« Dans le milieu des années 1980, des représentants faisaient déjà la promotion de systèmes où des algorithmes rebalançaient automatiquement le portefeuille. C’était bien avant l’invention de nos téléphones intelligents et le développement d’Internet, tel qu’on les connaît aujourd’hui. Les principes demeurent donc les mêmes, nous devons seulement démontrer une agilité nous permettant de bien réaliser notre mission qui consiste à protéger les épargnants et permettre aux marchés de fonctionner », a rappelé Gilles Leclerc, avocat et surintendant des marchés de valeurs à l’AMF, lundi, lors d’une conférence ayant pour thème « Les innovations technologiques au service du secteur financier ».
Selon lui, l’AMF s’intéresse à plusieurs aspects de l’impact des nouvelles technologies dans sa réglementation. La télématique, l’offre d’assurance via Internet, le conseil en ligne et le financement participatif sont de récents exemples de sujets ayant retenu l’attention du régulateur.
« Dans le cas du conseil en ligne, nous avons publié un avis avec nos collègues des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) en septembre, rappelant les obligations des gestionnaires de portefeuille qui souhaitent développer ce type de service », cite Gilles Leclerc en exemple.
D’après lui, un nombre croissant de courtiers en valeur mobilière, de gestionnaires de portefeuille inscrits ou de conseillers à exercice restreint adaptent leur modèle d’affaire aux nouvelles technologique de manière à solliciter leurs clients pour leur offrir, via leur site web ou un portail, de les assister dans l’évaluation de leur portefeuille.
Pour Gilles Leclerc le défi du régulateur consiste à « adapter le principe de la réglementation à ce nouvel environnement ».
Au Canada, l’utilisation de plateformes technologiques ne se compare toutefois pas à ce qui est observé au sud de la frontière où l’implication humaine est peu ou pas présente, estime-t-il.
« Les systèmes que nous voyons colligent et utilisent des renseignements, mais il y a toujours une décision humaine qui intervient dans le processus de recommandation ou de sélection. Ce principe demeure un volet important du service offert au Canada », signale Gilles Leclerc.
Selon lui, les portefeuilles proposés par les gestionnaires offrant des services en ligne sont principalement composés de fonds négociés en Bourse (FNB), d’organisme de placement collectif (OPC) à faibles coûts, ou d’investissements en capital, incluant des espèces. « Ce ne sont pas des stratégies qui sont élaborées ni des produits complexes, et c’est un élément important qu’il faut garder à l’esprit. »
Gilles Leclerc rappelle d’ailleurs que les obligations envers le client demeurent les mêmes, que le conseil soit offert en personne ou en ligne. « Au Canada, il doit y avoir intervention d’un représentant dans la fourniture d’un conseil en matière de gestion de portefeuille. Le médium n’a pas d’importance. »
Responsabilité accrue envers les renseignements personnels
« L’obligation demeure effectivement la même, qu’on soit en personne ou devant un portail, confirme Nicolas W. Vermeys, avocat et professeur à la Faculté de droit Université de Montréal. Ceci étant, toute la question relative à la sécurité des renseignements personnels pourrait être particulièrement affectée. »
Au Québec, il existe une obligation de sécurité qui est plus grande lorsque nos renseignements personnels se trouvent sous forme numérique plutôt que sous forme papier, mentionne-t-il.
« La Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information, adoptée en 2001, crée une obligation de sécurité lorsqu’il s’agit d’un document technologique qui supporte des renseignements confidentiels. Cette exigence de sécurité existe évidemment pour les renseignements qui sont sur support papier ou autre, mais elle est spécifiée pour les renseignements qui sont sur support technologique », explique Nicolas W. Vermeys.
Le Québec est la seule province au Canada disposant d’une telle loi, mentionne-t-il. Selon lui toutefois, bien qu’il soit relativement bien adapté, notre système législatif pourrait entrainer différentes incidences dans les pratiques selon l’interprétation qui pourrait en être faite. La recherche émanant des méga-données en est un exemple, selon lui.
« Nous avons tendance à dire que le renseignement personnel est une information qui permet d’identifier une personne physique. Alors techniquement, si plusieurs des informations se retrouvant dans une base de données ne permettent pas vraiment de nous identifier, les tribunaux n’en estiment pas moins que dans le cas où le croisement de certaines informations permettait une identification, ces informations devraient alors être considérées à titre de renseignement personnel », illustre Nicolas W. Vermeys.
La sécurité des renseignements personnels constitue l’un des principaux défis des conseillers, et ce n’est pas différent pour le fournisseur de service qui interagit en ligne, signale Gilles Leclerc.
« Les clients ont des attentes élevées relativement à la protection de leurs données personnelles et financières. Comme régulateur, nous nous attendons à ce que les conseillers faisant affaire en ligne adoptent des pratiques qui sont à tout le moins des pratiques élaborées par le secteur en ce qui concerne la sécurité des renseignements personnels. Les obligations ne changent pas : elles sont seulement modulées dans leur application en fonction de la plate-forme utilisée », dit-il.