D’ailleurs, le coût de celles-ci dépendra de la capacité de négociation de la firme auprès des mainteneurs de marché et des courtiers. Ce pouvoir variera en fonction de la taille des positions et de l’actif sous gestion.
Finance et Investissement a demandé à trois spécialistes du marché des actions de partager les dessous de leur métier. Vous verrez : ils vous feront découvrir des facettes méconnues de l’univers du placement et vous aideront à mieux le comprendre.
«Négocier des actions, un art»
Dans une grande firme de gestion de capitaux comme Fidelity, c’est le pupitre de négociateurs qui s’occupe de l’exécution des transactions. Le gestionnaire de portefeuille analyse un titre, prend la décision d’achat et envoie ensuite ses ordres à Boston, où une équipe d’une trentaine de négociateurs tentera d’obtenir la meilleure exécution, au meilleur prix.
«Lorsque j’achète un million d’actions XYZ, cela peut prendre une dizaine de minutes pour exécuter la commande, mais il me faudra parfois patienter un mois en raison du manque de liquidité», illustre le portefeuilliste Hugo Lavallée.
Ce dernier gère un actif d’environ 2,2 G$, dont les fonds Potentiel Canada et Canada Plus. Notons qu’au Canada seulement, Fidelity gère un actif total de 94 G$ en fonds communs de placement et en actifs institutionnels (au 30 septembre 2014).
«C’est un art de négocier des actions. Je n’enverrai pas toujours un ordre à cours limité, parfois je me fierai à mon trader. On discute, on évalue la liquidité du marché. Je lui dirai si la transaction est urgente», explique Hugo Lavallée. Ultimement, le gestionnaire aura le dernier mot.
Le portefeuilliste voudra dans la mesure du possible simplifier la tâche du négociateur, en recherchant par exemple des situations où le prix du titre convoité est à la baisse.
«Dans mon cas, je privilégie une approche à contre-courant (contrarian). J’ai tendance à attendre le plus longtemps possible et ensuite à acheter agressivement lorsqu’il y a un volume suffisant», souligne-t-il.
«Dans un marché baissier comme en 2008-2009, on surveille les vendeurs sous pression», ajoute Hugo Lavallée. Ça pourrait être un gestionnaire qui a perdu son poste et qui est remplacé par un nouveau gestionnaire. Celui-ci liquidera souvent une partie des positions. Fidelity verra alors passer ce volume vendu au rabais et elle pourrait en devenir la contrepartie.
«Puisque nous sommes le partenaire d’affaires le plus important des grandes banques canadiennes, cela nous donne accès à leurs volumes, à leurs ordres. On saura par exemple ce que font d’autres acteurs canadiens, puisque nous serons leur contrepartie dans plusieurs transactions», précise le portefeuilliste.
Tout cela est aussi une question de réputation. «Chez Fidelity, nous tenons parole, et nous sommes de vrais acheteurs (investisseurs à long terme)», ajoute-t-il.
Le cabinet indépendant
L’approche transactionnelle est bien différente au cabinet indépendant Allard, Allard & Associés, de Montréal.
L’entreprise familiale compte quatre gestionnaires de portefeuille et gère un actif d’un peu plus de 500 M$, dont les trois quarts environ sont des actions, confirme le président, Louis Allard.
L’actif des clients est principalement placé en fiducie chez RBC Dominion valeurs mobilières et à la Banque Nationale.
«Pour 90 % de nos clients, notre gardien de valeurs est également la firme avec laquelle nous exécutons nos transactions. Par exemple, à la Banque Nationale, c’est le Réseau des correspondants qui assure le service par l’intermédiaire d’un représentant à qui nous envoyons nos ordres», explique Louis Allard.
«À la Banque Royale, il s’agit d’une entente avec un courtier de détail avec qui le cabinet a négocié des taux de commission. Ce dernier travaillera les commandes directement avec le pupitre de négociateurs de RBC», ajoute-t-il.
Contrairement à un gestionnaire de fonds communs, comme Fidelity, dans le cas d’Allard, Allard & Associés, la taille des transactions a peu d’effet sur leur prix et sur la qualité de leur exécution. Les coûts sont principalement liés aux commissions payées aux firmes de courtage.
«Nous venons de renégocier une entente afin de réduire nos frais de transaction. Nous voulons les meilleures conditions possible et les meilleurs prix pour nos clients, tout en nous assurant de la confidentialité de nos ordres et du choix de nos titres», précise Louis Allard.
Un budget de commissions
Chez Hexavest, un budget est voté chaque année afin de partager le pourcentage des commissions et des volumes entre courtiers. La firme de gestion de portefeuille de Montréal gère un actif de près de 19 G$ (essentiellement des actions) pour 188 clients.
Ce sont les gestionnaires qui décideront de cette allocation selon différents critères. Le négociateur aura également son mot à dire. Ces critères dépendent notamment de la recherche fournie par la firme, de l’accès aux dirigeants des sociétés, aux analystes et à des conférences.
La qualité de la couverture quotidienne par le vendeur institutionnel auprès du gestionnaire et du négociateur a aussi son importance.
Hexavest fait affaire avec la plupart des grandes banques canadiennes et quelques boutiques plus petites. «Dès qu’il est question de titres américains ou émergents, les gestionnaires négocieront souvent avec des plateformes plus globales et des firmes de courtage américaines», explique Éric St-Onge, négociateur principal de la firme.
Compte tenu de ces critères et de quelques autres modalités de moindre importance, un budget de commissions sera voté et la tarte sera partagée parmi les institutions. «Cette information demeure confidentielle et les courtiers n’en savent rien», précise Éric St-Onge.
La course aux liquidités
Par ailleurs, le défi le plus important d’Hexavest en 2014 est de trouver la liquidité naturelle. «C’est beaucoup moins évident depuis quelques années», remarque Éric St-Onge.
En effet, les marchés sont plus fragmentés. Il existe plusieurs plateformes de négociation comme Alpha, Omega ATS, Pure Trading et Match Now, qui sont en fait des systèmes parallèles du traditionnel TSX. Chacun d’entre eux a ses propres spécificités. Dans le cas de Pure, il sera possible d’effectuer une transaction en dehors du prix offert et du prix demandé, ce qui n’est pas le cas avec le TSX.
«Lorsqu’on négocie avec un courtier, ce dernier utilise un système intelligent de routage et d’exécution des ordres (Smart Order Router, ou SOR) qui pourra, grâce à des algorithmes, se faufiler parmi ces plateformes afin de trouver la liquidité où qu’elle soit», explique Éric St-Onge.
Un courtier qui fait affaire avec une clientèle institutionnelle importante aura également plus de facilité à offrir de la liquidité naturelle. Il n’aura pas à assumer dans ses livres les positions du gestionnaire, il servira avant tout d’intermédiaire.
Hexavest négocie elle-même sur une plateforme électronique. L’entreprise se sert du système Triton de la société ITG.
«Cet outil transactionnel est semblable au Tradebook qu’offre Bloomberg et au Newport d’Instinet», explique Éric St-Onge. En bref, le négociateur pourrait acheter une action sur Alpha en utilisant le système Triton.
De fins stratèges
Avant qu’une transaction soit exécutée sur une plateforme électronique ou sur une place boursière comme le TSX, il y aura parfois des pourparlers entre le négociateur et les différentes contreparties.
Certaines firmes de courtage et certains gestionnaires importants négocieront des prix à l’intérieur de la fourchette du cours acheteur et vendeur (bid-ask spread). D’autres tâteront le marché en ne révélant à leur contrepartie qu’une partie de la transaction.
Sans oublier ceux qui placeront carrément des ordres sur une plateforme électronique tout en exécutant une commande avec un courtier.
Soulignons enfin que le coût d’une transaction effectuée sur une plateforme électronique est beaucoup moins élevé que la commission versée par le gestionnaire à une firme de courtage. Cela oscille autour d’un cent.
En règle générale, les commissions payées sur les actions nord-américaines sont en cents et varient en fonction du prix du sous-jacent. À l’international, ce coût est calculé en points de base.
«La commission prélevée sur une action d’une valeur de 25 $, par exemple, sera de 4 cents. Chaque firme a son barème de commissions qu’elle applique à l’ensemble de ses courtiers», précise Éric St-Onge.