La deuxième mesure est plus surprenante. Il s’agit de l’abolition de l’exemption qui permettait à une fiducie non résidente d’éviter l’impôt au Canada sur son revenu de source étrangère durant une période de 60 mois.

Deux exceptions

Ainsi, Ottawa va de l’avant avec l’élimination des avantages fiscaux découlant de l’imposition à des taux progressifs du revenu des fiducies testamentaires et des fiducies non testamentaires bénéficiant de droits acquis.

Le gouvernement définit les fiducies non testamentaires bénéficiant de droits acquis comme étant celles créées avant le 18 juin 1971.

Cette mesure entrera en vigueur à partir de l’année d’imposition 2016. Ottawa économisera ainsi 245 M$ pendant les quatre exercices financiers qui suivront.

Deux exceptions permettront aux clients de continuer à profiter des taux d’imposition progressifs pour des fiducies testamentaires.

La première s’applique pendant les 36 premiers mois d’une succession créée par suite et au moment du décès d’un particulier, et qui est une fiducie testamentaire.

«Ceci tient compte du fait que les successions ont besoin d’une période de liquidation, laquelle est généralement complétée au cours des 36 premiers mois. Si la succession demeure ouverte plus de 36 mois après le décès, elle deviendra assujettie à l’imposition uniforme au taux maximum à la fin de cette période de 36 mois», lit-on dans le plan budgétaire.

Deuxième exception : les taux d’imposition progressifs seront maintenus pour les fiducies testamentaires «dont les bénéficiaires sont des particuliers admissibles au crédit d’impôt fédéral pour personnes handicapées». Le gouvernement précisera les paramètres de cette exception au cours des prochains mois.

L’impact en chiffres

Le planificateur financier Daniel Laverdière, directeur principal, planification financière et services-conseils à la Banque Nationale Gestion privée 1859 a calculé le coût annuel de la suppression de cet avantage pour une cliente veuve ayant un revenu d’emploi de 80 000 $ et à qui son conjoint défunt laisse en main propre 1 M$.

«Si le rendement sur cette somme est de 4 %, une somme de 40 000 $ devrait s’ajouter au revenu imposable de cette cliente sans présence de la fiducie, pour un impôt total en 2013 de 41 193 $ sur 120 000 $», indique-t-il.

«Grâce à la fiducie testamentaire, si on tient compte de frais annuels liés à la fiducie s’élevant à 3 000 $ par exemple, l’imposition progressive des revenus de la fiducie permettrait d’épargner annuellement 4 755 $», ajoute-t-il.

En effet, au lieu de 41 193 $ d’impôt, la cliente doit payer 22 884 $ sur son revenu de 80 000 $, selon Daniel Laverdière. Puis, la fiducie doit payer un impôt de 10 554 $ sur son revenu imposable de 37 000 $ (soit 40 000 $ moins les frais de 3 000 $).

Au total, les impôts et les frais s’élèvent à 36 438 $ (22 884 $ + 10 554 $ + 3 000 $), une différence avantageuse (voir le tableau).

Une question d’équité

Le gouvernement fédéral propose aussi de supprimer un avantage fiscal visant les nouveaux résidents canadiens qui mettent en place une fiducie non résidente.

Depuis le 11 février, date de dépôt du budget, l’exemption d’impôt sur le revenu de source étrangère de ce type de fiducie pour une période de 60 mois est abolie.

Les nouveaux résidents bénéficiaires ou contribuants de ces fiducies ne pourront plus profiter de ces avantages fiscaux indirects.

«Les personnes résidant au Canada qui gagnent un revenu semblable directement ou par l’intermédiaire d’une fiducie résidant au Canada n’ont pas droit à ces avantages. L’exemption de 60 mois pose des problèmes d’équité, d’intégrité et de neutralité du régime fiscal», lit-on dans le budget fédéral.

Cette mesure permettra au gouvernement fédéral d’économiser en moyenne 22 M$ par an, soit 110 M$ au total au cours des cinq prochains exercices financiers.

«C’est la fin de ce qu’on appelait les fiducies d’immigration faites en faveur des nouveaux immigrants», indique Annie Boivin, planificatrice financière et vice-présidente, planification fiscale et successorale, du bureau montréalais de Richardson GMP.

Auparavant, certaines planifications offraient au client qui immigrait au Canada de transférer son patrimoine dans une fiducie non résidente située dans un paradis fiscal comme les Bahamas ou les îles Caïman, selon la fiscaliste.

«Par exemple, le capital était transféré de la France dans cette fiducie, et pendant les 60 premiers mois de résidence au Canada du client, le nouveau résident profitait de l’exemption. Après 60 mois, la fiducie était fermée et son capital était rapatrié au Canada», explique Annie Boivin.

Selon elle, les fiducies existantes profiteront de l’exemption jusqu’au 31 décembre 2014, à condition de ne fournir aucun apport de capitaux à la fiducie.

Allègement pour dons successoraux

Par ailleurs, le dernier budget fédéral propose d’assouplir le traitement fiscal des dons de bienfaisance effectués dans le contexte d’un décès survenant après 2015.

«Les dons effectués par testament et les dons par désignation ne seront plus réputés avoir été effectués par un particulier immédiatement avant son décès», précise le plan budgétaire.

«Ils seront plutôt réputés avoir été effectués par la succession au moment où le bien faisant l’objet du don est transféré à un donataire reconnu.»

Actuellement, lorsqu’un particulier effectue un don par testament, il est réputé avoir fait ce don immédiatement avant son décès. Donc, le crédit d’impôt pour don de bienfaisance (CIDB) est applicable dans la dernière déclaration de revenus du défunt, précise Annie Boivin.

La même règle s’applique pour un don désigné, comme le don d’une police d’assurance dont le bénéficiaire est un organisme de bienfaisance reconnu, ajoute Annie Boivin.

Lorsqu’un don est fait par une succession, le CIDB vient réduire l’impôt de la succession et ne peut pas être appliqué dans la dernière déclaration de la personne décédée.

Les nouvelles mesures budgétaires donneront plus de flexibilité au liquidateur de la succession, juge Daniel Laverdière, de Banque Nationale Gestion privée 1859.

Le liquidateur pourra répartir le don sur l’une des années d’imposition suivantes, selon ce qui est plus avantageux : l’année d’imposition de la succession au cours de laquelle le don est effectué ; une année d’imposition antérieure à la succession ; ou les deux dernières années d’imposition du particulier, explique Daniel Laverdière.

Pour que le don soit admissible à cet avantage, il devra être fait dans les 36 mois qui suivent le décès. Les limites actuelles continueront de s’appliquer, comme celles liées au pourcentage maximum du revenu du client pouvant être donné.

Cette mesure, qui s’appliquera à partir de l’année d’imposition 2016, coûtera au gouvernement fédéral 105 M$ durant les quatre exercices financiers qui suivront.