Si le gouverneur de la Banque du Canada (BdC), Tiff Macklem, déclarait récemment qu’il n’était pas impossible que le Canada ait recours à des taux d’intérêt négatifs, cela serait toutefois peu probable, selon Jocelyn Paquet, économiste à la Banque Nationale.
« Nous ne discutons pas activement des taux d’intérêt négatifs pour le moment, mais cela fait partie de notre boîte à outils et nous ne disons jamais jamais », disait ainsi le gouverneur de la BdC.
Ainsi, s’il paraît évident que Tiff Macklem ne considère pas encore sérieusement cette possibilité, il la garde tout de même en tête au cas où. Il ne s’agit pas davantage d’une solution envisagée actuellement par les décideurs politiques, selon Bloomberg.
« Nous, on ne pense pas qu’ils vont le faire, affirmait Jocelyn Paquet en entrevue avec Finance et Investissement, parlant au nom des économistes de la Banque Nationale. S’ils pensent le faire, ils vont commencer à évoquer la possibilité longtemps à l’avance pour préparer les marchés, ce qui n’est pas le cas en ce moment. »
Quant à savoir si les taux négatifs aideraient réellement l’économie canadienne, c’est un autre débat. « Les taux négatifs encouragent les emprunts et la consommation », note Jocelyn Paquet.
Effectivement, comme les consommateurs savent qu’ils perdent un peu de leur argent placé en banque chaque jour, ils ne sont que peu motivés à épargner. Les taux négatifs encouragent également les banques à accorder davantage de prêts aux entreprises et aux particuliers.
Toutefois, la réalité est souvent plus complexe.
Les taux négatifs, une véritable solution?
Actuellement, la banque centrale européenne utilise des taux négatifs, mais elle est face à un problème d’envergure : les banques commerciales ne veulent pas passer ces taux négatifs à leurs clients, de crainte que ces derniers ne les quittent et ne gardent leur argent dans un coffre-fort chez eux, déclare Jocelyn Paquet.
« Ce qui arrive c’est qu’il peut y avoir une perte de rentabilité au niveau des banques parce qu’elles ne sont pas capables de passer ces taux d’intérêt à leurs clients. Donc ils vont payer un taux sur leurs dépôts qui demeurent positifs malgré que les taux directeurs sont devenus négatifs », résume-t-il.
Pour résoudre cette situation en Europe, le gouvernement fait des prêts subventionnés aux banques, soit des prêts en dessous des taux de prêt du marché. « Donc ils prennent d’un côté et redonnent de l’autre, commente l’économiste de la Banque Nationale. Ça devient très compliqué. »
C’est pour cette raison que les économistes des grandes banques estiment que la Banque du Canada privilégiera d’autres outils de politique monétaire pour redresser l’économie.
« Tant qu’à avoir des maux de tête de la sorte et être obligés de mettre le doigt sur un bobo pour qu’un autre apparaisse, pourquoi ne pas laisser les taux à 0 et opter pour d’autres outils de politique monétaire comme l’achat d’actifs massifs d’actifs financiers et l’engagement à maintenir les taux inchangés pour une période assez longue ? », conclut Jocelyn Paquet.
Tout cela sans compter que les taux d’intérêt négatifs ne sont pas forcément une bonne nouvelle pour les consommateurs non plus. Évidemment, l’accès à du capital par le biais de prêts est bien plus abordable, mais les titres à revenu fixe à longue échéance deviendraient très volatils, soulignait Conseiller dans un article récent.
De plus, les rendements offerts par les obligations d’État sont toujours sous le niveau d’inflation, donc acheter des obligations reviendrait à s’appauvrir.
Rappelons également que ce n’est pas la première fois qu’un gouverneur de la Banque du Canada agite le drapeau des taux négatifs. Stephen Poloz avait déjà affirmé il y a de cela quelques années que cette solution était une option envisagée par la Banque du Canada. Et déjà à l’époque les économistes des grandes institutions jugeaient, à raison, cela fort improbable.
Reste à savoir si la situation actuelle poussera la Banque du Canada à agir différemment d’à l’époque…