C’est ce qu’affirme le Centre québécois de formation en fiscalité (CQFF) dans une étude qui examine les problèmes liés à l’application du crédit d’impôt pour dividendes pour les résidents du Québec.
Durant la période de 2006 à 2018, le gouvernement du Québec a empoché en moyenne une somme de 200 M$ par année en raison de ce problème, pour une moyenne de 3000 $ par contribuable visé. « Ce manque de transparence du ministère des Finances du Québec doit être dénoncé », lit-on dans l’étude écrite par les fiscalistes Yves Chartrand et Stéphane Thibault, tous deux du CQFF.
« Au nom de l’équité et de la cohérence pour tous les contribuables de la province, le gouvernement du Québec devrait mettre un terme à cette surimposition des dividendes (déterminés et ordinaires) en rajustant adéquatement les taux de ses crédits d’impôt pour dividendes », ajoutent les auteurs.
La surimposition découle d’un problème d’application de l’abattement fédéral de 16,5 % sur le crédit d’impôt pour dividende au fédéral. Ce problème vient dérégler le principe d’intégration pour les particuliers québécois. Ce principe, cher en fiscalité, prévoit que si un particulier imposé au taux maximum reçoit un dividende, ce revenu sera imposé au même niveau, après le paiement de l’impôt corporatif, que si ce contribuable avait gagné ce revenu directement.
Le problème de la surimposition des dividendes pour les résidents du Québec n’est pas nouveau. En 2013, le CQFF publiait une étude qui expliquait que l’application de l’abattement fédéral sur le crédit d’impôt pour dividendes au fédéral crée une distorsion dans la mécanique du principe d’intégration.
En effet, la façon dont est calculé le crédit d’impôt pour dividendes au fédéral vise à compenser le particulier pour les impôts payés par la société par actions. Or, une fois l’abattement fédéral de 16,5 % appliqué sur ce crédit d’impôt pour dividendes, la valeur de celui-ci ne couvre pas la totalité de l’impôt payé par la société au fédéral. Il y a un manque à gagner de 16,5 %, note le CQFF.
« Il est donc normal qu’une surimposition existe, puisque l’abattement fédéral de 16,5 % s’applique sur le crédit d’impôt fédéral octroyé au particulier, alors qu’aucun abattement fédéral ne s’applique sur l’impôt fédéral payé par la société », lit-on dans l’étude.
Les auteurs donnent l’exemple d’un client québécois qui reçoit un dividende déterminé majoré de 100 $. Plutôt que de profiter d’un crédit d’impôt pour dividendes au fédéral ayant une valeur de 15,02 $ (15,0198 % de 100 $), le particulier qui réside au Québec à la fin de l’année met la main sur un crédit ayant une valeur de 12,54 $ (83,5 % de 15,02 $). Pourtant, l’impôt corporatif fédéral réellement payé est de 15 $ et non 12,54 $.
À première vue, on pourrait croire que c’est le gouvernement fédéral qui profite de cette surimposition, mais le CQFF a récemment découvert que c’est plutôt le gouvernement du Québec qui en profiterait, d’après leur document.
Ceci s’explique par la façon dont se calculent les paiements de transferts au titre du financement des programmes sociaux et de la péréquation entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec. Le CQFF soutient que le gouvernement fédéral réduit ses transferts au Québec d’un montant équivalent à celui de cet abattement spécial. Ce dernier n’entraîne ainsi aucun coût net pour le gouvernement fédéral, mentionnent les auteurs, citant un document d’information de la Commission sur le déséquilibre fiscal, publié en 2001.
En conséquence, « les impôts perçus en trop de cette surimposition des dividendes déterminés se retrouvent en très grande partie (pour ne pas dire en presque totalité), dans les poches du gouvernement du Québec et non dans celles du gouvernement fédéral comme cela semble être le cas à première vue », écrivent les auteurs.
Une partie du crédit d’impôt pour dividendes au fédéral, qui sert à compenser l’impôt corporatif payé par la société au fédéral), et « qui devrait se retrouver dans les poches du particuliers qui réside au Québec », se retrouve plutôt dans les coffres du gouvernement du Québec, d’après les auteurs.
Ni l’attachée de presse du ministre des Finances du Québec, Carlos Leitao, ni le porte-parole du ministère des Finances du Québec n’étaient pas en mesure de commenter cette situation mardi matin.