Les cinq grandes banques du Canada pourraient induire les investisseurs en erreur en utilisant des termes comme « finance durable », selon un groupe environnemental qui a déposé une plainte auprès des organismes de réglementation des valeurs mobilières du Québec et de l’Ontario.

Les banques utilisent le terme « finance durable » de manière trop large et n’appuient pas leurs affirmations, affirme l’Investors for Paris Compliance dans un mémoire présenté, mardi, à l’Autorité des marchés financiers du Québec (AMF) et à la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.

Les banques canadiennes, notamment RBC, TD, BMO, CIBC et la Scotia, ont toutes pris des engagements en matière de finance durable qui représentent ensemble 2000 milliards de dollars d’ici 2030.

La finance durable vise à soutenir des causes environnementales et sociales. Le financement peut prendre la forme d’obligations vertes liées à un projet d’énergie renouvelable, par exemple, ou d’un prêt destiné à des objectifs de performance liés au développement durable.

Dans le cadre de leurs efforts en matière de développement durable, les institutions financières présentent ces engagements comme un élément clé, mais les banques canadiennes fournissent peu de moyens pour garantir l’efficacité de ces prêts, déplore Matt Price, directeur général d’Investors for Paris Compliance.

« Elles mettent cela en avant comme l’une de leurs principales réponses au changement climatique, alors qu’elles ne fournissent aucune preuve ou explication à ce sujet. »

Le groupe environnemental s’inquiète non seulement des lacunes en matière de divulgation, mais aussi du fait que certains des accords dévoilés ont été conclus avec des sociétés pétrolières et gazières, dont les émissions sont en croissance.

En 2021, RBC, CIBC et la Banque Scotia ont toutes participé à des accords de financement durable avec Enbridge alors que l’entreprise augmentait sa capacité d’exportation de pétrole, tandis que BMO a aidé à structurer une facilité de crédit liée au développement durable pour Gibson Energy, qui a pourtant accru son exposition au pétrole.

La même année, la Banque TD a participé à un prêt lié au développement durable de 4 G$ américains avec Occidental Petroleum. La compagnie pétrolière a annoncé fin 2023 qu’elle dépensait environ 12 G$ américains pour acheter le foreur de schiste CrownRock.

Matt Price juge que la barre devrait être plus élevée pour qu’un prêt soit considéré comme du financement durable. Il croit aussi que les entreprises qui misent sur une augmentation de la production pétrolière ou gazière ne devraient pas y être admissibles. « C’est une question assez élémentaire, n’est-ce pas? »

Les banques n’ont pas fait de commentaires, renvoyant les questions à l’Association des banquiers canadiens.

Sa porte-parole Maggie Cheung affirme que les banques canadiennes suivent les normes du marché nord-américain en matière de divulgation environnementale, sociale et de gouvernance. Elle ajoute qu’elles se conforment aux règles et réglementations applicables en matière de divulgation et qu’elles continuent de travailler avec l’industrie et les régulateurs pour faire progresser les normes de divulgation sur le développement durable.

« Les banques canadiennes comprennent le rôle important que joue le secteur financier dans une transition ordonnée vers un avenir à faibles émissions de carbone », dit Maggie Cheung.

« La finance durable est un moyen utilisé pour aider les entreprises à mobiliser des capitaux vers cet effort et une série d’autres objectifs environnementaux et sociaux. »

Investors for Paris Compliance souhaite que les régulateurs mènent une enquête et évaluent dans quelle mesure les informations des banques en matière de finances durables sont adéquates. Le groupe souhaite également que les régulateurs exigent que les banques divulguent l’effet de leurs activités de finance durable sur les émissions de gaz à effet de serre.