devons éviter de surpondérer cette catégorie d’actif et agir en bon père de famille pour nos clients. Nous devons aussi faire la différence entre le profil théorique et le vrai profil du client, que nous devons établir selon notre expérience !» précise Dominic Paquette.

Même mise en garde du côté de Dan Hallett : «Les conseillers doivent toujours faire preuve de diligence et de prudence lorsqu’ils sélectionnent des produits pour les portefeuilles des clients.

«Ils doivent prendre le temps de réfléchir aux risques éventuels qui ne sont pas évidents ou qui ne leur viennent pas à l’esprit, ajoute-t-il. Le risque de liquidités est un exemple, mais il y en a d’autres.»

Bien entendu, la tolérance au risque de l’épargnant doit aussi déterminer la stratégie du gestionnaire, rappelle Jacques Roy, professeur spécialisé en finance à HEC Montréal.

Par exemple, un veuf à la retraite dont la subsistance dépend des revenus générés par un fonds commun n’aura évidemment pas la même tolérance au risque qu’une professionnelle dans la mi-trentaine.