À la veille de la grande messe de son idole Warren Buffett, nous avons demandé à Stéphane Préfontaine, PDG de Préfontaine Capital, ce qui distingue des autres les entreprises qui performent exceptionnellement à long terme.
«C’est la question centrale que tout investisseur sérieux devrait se poser au lieu de se demander ce que les marchés vont faire», tranche aussitôt le conseiller, passionné de placements.
Il faut aussi établir des paramètres de performance, renchérit celui qui recherche minimalement un rendement annualisé de 15% (incluant le réinvestissement des dividendes). C’est 6% de plus que l’indice phare S&P 500 sur une période de deux ou trois cycles économiques, soit 15 à 20 ans.
À ceux qui ne croient pas que les entreprises performantes à long terme existent, le financier cite le rendement annualisé de 13,7% du fabricant des post-it 3M (MMM, 195,68$US) pendant 70 ans, celui de 15,5% de Johnson & Johnson (JNJ, 123,03$US) pendant 72 ans, celui de 20,4% de Teledyne entre 1963 et 1990, et, bien sûr, celui de 21% de Berkshire Hathaway (BRK.B,191,61$US) depuis 52 ans.
Même sur de moins longues périodes – correspondant mieux à l’horizon de placement du petit investisseur – des entreprises performantes ont enrichi leurs actionnaires.
Le financier mentionne le rendement annualisé de 39% de Constellation Software (CSU, 941,00$) en 12 ans, celui de 25% d’Alphabet (GOOGL, 1026,30$US) en 12 ans, ou encore celui de 21% de Visa (V, 127,18$US), en neuf ans.
Qu’ont en commun ces championnes? De bons rendements financiers bien sûr, tels qu’un rendement de l’avoir des actionnaires et un rendement sur le capital supérieurs à la moyenne.
- Préfontaine est toutefois convaincu que l’équipe de dirigeants et la culture de l’entreprise font toute la différence, avant même les avantages concurrentiels durables.
Les rendements financiers ci-haut reflètent essentiellement les bonnes décisions de la haute direction, surtout concernant la répartition du capital.
Les traits des meilleurs dirigeants
Au fil du temps, le conseiller en placement croit avoir découvert ce qui distingue les sociétés gagnantes des autres.
1 – Des dirigeants qui incarnent des valeurs d’intégrité, de discipline et de rigueur et qui les transmettent à leur organisation.
2 – Des dirigeants qui pensent en actionnaires, et qui, conséquemment, détiennent des actions payées de leur poche.
3 – Une culture décentralisée à la base qui accentue l’imputabilité des décisions.
4 – Une culture d’ambition et de détermination, non pas pour bâtir un empire, mais pour exceller.
«Se surpasser est un choix conscient qui passe par la volonté de créer de la valeur pour les actionnaires à long terme», évoque le gestionnaire.
5 – La qualité du PDG repose sur ses valeurs personnelles, sa capacité intellectuelle et son énergie au travail.
«J’aime bien cocher aussi la case humilité, car les meilleurs dirigeants recherchent rarement la notoriété ou la gloire. Ils ont aussi du respect pour leurs employés et leurs fournisseurs», dit-il.
D’expérience, poursuit-il, des dirigeants simples et frugaux, qui sont animés par la volonté d’obtenir des résultats, offrent un profil assez «remarquable».
Quant à la notion de «capacité intellectuelle», le conseiller tient à préciser que cette qualité qu’il recherche réfère surtout à la capacité d’analyse du PDG qui connaît en profondeur toutes les caractéristiques économiques de son industrie.
«On n’a qu’à lire les écrits du fondateur de Teledyne, Henry Singleton, ou les lettres annuelles du patron de Constellation, Mark Leonard, pour le comprendre. C’est presqu’un cours en soit», affirme-t-il.
Les quatre avantages concurrentiels
Les avantages concurrentiels durables sont un ingrédient commun aux sociétés performantes.
Des marges de profit ou un rendement sur le capital investi élevés en sont les manifestations externes les plus visibles.
1 – L’avantage concurrentiel le plus puissant est celui des économies d’échelle, car qui peut produire à moindre coût a d’excellentes chances d’augmenter ses parts de marché.
2 – Une ou des marques de commerce de grande notoriété ont aussi beaucoup de valeur, car elles peuvent fidéliser des clients et donner au fabricant ou au fournisseur le pouvoir d’imposer ses prix.
«Ce n’est pas une garantie à long terme. Kraft Heinz et Procter & Gamble par exemple ont été déjouées par de plus petits fournisseurs plus aptes à s’adapter aux changements rapides dans les goûts et les habitudes de consommation», reconnaît M. Préfontaine.
3 – Le coût de substitution élevé, ou la difficulté d’être délogé par un autre fournisseur, confère aussi un avantage concurrentiel.
«On peut penser aux logiciels à usage quotidien ou névralgiques que les entreprises hésitent à changer, de peur de perturber leur mode de fonctionnement; ou encore, les appareils médicaux brevetés pour lesquels tout le personnel est déjà formé», donne en exemple M. Préfontaine.
4 – Les barrières à l’entrée constituent un autre rempart concurrentiel.
Des brevets, une masse critique d’utilisateurs, des exigences réglementaires ou l’effet de réseau sont très souvent des obstacles difficiles à franchir pour tout nouveau venu.
Ces ingrédients ne sont pas une recette infaillible, mais ils améliorent les chances de dénicher des enrichisseurs, soutient le financier.
«Au fil de lectures et d’inférences, on finit par débusquer les pratiques des meilleurs dirigeants en validant leurs promesses et leurs réalisations», soutient-il.
Un bon investisseur doit bien sûr être attentif au prix qu’il paie pour ses entreprises.
Rien de mieux qu’une panique généralisée pour cueillir les élues, conclut-il.