Une faille importante

Mérici Services Financiers s’y oppose de façon catégorique dans son mémoire : «La DSR est une faille importante dans le régime de protection des consommateurs. Le législateur devrait se poser la question : la DSR a-t-elle réellement sa place au Québec ?»

Le rapport sur la LDPSF déposé par le ministère des Finances du Québec reconnaît d’ailleurs les difficultés que pose la DSR. «Une des faiblesses du régime de DSR est qu’il assujettit à un ensemble de règles des personnes qui n’ont autrement aucun lien avec le secteur financier et l’activité de distributeurs n’est que secondaire à leur activité principale.»

«Une autre faiblesse importante du régime de DSR est qu’il fait reposer la majeure partie de la responsabilité de la distribution sur une personne qui n’est pas nécessairement en mesure d’assumer cette responsabilité», explique le rapport.

D’où la recommandation du ministère des Finances qui vise à faire reposer la responsabilité de la distribution sur une entité qui peut l’assumer, soit l’assureur.

Cela ne rassure pas pour autant Dany Bergeron, président de la Financière Radisson. «La personne qui offre le produit ne possède pas la formation de base nécessaire pour assumer une fonction de conseil qui apporte de la valeur au client», juge-t-il.

«Je verrais d’un bon oeil que les règles imposées aux assureurs pour la DSR soient les mêmes que pour la vente par Internet, y compris l’imposition d’un court questionnaire à choix multiples sur les particularités du produit afin de conclure la vente», ajoute-t-il. (Voir le texte en page 20)

Abolir sans délai

L’Association professionnelle de conseillers en services financiers (APCSF) est aussi sceptique. «Un produit financier ne devrait être offert que par un conseiller dûment formé», affirme-t-elle dans son mémoire.

L’APCSF souligne de nombreuses pratiques néfastes pour le consommateur, telles que «l’absence de preuves médicales à fournir lors de la souscription à ce type d’assurance-crédit [et] l’absence d’analyse des besoins du consommateur».

L’APCSF insiste par exemple sur l’importance de la désignation de bénéficiaire, qui «ne doit pas être banalisée dans ces produits, considérant que les scénarios de faillite versus l’insolvabilité, le règlement hors succession, les frais reliés au fonds distinct doivent être envisagés dans un portrait global à la suite de l’analyse des besoins du client».

L’APCSF recommande que la distribution d’assurance vie et invalidité par «prospectus» et sans représentant soit abolie. Sinon, les institutions financières et les concessionnaires automobiles qui veulent continuer de vendre ces produits d’assurance devraient se constituer en cabinets et embaucher des conseillers en sécurité financière.

Du côté de ceux qui sont favorables à la DSR, on fait valoir que celle-ci donne aux consommateurs un meilleur accès à une variété de produits.

«Sans ce régime [la DSR], […] plusieurs produits d’assurance seraient sans doute peu ou pas disponibles en raison du manque d’intérêt des représentants, considérant la faible rémunération associée à l’assurance accessoire», souligne le Mouvement Desjardins dans son mémoire.

La responsabilité, un sujet épineux

Cela dit, Desjardins reconnaît que le régime de DSR nécessite un rééquilibrage entre les responsabilités des distributeurs et celles des assureurs. Sa prise de position réaffirme «que les assureurs, en tant que mandants, devraient être davantage imputables du respect des obligations de leurs distributeurs».

De plus, la coopérative rappelle que le manufacturier de produits d’assurance est exposé à des recours en dommages dans le cas où un préjudice au consommateur résulterait d’un manque d’information.

Desjardins considère cependant que la Loi sur les assurances serait l’instrument idéal pour établir les responsabilités des assureurs dans la relation «mandant-mandataire» pour la DSR.

Industrielle Alliance (iA), plus prudente, juge que la recommandation de rendre l’assureur imputable des gestes posés par le distributeur doit faire l’objet de discussions supplémentaires.

«La DSR doit demeurer une responsabilité partagée entre l’assureur et le distributeur, et nous sommes d’avis que les consommateurs bénéficient d’une meilleure protection dans un régime réglementaire où les distributeurs demeurent assujettis à la surveillance directe de l’Autorité des marchés financiers (AMF)», écrit iA.

Pour sa part, le Conseil des professionnels en services financiers (CDPSF) réplique aux arguments de Desjardins, selon lesquels le manufacturier est légalement responsable de ses produits, et donc redevable de leur qualité et de leur efficacité devant les tribunaux civils. Or, selon le CDPSF, «offrir de régler les différends devant les tribunaux n’est pas une garantie suffisante de protection du public».

«Dans son mémoire [sur la DSR soumis à l’AMF en 2011], Desjardins insistait sur le fait que l’AMF dispose déjà des pouvoirs lui permettant d’inspecter les assureurs et de sévir à l’endroit des contrevenants. Nous soumettons, à l’opposé, que l’ajout d’inspections et de mécanismes de surveillance risque d’alourdir le fardeau financier des assureurs et des distributeurs», ajoute le CDPSF dans son mémoire.

Le CDPSF remarque d’ailleurs qu’en 2014, selon le dernier «Rapport annuel sur les institutions financières» de l’AMF, la prime moyenne d’une police distribuée par un concessionnaire automobile était supérieure de 64 % à celle d’un représentant. Cet écart s’expliquerait «notamment par le taux de commission, qui est plus élevé pour la DSR».

«La solution la plus équitable financièrement et qui assure la meilleure protection du public réside dans l’intervention d’un représentant certifié», conclut le CDPSF.