Lors de la dernière campagne électorale, les libéraux évoquaient la possibilité de créer un Régime enregistré d’épargne-propriété (REEP) pour les premiers acheteurs de résidence, âgés de moins de 40 ans. Selon ce qui était alors mentionné, un montant maximal de 40 000 $ aurait pu être retiré des REER sans devoir payer d’impôt, selon des modalités diverses, notamment pour s’assurer d’un investissement pour une période minimale.
Pour profiter de ce régime, soit la non-imposition d’une somme déduite, la finalité impliquait l’achat réel d’une propriété.
La proposition de ce REEP a finalement été abandonnée pour une nouvelle mouture. La réflexion a ainsi progressé et porte finalement le nom du Compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP). Dès 2023, ce régime consistera en de nouveaux droits de cotisations déductibles (droits de CELIAPP au lieu de droits de REER ou CELI), jusqu’à un plafond de 8 000 $ par année civile, pour des dépôts totaux maximisés à 40 000 $. Le revenu gagné dans le CELIAPP n’est pas assujetti à l’impôt.
Certains se rappelleront du Régime enregistré épargne logement (REÉL) instauré en 1974 et aboli au début des années 1980. Les contribuables pouvaient contribuer jusqu’à 10 000 $ dans un REÉL (contribution annuelle maximale de 1 000 $). Les contributions étaient également déductibles dans le revenu imposable, et le revenu accumulé dans le régime était lui aussi libre d’impôt. Les fonds du régime pouvaient être retirés sans imposition si utilisés pour un acompte pour l’achat d’une maison (ou de meubles à certains moments). En 1974, les Canadiens de Montréal étaient à l’aube d’une série de quatre coupes Stanley consécutives.
Voici quelques observations dans l’attente de la publication des propositions par le gouvernement pour des éléments additionnels:
- Pour ouvrir le CELIAPP, on doit être un résident du Canada d’au moins 18 ans, aucune limite d’âge n’est mentionnée. Le CELI n’a pas de limite d’âge non plus.
- Le particulier ne doit pas avoir vécu dans une propriété lui appartenant dans l’année de l’ouverture du compte CELIAPP, ni dans les quatre années civiles précédentes.
- La sortie libre d’impôt du CELIAPP n’est possible que si l’achat d’une première propriété admissible se réalise dans les 15 ans suivant l’ouverture du compte.
- Un particulier est admissible à faire un retrait non imposable relativement à une seule propriété à vie.
- Aucun test de revenu gagné n’est nécessaire pour se qualifier au 8 000 $ annuel, contrairement aux droits de REER habituels. Ce montant fixe est accordé sans condition, ce qui est similaire au droit annuel du CELI.
- Les droits annuels ne sont pas cumulables, contrairement aux droits REER et CELI non utilisés.
- Le CELIAPP annuel maximum de 8 000 $ est non indexé avec un plafond cumulatif de 40 000 $. Le CELI régulier est de 6 000 $ en 2022, mais indexé selon l’IPC. Le plafond REER est de 29 210 $ indexé au niveau MGA, les deux sans limites cumulatives.
- Un particulier peut avoir plusieurs CELIAPP, mais les limites s’appliquent pour la globalité des comptes.
- Le RAP aidant à l’acquisition d’une première propriété se limite à 35 000 $, montant similaire aux dépôts maximums au CELIAPP de 40 000 $.
- Dans le meilleur des cas, le 40 000 $ en dépôts serait atteint en début 2027 à la suite de cinq dépôts de 8 000 $, de 2023 à 2027 inclusivement. Donc, une attente est nécessaire pour dégager une somme permettant un impact notable pour une mise de fonds destinée à l’achat d’une première propriété.
- Le CELIAPP ayant des dépôts totalisant 40 000 $ peut avoir un retrait non imposable bien supérieur, en raison du rendement possible pendant une période maximale de 15 ans. L’accumulation après 15 ans de cinq dépôts annuels de 8 000 $ à des taux de rendement de 2 %, 4 % et 6 % pourrait atteindre respectivement 51 800 $, 66 700 $ et 85 600 $.
- La cotisation au CELIAPP peut se faire par un transfert direct d’un REER sans conséquence fiscale, sous réserve des limites annuelle et cumulative.
- Il ne serait pas possible d’effectuer à la fois un retrait CELIAPP et un retrait RAP relativement à l’achat de la même propriété.
- Puisqu’un couple peut doubler le RAP pour atteindre 70 000 $, un couple pourrait chacun déposer 40 000 $ dans deux comptes CELIAPP séparés, et utiliser une somme non imposable pouvant dépasser largement 80 000 $, considérant le rendement généré prévisible.
- Les montants retirés à d’autres fins que l’achat d’une première propriété admissible seraient imposables. L’imposition pourrait être repoussée jusqu’aux quinze ans suivant l’ouverture du compte, et permettre entre temps de différer l’imposition des revenus annuels.
- Sans achat de propriété, il est possible de transférer les fonds d’un CELIAPP à un REER (en tout temps de l’année de l’atteinte de 71 ans) ou dans un FERR. Les transferts au REER ou au FERR permettent de reporter l’imposition sans aucune incidence négative sur les droits de cotisation au REER disponibles.
- Les retraits et les transferts ne rétablissent pas les plafonds de cotisation au CELIAPP.
Les principaux questionnements
Plusieurs questions demeurent en suspens. En voici quelques exemples auxquelles des propositions législatives pourraient répondre :
- La cotisation au CELIAPP est-elle déductible sans limites d’âge? Ou doit-on s’attendre à une similitude avec l’année d’atteinte de 71 ans applicable au REER ? Pour rappel, le REER a une limite d’âge de 71 ans pour cotiser pour soi-même. Il est tout de même possible de cotiser par la suite dans un REER de conjoint n’ayant pas atteint 71 ans.
- Dans le cas du RAP, le particulier ne doit pas avoir résidé dans une habitation dont lui ou son conjoint était propriétaire. Le conjoint, unique propriétaire de la résidence, disqualifiera-t-il le particulier?
- Si on est officiellement séparé de son conjoint, peut-on être admissible au CELIAPP sous certaines conditions même si on a occupé ou possédé une résidence principale dans les dernières années ?
- Avec une cotisation annuelle au CELIAPP, peut-on faire comme pour le REER et optimiser la déduction dans une année subséquente?
- Les cotisations au REER effectuées au cours des 60 premiers jours de l’année peuvent être affectées à l’année en cours ou à l’année précédente. Qu’en sera-t-il pour le CELIAPP ?
- Quels seront les placements admissibles ?
Éléments de planification
Déjà naissent certaines recommandations à la lumière des informations connues à la date du budget :
- Un particulier de 20 ans sans épargne importante pourrait prioriser le CELIAPP avant le CELI et REER pour accumuler des sommes sur cinq ans, destinées à une mise de fonds pour l’achat d’une première propriété. Ainsi, il ne gruge aucunement les droits REER/CELI. Si aucun achat d’ici ses 35 ans, il pourrait simplement rouler le solde à son REER et payer les impôts au moment de son choix lors des retraits subséquents. Cela s’avère mieux que le roulement du rendement du REEE vers le REER car dans ce cas, les droits de cotisations au REER sont considérés. il est donc surprenant de constater la possibilité de rouler le CELIAPP vers le REER ou le FEER sans que les droits de cotisations ne soient grugés.
- Le RAP ou le CELIAPP? Dans le cas d’un achat entre 2023-2027, le RAP du REER actuel permet au début, une somme plus élevée que le CELIAPP. Mais suivant cette période, le CELIAPP semble incontournable et annonce probablement la fin du RAP et de ses contraintes de remboursement. Attention de ne pas brûler sa capacité future de CELIAPP en utilisant moins de 40 000 $, en raison de fait d’une seule utilisation à vie du CELIAPP. Parfois, la vie change et fait qu’on se requalifie à nouveau pour une première propriété.
- Voici le cas d’un jeune professionnel vivant confortablement dans un luxueux appartement de Montréal profitant du jet set de la ville. Il pourrait maximiser son REER, son CELI et maintenant son CELIAPP. Sans même avoir l’intention d’acheter une résidence, il roulera simplement son CELIAPP après 15 ans dans son REER déjà bien garni et le tout, avec de généreuses déductions fiscales. Un locataire très heureux! L’exemple n’est pas si futile. En Allemagne, seulement près de 51 % de la population adopte le mode de vie d’être propriétaire.
- De façon similaire, la personne de 75 ans aisée financièrement, ayant vendu sa résidence à 65 ans et vivant maintenant dans une résidence de grand luxe, pourrait peut-être cotiser 8 000 $ au CELIAPP et récupérer possiblement 1 500 $ de sa PSV. Après cinq ans, il pourrait ainsi curieusement renflouer son FERR.
- La question viendra également à savoir si cette liquidité additionnelle ne sert qu’à acheter une maison plus dispendieuse que le particulier pourrait se permettre. Faudrait certainement bien éclairer notre client pour l’empêcher d’acquérir une propriété au-dessus de ses moyens. Si trop d’acheteurs agissent ainsi, les prix vont simplement monter si l’offre n’est pas au rendez-vous.
- Est-ce que le programme servira tant que cela aux jeunes ménages coincés financièrement? L’analyse du TEMI pour les jeunes familles avec enfants sera intéressante. Mais pour les gens plus fortunés pouvant avoir accès à des déductions fiscales alléchantes, le CELIAPP sera assurément un bonbon additionnel non nécessaire pour devenir propriétaire.
Bien des observations, questionnements et réflexions, mais l’image plus juste ne sera connue qu’avec les dispositions législatives. Impossible de voir tous les angles en ce lendemain de budget, laissons nos cerveaux travailler, il faut du temps et du recul pour bien juger.
Le but de cet article est de lancer des points de discussion, la sagesse nous dicte de tout soupeser pour donner les meilleures recommandations. En ce 8 avril 2022, il est encore trop tôt. Mais pour ce qui est des prochaines coupes Stanley, pourquoi ne pas recommencer à rêver !