C’est ce qui ressort du document de discussion publié en mai dernier et dans lequel le CCRRA cerne les écarts en matière de réglementation qu’il faut réduire entre les fonds distincts et les fonds communs. L’objectif est d’éviter notamment l’arbitrage réglementaire en faveur des fonds distincts.
«Si, en définitive, les cadres réglementaires qui régissent les CICV et les OPC doivent tous deux assurer le traitement équitable des clients, l’impression que l’une de ces structures est moins lourde que l’autre pourrait inciter les intermédiaires à privilégier la vente de produits réglementés par un régime au détriment des autres», peut-on lire dans le document de discussion du CCRRA.
Ce document propose aussi de réduire l’écart réglementaire entre FCP et fonds distincts en matière de divulgation des frais et des rendements.
Or, si l’intention est là, les régulateurs semblent peu pressés d’agir, note Dan Hallett, vice-président et associé, gestion d’actif, chez HighView Financial Group. «Les régulateurs disent qu’ils veulent réduire l’écart et ne pas soumettre les consommateurs à l’arbitrage réglementaire, mais bien qu’ils demandent des commentaires sur la façon de divulguer les frais et la rémunération des fonds distincts, ils ne font aucune proposition», dit-il.
Dan Hallett aurait préféré voir le CCRRA proposer des mesures concrètes à la suite de la phase deux du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2) adopté par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM). «Le CCRRA aurait pu s’en inspirer et arriver avec une proposition concrète pour mettre en oeuvre un régime de divulgation similaire pour les investisseurs, mais ils ne l’ont pas fait», dit l’analyste.
Ce dernier reconnaît cependant que le CCRRA a bien examiné la question en analysant de façon exhaustive le régime de divulgation des fonds communs. Il en ressort quatre grands écarts que le CCRRA estime qu’il est possible de réduire.
Divulgation des frais
Le CCRRA recommande notamment qu’à l’instar des OPC, les compagnies d’assurance soient tenues de faire connaître tous les frais que paie le client, à savoir la rémunération du gestionnaire de fonds, des conseillers juridiques et des comptables, ainsi que les frais de garde et de tenue des comptes.
Pour Maxime Gauthier, chef de la conformité et représentant en épargne collective chez Mérici Services financiers, cela va de soi. «Si le principe de transparence s’applique aux fonds communs, je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas la même chose avec les fonds distincts, qui sont très similaires. Ce qui est intéressant, c’est que le CCRRA prône une divulgation de l’ensemble des frais de gestion», souligne-t-il.
À ce titre, le CCRRA propose même d’aller plus loin que MRCC 2, dans lequel la divulgation de l’ensemble des frais de gestion avait d’abord été réclamée, puis rejetée en cours de route pour miser uniquement sur la divulgation des frais de distribution. «En fin de compte, c’est le client qui paie tout ça, alors disons-le-lui ! Je ne vois pas comment on pourrait s’opposer à ça», ajoute Maxime Gauthier.
Par ailleurs, le CCRRA analysera les orientations des ACVM sur les divulgations supplémentaires liées à la rémunération des courtiers ou sur d’autres mesures proposées pour atténuer les conflits d’intérêts relatifs aux commissions intégrées afin de déterminer si elles seraient souhaitables pour les CICV.
Accords de courtage
Dans le même esprit de transparence, le Groupe de travail souhaiterait que les assureurs soient plus transparents quant aux accords relatifs au courtage, à l’instar des OPC, qui doivent fournir dans leur notice annuelle de l’information détaillée sur ce type d’accord.
Ces accords consistent pour un courtier en placement à fournir à un gestionnaire de fonds ou de portefeuille des rapports de recherches exclusives effectuées à l’interne, en échange de l’engagement du gestionnaire de lui confier des opérations pour lesquelles il touchera une commission.
«Au fond, cela veut dire qu’il faut informer le client sur l’environnement d’affaires pour qu’il connaisse les sources de rémunération, ce qui est tout à fait normal, que l’on soit en fonds distincts ou en fonds communs», explique Maxime Gauthier.
Michel Mailloux, planificateur financier et président de Déontologie.ca, salue la volonté du CCRRA de divulguer non seulement les frais directs, mais aussi toute forme de rémunération indirecte.
«Les fonds distincts et les fonds communs ne sont pas pareils du point de vue financier, mais pour les consommateurs, ils le sont. Les gens perçoivent surtout que ce sont des fonds communs garantis d’un côté, et de l’autre, des fonds communs ordinaires. Ce qui est imposé aux uns doit l’être aux autres. Pour moi, c’est clair que ce qui s’applique aux uns doit s’appliquer aux autres», dit Michel Mailloux.
Divulgation des rendements
En raison de l’entrée en vigueur du MRCC 2, les FCP devront publier un rapport annuel sur le rendement qui tiendra compte des dépôts et des retraits faits dans le compte du client, de la variation de la valeur du compte et du taux de rendement total annualisé pondéré en dollars pour des périodes de 1, 3, 5 et 10 ans.
Pour le moment, les fonds distincts ne sont pas tenus de publier un tel rapport, mais le CCRRA croit que son établissement d’un rapport analogue permettrait de rendre l’information sur le rendement des fonds communs et des fonds distincts comparable et de fournir cette information à l’investisseur dans un seul document. Il précise que ces informations existent dans les autres documents des fonds distincts.
«Imaginons qu’un client fait affaire avec un conseiller qui a ses permis en valeurs mobilières, que ce soit en épargne collective ou de plein exercice, et que pour des raisons de gestion de patrimoine et de protection du risque, il a vendu à la fois des fonds communs et des fonds distincts. D’un côté, il aurait le rendement et les frais ventilés, et de l’autre, ce serait le silence ? Pour moi, cela n’a pas de sens», illustre Maxime Gauthier.
Connais ton produit
Selon le Groupe de travail, certaines données concernant les plaintes et la mise en application des obligations montrent que des compagnies d’assurance vie ne surveillent pas le degré de connaissance des produits et les pratiques commerciales des personnes chargées d’offrir leurs produits «aussi bien que le font par ailleurs les sociétés d’OPC», peut-on lire dans le document de discussion.
«Il conviendrait peut-être d’imposer une norme de diligence plus élevée, une meilleure connaissance des produits et une supervision accrue des pratiques commerciales dans le cas des opérations visant des fonds distincts dans l’ensemble des provinces», note le Groupe de travail.
Pour conserver son permis, le conseiller en sécurité financière doit suivre de la formation continue, tout comme son confrère en épargne collective. Or, selon Maxime Gauthier, les cours sur les fonds distincts sont très peu approfondis par rapport aux cours sur les valeurs mobilières ou les fonds communs.
«Cela veut dire que pour conserver son permis, le conseiller pourrait faire de la formation continue en produits d’assurance, mais ne jamais se mettre à jour sur les fonds distincts. Pourquoi la vente de fonds distincts ne serait pas une sous-composante du permis en assurance ? se demande Maxime Gauthier. L’idée est de s’assurer que le représentant comprend vraiment ce qu’il est en train de faire et qu’il fait la bonne chose pour son client», ajoute-t-il.
Cet avis est partagé par Michel Mailloux, qui constate aussi une méconnaissance des fonds distincts de la part des conseillers en sécurité financière. Tous les fonds distincts ne sont pas similaires, contrairement aux fonds communs.
«Les produits d’assurance sont complexes, en particulier les polices d’assurance vie universelle, qui ont une composante en investissement en plus de l’aspect assurance», dit-il. Il déplore que les formations offertes aux conseillers soient souvent axées sur des produits en particulier plutôt que sur les principes et le fonctionnement de ce type de placement.