Ainsi, malgré les gains appréciables réalisés par les actions canadiennes depuis les années sombres de la crise financière, en 2007 et en 2008, les ventes nettes totales de fonds d’actions canadiennes sur cinq ans sont négatives, s’établissant à – 2,2 G$. Il est donc sorti plus d’argent de cette catégorie d’actif qu’il n’en est entré.
«C’est bien simple. Quand les clients viennent nous voir, le seul outil qu’ils ont pour guider leur choix est le rendement passé», rapporte Michel Marcoux, président d’Avantages Services financiers, à Montréal.
Par exemple, les ventes nettes totales des fonds d’actions canadiennes en 2009 ont été de – 13 G$. En 2010, pourtant, les grandes capitalisations canadiennes enregistraient un rendement de 17,6 %, tandis que les petites capitalisations affichaient 38,5 %, selon les données compilées par Fidelity et citées par Michel Marcoux.
Selon l’auteur de la série sur les «100 meilleurs fonds communs» [NDLR : éditée chez TC Media], les clients des conseillers se fient aux rendements passés pour guider leurs choix d’investissement, alors qu’il faudrait plutôt qu’ils fassent une analyse plus poussée des conditions de marché.
«Nous investissons pour un cycle économique, mais avec les clients, ce n’est pas vraiment comme ça que ça se passe, note-t-il. C’est difficile de les convaincre de persister dans leurs investissements alors qu’ils voient les rendements récents d’une catégorie d’actif ou d’un fonds diminuer.»
Il cite en exemple les fonds d’actions internationales (voir le graphique ci-contre), qui ont été vendus à hauteur de – 97 G$ pour la période analysée. Les nouvelles provenant d’Europe dans les dernières années ont fait fuir les investisseurs.
«Les fonds européens ont fourni un rendement de 24,8 % en moyenne en 2012. Pourtant, nous avons eu beaucoup de difficulté à en vendre. Peut-être pourrons-nous en proposer cette année, grâce aux rendements qu’ils ont obtenus l’an dernier.»
«Un client regarde son portefeuille chaque année et vend ce qui n’a pas bien performé, pour ajouter ce qui a produit de bons rendements durant la dernière année», observe Michel Marcoux. À l’encontre de l’adage selon lequel il faut vendre à la hausse et acheter à la baisse.
Pas de ventes précipitées
«Les investisseurs réagissent aux conditions extrêmes sur les marchés, mais également aux périodes», explique Dan Hallett, vice-président et directeur de la gestion d’actif chez HighView Financial Group, à Oakville, en banlieue de Toronto.
Scrutant les données de l’IFIC de plus près, il constate toutefois que «les Canadiens n’ont pas tout liquidé, ce qui est tout à leur honneur. La question est plutôt qu’ils ont cessé d’acheter des fonds».
Ainsi, on remarque que dans les catégories d’actif examinées, les entrées et les sorties de fonds sont sensiblement les mêmes d’une catégorie à l’autre pendant la période d’analyse.
Des ventes précipitées auraient généré des ventes négatives pour toutes les années, alors que ce sont surtout les premiers trimestres qui affichent les baisses les plus marquées dans les ventes nettes totales.
Dan Hallett remarque ainsi que lors des premières années illustrées par nos données, soit 2007 et 2008, les rachats – et conséquemment les sorties de fonds – ont nui à toutes les catégories d’actif.
Quant aux volumes observés dans les fonds canadiens – des entrées et des sorties d’argent totalisant plus de 200 G$ sur cinq ans, alors que les fonds américains totalisent un peu plus de 40 G$ -, ils n’étonnent guère Dan Hallett.
La hausse du dollar canadien affichée au cours de la dernière décennie a amorcé le mouvement vers les fonds canadiens, observe Dan Hallett. «La force du dollar incite les investisseurs à en acheter davantage», dit-il, ajoutant que les fonds internationaux sont notoirement moins importants en terme d’achat pour les investisseurs.
Il s’étonne cependant de l’importante volatilité qui semble affliger les investisseurs des fonds équilibrés, tant dans les catégories d’actifs mondiaux que canadiens, soutenant que les investisseurs équilibrés sont toujours plus des adeptes du buy and hold.
Il reste que «les fonds équilibrés sont souvent une valeur refuge pour les investisseurs», comme l’illustrent les pointes à la hausse dans les fonds canadiens.
D’ailleurs, les ventes nettes totales, tant celles des fonds équilibrés canadiens, qui s’établissent à 142 G$ sur cinq ans, que celles des fonds équilibrés mondiaux, qui s’élèvent à 121 G$, surpassent les ventes affichées par toutes les autres catégories d’actif.
Enfin, à l’instar de Michel Marcoux, Dan Hallett constate aussi que les investisseurs réagissent à la Bourse, plutôt que d’être proactifs. Ils vendent et achètent au gré des humeurs et des nouvelles.
Et ce, à leur détriment. En calculant le rendement de l’ensemble des fonds disponibles au Canada sur une période de près de 15 ans, Dan Hallett déduit que le rendement des investisseurs a été plutôt faible.
Ainsi, de 1993 à juillet 2008, le rendement des fonds d’actions enregistrés par les investisseurs était de 4,5 %. Les calculs tiennent compte du rendement obtenu par les investisseurs, et non de la performance des fonds.
Pour l’essentiel, les recherches de Dan Hallett prouvent par l’exemple qu’à tenter de jouer le marché en achetant et en vendant au gré des nouvelles, les investisseurs minent leur rendement.
D’ailleurs, pour les actions, le chercheur Terrance Odean, de l’University of California, Berkeley, a démontré que les titres détenus par un investisseur s’appréciaient de 5,7 % en moyenne pendant l’année qui suit leur achat. Par contre, les titres vendus par ce même investisseur affichaient un rendement de 9 % durant l’année qui suit leur vente.
Les investisseurs sont parfois convaincus de la direction que prend le marché et agissent en conséquence, au grand dam des conseillers, alors que ceux qui négocient le plus sont ceux qui font moins d’argent, relate Michel Marcoux.
«Les conseillers conseillent, mais ce n’est pas nous qui donnons les ordres de transactions. Le client est roi. Pourtant, statistiquement, ceux de mes clients qui négocient le moins – et qui me laissent faire mon travail – sont ceux qui obtiennent les meilleurs rendements», conclut-il.